Les classements de ces dernières années en matière de compétitivité en Afrique ont octroyé une bonne note au Maroc qui fait presque cavalier seul dans la région MENA. Pour les experts, au-delà de ces classements, les pays de la région devront tenir compte des recommandations afin de renforcer leur productivité en misant sur le potentiel du secteur privé. C'est un constat qui mérite d'être particulièrement pris en compte par les pouvoirs publics en matière de stratégie de renforcement de la compétitivité nationale, surtout à l'heure où le Maroc enregistre des résultats positifs en la matière, notamment pour ce qui de l'amélioration du climat des affaires. Selon Jacob Kolster, directeur du département régional Afrique du Nord de la BAD, «En Afrique du Nord, la contribution du secteur privé au développement socio-économique s'avère largement inférieure à son potentiel, en raison précisément d'un manque de compétitivité». L'économiste intervenait à l'occasion d'une journée de réflexion que vient d'organiser le bureau régional de la BAD basé à Tunis et qui a réuni des experts venus des différents pays de l'Afrique du Nord autour de la problématique de la compétitivité. À cette occasion, les participants se sont appuyés sur les recommandations du dernier «Rapport sur la compétitivité en Afrique», lesquels ont structuré les échanges selon des enjeux majeurs, outre les principales réformes à mettre en œuvre pour améliorer la compétitivité dans chacun des pays représentés et, plus globalement, à l'échelle régionale. En somme, une lecture critique du rapport élaboré conjointement par la BAD, l'OCDE, la Banque mondiale et le WEF et dans lequel le royaume, qui a été classé à la 72e place, «reste l'économie la plus compétitive en Afrique du Nord et la cinquième économie la plus compétitive d'Afrique». Compétitivité et productivité Le Maroc est donc le pays qui enregistre la meilleure performance dans la plupart des fondamentaux de la compétitivité en Afrique du Nord, mais il reste qu'il va falloir fournir encore plus d'efforts pour le pays afin de passer le cap de la catégorie des pays à «économie axée sur l'efficience» à celle de «pays en transition» pour au final prétendre à celle des pays à «économie basée sur l'innovation». Le chemin reste long donc à parcours, mais pas assez difficile au vu des marges pour les pays comme le Maroc en matière de réformes structurelles. Les experts n'ont pas manqué à l'occasion de mettre en exergue le fait que les réformes doivent viser à impacter, véritablement et simultanément, la compétitivité et la productivité des économies. «La compétitivité est l'ensemble des institutions, des politiques et des facteurs qui déterminent le niveau de productivité d'un pays alors que le niveau de productivité, en retour, détermine le niveau de prospérité d'une économie», explique la BAD qui a relevé que si des progrès ont été réalisés en matière de compétitivité, la productivité n'a pas suivi. Elle a même décliné ces dernières années comme c'est le cas au Maroc, ce qui pose la question du «chaînon manquant». «En pleine transition, les économies d'Afrique du Nord ont connu des bouleversements politiques, économiques et sociaux majeurs et complexes ces dernières années», a constaté la BAD qui a mis en lumière les efforts mis en œuvre par ces pays, «soucieux d'améliorer leur climat des affaires et de restaurer la confiance des investisseurs». Toutefois, en dépit de la mise en œuvre de ce processus de réformes économiques d'ampleur, «il leur faut accomplir davantage de progrès et d'efforts encore, pour créer davantage d'emplois pérennes et asseoir une croissance de qualité». Dans son exposé, Audrey Verdier-Chouchane, l'économiste en chef du Département de la recherche de la BAD, n'a d'ailleurs pas manqué de souligner que les disparités existent entre les différents pays d'Afrique du Nord en matière de compétitivité. Le Maroc y occupe la meilleure place et, chiffres et données à l'appui, l'experte a démontré que les pays d'Afrique du Nord doivent accomplir des efforts substantiels pour améliorer leur performance. «L'accès au financement, l'inefficience de l'administration et la prévalence de la corruption figurent en tête des faiblesses qui altèrent l'environnement des affaires dans la région» rappelle le rapport de la BAD. La journée d'étude a ainsi permis d'analyser plus en profondeur les enjeux et d'identifier les options et politiques à même d'améliorer la compétitivité dans les pays de la région et il a été fait cas de la nécessité de passer à l'action en se basant sur les recommandations issues des différents rapports. Selon Assitan Diarra-Thioune, économiste du Département régional d'Afrique du Nord de la BAD, «Il est impératif d'œuvrer au développement du secteur privé, ce qui ne pourra se faire sans un environnement des affaires attractif pour les investisseurs, qui se fonde entre autres sur des services publics performants, un cadre légal et réglementaire adéquat et l'application des textes et des lois existantes». C'est un rappel, certes, mais qui a le mérite de mettre l'accent sur le fait qu'au-delà des classements, c'est dans la mise en œuvre des réformes que se trouve la clé du succès. En cela, les pistes sont clairement identifiées. Il s'agit de renforcer les institutions, l'infrastructure et le capital humain afin de tirer pleinement profit des nouvelles technologies de l'information et de la communication, mais aussi de renforcer la diversification afin d'accroître la compétitivité et d'obtenir une croissance durable, tout en misant sur une plus grande intégration aux chaînes de valeur pour la transformation structurelle et l'industrialisation des pays de l'Afrique du Nord.