Les vives protestations du Maroc à l'endroit des attitudes, des gestes et des propos outrageux de Ban Ki-moon, manifestés lors de sa «tournée régionale» en Mauritanie et en Algérie, étaient attendues et nécessaires. Les déclarations du Secrétaire général de l'ONU, qui transigent avec les règles de neutralité, imposées par la pratique onusienne et par la personnalité du responsable qui les tient, sont d'une gravité sans précédent. Ces propos sont d'autant plus dangereux et irresponsables, compte tenu, d'abord, du fait qu'ils épousent parfaitement les thèses du Polisario et de l'Algérie et qu'ils ont été, ensuite, tenus, pour les plus graves, à Alger, à l'issue d'un entretien avec Ramtane Lamamra, ministre algérien des Affaires étrangères. Il s'agit, en effet, de la première fois, qu'un Secrétaire général de l'ONU -ou même qu'un haut responsable onusien- ose qualifier la présence du Maroc au Sahara d'«occupation» qui dure, selon lui «depuis 40 ou 41 ans». L'utilisation de ces mots est, à la fois, très surprenante et préoccupante, d'autant plus qu'ils sont en totale contradiction avec le Droit international et la jurisprudence onusienne. Les organes principaux de l'ONU, tels que le Conseil de sécurité et l'Assemblée générale, n'ont d'ailleurs jamais utilisé le terme «occupation» dans aucune de leurs résolutions, depuis 1980. Il est utile de rappeler que le Sahara est considéré, en termes de Droit onusien, comme «territoire non-autonome» et que, sous ce prisme, ce serait les obligations d'une «puissance administrante» qui s'appliqueraient au Maroc. En avril 2007, le royaume a proposé son initiative d'autonomie des Provinces du Sud, dans le cadre de la souveraineté nationale, qui a été jugée crédible et sérieuse par l'ensemble des résolutions du Conseil de sécurité de l'ONU. L'utilisation du terme «occupation» est donc un détournement éhonté, non seulement de la réalité sur le terrain, mais bien au-delà, du contenu du corpus onusien. Ces propos inadmissibles, qui ont malheureusement été accompagnés, pendant la «tournée régionale» de Ban Ki-moon, de gestes et de postures abjects, ont été très justement qualifiés d'«insulte au gouvernement et au peuple marocain», par les responsables marocains, puisqu'ils touchent au profond sentiment d'attachement de nos concitoyens vis-à-vis des Provinces du Sud. L'émotion des Marocains est perceptible devant l'usage, par le premier responsable onusien, même en fin de parcours, de mots, d'expressions et de comportements bafouant notre intégrité territoriale. Dans sa même déclaration, à la suite de son entretien avec Ramtane Lamamra, Ban Ki-moon affirme, également, que le personnel de la Minurso est prêt «à aider à organiser un référendum». Nous sommes en droit de nous interroger sur le fondement d'une telle affirmation du SG de l'ONU, accompagné à Alger par son Envoyé personnel au Sahara, Christopher Ross, alors qu'aucune résolution récente du Conseil de sécurité sur le Sahara, depuis avril 2007 et la Résolution 1754, ne fait référence au référendum (en dehors de l'appellation et la nomenclature de la Minurso). Pis, Ban Ki-moon semble occulter le contenu de la conversation téléphonique du 22 janvier 2015 avec Sa Majesté le Roi Mohammed VI. Le Secrétaire général de l'ONU avait alors assuré, au souverain, que la Minurso poursuivra sa mission dans «le respect strict de son mandat actuel», rejetant, de facto, toute évolution des paramètres de négociation actuellement en vigueur. Il avait, par la suite, retiré de son Rapport sur le Sahara de 2015, toute référence au changement de cadre, alors qu'il avait proposé au Conseil de sécurité en 2014, de revoir les paramètres de négociation fixés en 2007, si à l'échéance d'avril 2015, aucune avancée notable n'était enregistrée. Une telle collusion, depuis Alger, avec les thèses séparatistes, sans même faire référence à la responsabilité historique de l'Algérie dans ce conflit et dans la détérioration permanente des conditions de vie désastreuses des populations des camps de Tindouf, est un parti-pris inédit et une démarche d'une lourde gravité. Les ambitions de Ban Ki-moon, initialement affichées, de relancer, à travers sa «tournée régionale», le processus de négociations sous l'égide de l'ONU, se voient, de facto, fragilisées. Au-delà de la réaction légitime du Maroc, face à l'emploi irresponsable et juridiquement erroné du terme «occupation», la référence au référendum est totalement contreproductive, compte tenu de la position du royaume, soutenu par les membres permanents du Conseil de sécurité et le «Groupe des Amis du Sahara», de rester fidèle au cadre et aux paramètres de négociations mis en place depuis 2007. Par ailleurs, est-il utile de rappeler à Ban Ki-moon, que le Conseil de sécurité, rappelle, dans toutes ses dernières résolutions depuis 2007, qu'il est indispensable que toutes les parties en conflit fassent preuve de réalisme et d'un esprit de compromis pour aller de l'avant dans les négociations? On peut donc clairement conclure, que sur ce point, le Secrétaire général de l'ONU, chargé de faciliter les négociations, contredit lui-même les recommandations du Conseil de sécurité. Quelles sont alors les motivations de Ban Ki-moon, en fin de mandat, qui tient, depuis Alger, des propos clairement hostiles au Maroc ? Pourquoi -alors qu'il propose de tenir une conférence des donateurs et qu'il a exprimé à plusieurs reprises son soutien aux populations de Tindouf et son émotion face à leur désespoir- n'a-t-il fait, à aucun moment, référence à l'impératif de recensement et d'enregistrement de ces populations ? Pourquoi n'a-t-il pas suggéré la mise en place d'interviews individuelles des populations des camps, pour connaître leurs desideratas personnels quant à leur circulation en Algérie ou au-delà ? Pourquoi, alors que de nombreux rapports internationaux le démontrent, n'a-t-il pas condamné les violations permanentes des droits de l'Homme dans les camps contrôlés par le Polisario, y compris lorsqu'il s'agit du cas de trois femmes sahraouies séquestrées depuis plus d'un an ? Comment peut-il passer sous silence, alors qu'il appelle à davantage d'aide internationale, le détournement avéré d'une partie du soutien financier adressé aux populations de Tindouf ? Enfin, comment expliquer que le premier mandataire de la légalité internationale, puisse s'incliner devant les «couleurs» et le «drapeau» d'une «entité» chimérique, sans territoire, sans peuple et sans attribut de souveraineté ? L'ensemble de ces questions ont pour début de réponse l'analyse suivante : À quelques semaines des prochaines échéances onusiennes sur le Sahara (Rapport du Secrétaire général et la Résolution du Conseil de sécurité), la complaisance de Ban Ki-moon depuis Alger, avec les thèses séparatistes, peut être considérée comme un moyen de mettre la pression sur le Maroc pour le pousser à faire plus de concessions. On se souvient de la déclaration de Ban Ki-moon à la veille de la 40e commémoration de la Marche Verte et de la visite de Sa Majesté le Roi Mohammed VI à Laâyoune en novembre dernier, regrettant que les propositions de 2007 n'aient pas ouvert la voie à de «véritables négociations». Il avait au passage, et pour la première fois, mis sur le même pied d'égalité, la proposition marocaine d'autonomie, jugée «sérieuse et crédible», dans toutes les résolutions onusiennes avec la proposition du Polisario, présentée en avril 2007, dont le Conseil de sécurité a seulement pris note de sa formulation. Il devient clair, aujourd'hui, qu'à quelques mois du départ de Ban Ki-moon, le Secrétaire général sortant de l'ONU, souhaite laisser pour «héritage» le changement de cadre et de paramètres des négociations. En d'autres termes, pour avoir un «actif» sur le dossier du Sahara, le jour de son départ de la Maison de verre, Ban Ki-moon préfère accorder une prime à la médiocrité, à la mauvaise foi et à l'immobilisme, plutôt que de faire preuve de réalisme. En effet, le Maroc, fort de ses réformes, de ses réalisations et de son plan de développement pour les Provinces du Sud, a, à maintes fois et au plus haut niveau, rappelé que seule l'autonomie, toute l'autonomie et rien que l'autonomie dans le cadre de la souveraineté nationale, pouvait être considérée comme solution politique à ce différend régional. La posture, l'attitude et le comportement inadmissible, de Ban Ki-moon, à Tindouf et à Bir Lahlou, en passant en revue les «troupes» et en s'inclinant devant le «drapeau» de la pseudo RASD, semblent lui avoir fait oublier, que la pseudo RASD, ne disposant aucunement d'une personnalité morale selon le droit d'un Etat, tout comme le Polisario, n'est en rien reconnue par l'ONU, comme «représentant légitime et exclusif du Peuple sahraoui» ou encore comme «un mouvement de libération nationale». Le Polisario, n'est qu'une des parties en conflit, dont le comportement et les objectifs coïncident, à tout point de vue, avec ceux de l'Algérie, qui l'abrite, le soutient, l'arme et le «conduit», selon ses propres intérêts nationaux stratégiques. Chose que semble également ignorer le Secrétaire général de l'ONU, lorsqu'il met l'Algérie et la Mauritanie au même niveau, en termes de responsabilité historique et actuelle. Par son comportement, et en tenant des propos alignés sur les thèses séparatistes, Ban Ki-moon renforce, de fait, le statu quo, tout en contribuant, au final, à éloigner davantage les positions des différentes parties en conflit, au détriment des populations sahraouies et en premier lieu, celles de Tindouf. Brahim Fassi Fihri Président Fondateur de l'Institut Amadeus