Toute discrimination fondée sur les convictions religieuses est formellement prohibée. Une question se pose cependant: dans quelle mesure l'employeur peut-il limiter les pratiques religieuses de ses subordonnés? Contrairement à d'autres droits, notamment le droit français, il n'existe en droit du travail marocain aucun texte essayant d'imposer un équilibre entre liberté religieuse et intérêt de l'entreprise. Le Code du travail interdit les discriminations fondées sur les convictions religieuses. Ainsi, selon l'article 9 dudit Code, «est interdite, à l'encontre des salariés, toute discrimination fondée sur la religion (...), ayant pour effet de violer ou d'altérer le principe d'égalité des chances ou de traitement sur un pied d'égalité en matière d'emploi ou d'exercice d'une profession, notamment en ce qui concerne l'embauchage, la conduite et la répartition du travail, la formation professionnelle, le salaire, l'avancement, l'octroi des avantages sociaux, les mesures disciplinaires et le licenciement». Toute discrimination fondée sur les convictions religieuses est donc formellement prohibée. La religion, et plus précisément les pratiques religieuses, peuvent poser des difficultés en entreprise. D'une part, en sa qualité de salarié et par application des dispositions de l'article 21 du Code du travail, le travailleur se trouve sous la subordination juridique de l'employeur qui dispose d'un pouvoir d'organisation et de direction. D'autre part, si la vie privée du salarié ne saurait interférer avec la vie professionnelle, ce dernier ne peut, en pénétrant dans l'entreprise, faire totalement abstraction de certains attributs de sa vie privée. Se pose alors la question de la difficile conciliation d'intérêts antagonistes: d'une part, la subordination inhérente au contrat de travail et, d'autre part, la fixation de limites que cette subordination ne saurait franchir sans porter atteinte aux libertés fondamentales du salarié. En d'autres termes, dans quelle mesure l'employeur peut-il limiter les pratiques dictées par les convictions religieuses de ses subordonnés? Doit-il accepter que ses salariés cessent de travailler pour faire leurs ablutions et accomplir les prières quotidiennes ? Aménager les horaires pendant le mois de ramadan ? Accepter que les salariés s'absentent pour la prière du vendredi ? Autant de questions auxquelles le Code du travail n'a apporté aucune réponse. Contrairement à d'autres droits, notamment le droit français, il n'existe en droit du travail marocain aucun texte essayant d'imposer un équilibre entre liberté religieuse et intérêt de l'entreprise. Il appartient donc aux employeurs de fixer le cadre et aux magistrats, s'ils sont saisis, de trancher les questions au cas par cas. Pour autant, et en l'absence de texte explicite disposant du contraire, il nous semble que l'employeur n'a absolument aucune obligation légale d'accorder à ses salariés des pauses pour leur permettre d'accomplir les prières quotidiennes, ni d'aménager les horaires pendant le mois de ramadan. Bien plus, tout salarié qui refuserait d'accomplir les tâches pour lesquelles il a été embauché, motif pris de la prière ou du mois sacré, s'expose à une sanction disciplinaire pouvant aller jusqu'au licenciement pour faute grave. Notre Constitution garantit la liberté religieuse, et cette liberté n'est pas totale si elle n'intègre pas le libre exercice des rituels religieux auquel le salarié adhère. En dehors du temps et du lieu du travail, l'employeur ne saurait naturellement s'opposer aux pratiques religieuses du salarié. En revanche, de tels rituels peuvent être proscrits dans l'enceinte de l'entreprise. Mais cette prohibition ne peut aller jusqu'à l'interdiction faite au salarié d'exprimer ses convictions personnelles. Les restrictions et interdiction doivent trouver leur justification dans le respect dû à l'autorité de l'employeur ou à l'organisation du travail: la liberté religieuse ne permet pas de ne pas respecter les horaires de travail, les lieux de travail, les techniques professionnelles utilisées ou encore la stratégie commerciale ou marketing de l'entreprise. Ainsi, le salarié ne devrait pas pouvoir abandonner son poste de travail avant l'horaire prévu ou en cours de journée en invoquant des convictions religieuses ou des prières. De même, la liberté religieuse ne saurait justifier l'inexécution de certaines tâches relevant de l'emploi comme le refus de ce joueur de football de porter le maillot de son équipe au motif qu'y figurait le logo d'une entreprise de jeux en ligne. Conseil Il est vivement recommandé d'insérer dans les contrats de travail ou le règlement intérieur des clauses précisant les limites de l'exercice de la liberté religieuse dans l'entreprise et ainsi traiter cette question délicate de manière globale, de sorte à apporter une réponse uniforme pour l'ensemble du personnel nonobstant les convictions religieuses des uns et des autres. Lexique Entreprises de tendance: ce sont des organisations ayant officiellement des finalités politiques (partis politiques), syndicales (syndicats), religieuses, etc. Les convictions des salariés de ces organisations doivent donc être en harmonie avec la finalité de l'employeur et ils ne peuvent opposer à leur employeur des convictions -notamment religieuses- propres.