Les Méliliens ne pourront plus faire leurs emplettes au Maroc. Les autorités de l'enclave ont décidé de durcir les contrôles aux frontières, afin de barrer la route à certaines denrées alimentaires d'origine marocaine, ce qui a soulevé l'ire des partis de confession musulmane. Des manifestations ont été organisées au cours de la semaine dernière pour dénoncer la mesure. Environ 500 personnes ont répondu à l'appel du parti Comisión islámica de Melilla (CIM) et Coalición por Melilla (CPM). Les manifestants ont déambulé dans les principales artères de la ville pour atteindre le siège de la Délégation, scandant des slogans contre l'interdiction du passage de denrées alimentaires nationales au sein de l'enclave. Les deux formations reprochent aux autorités de la ville de vouloir mettre fin à l'entrée de produits de première nécessité élaborés au Maroc. Ils pointent du doigt la rigidité avec laquelle le haut responsable de la ville interprète la loi sur l'importation d'aliments en dehors du préside. L'histoire remonte au mois de ramadan. À cette époque, la restriction de l'entrée des produits en provenance du Maroc s'est drastiquement renforcée, au grand dam des résidents musulmans pratiquant le jeûne, qui s'approvisionnaient au Maroc. Dès lors, des amendes ont commencé à être infligées au niveau du passage frontalier à toute personne transportant des denrées alimentaires en provenance du territoire marocain. Dans des déclarations à la presse locale, le président du CIM, Driss Mohamed Amar, a mis l'accent sur le zèle du gouvernement local à interdire certains produits et à céder le passage à d'autres. Arguant que les autorités de Mélilia font une mauvaise interprétation de la loi, puisque la législation en question régule l'acheminement de subsistance à partir des enclaves vers la péninsule ibérique, et non du Maroc vers les présides. Les protestataires estiment que derrière cette suspension se cachent des intérêts privés et personnels. De surcroît, jugent les contestataires, les achats effectués au Maroc représentent à peine 5% du total des emplettes. Le gouverneur de Mélilia, Antonio María Claret, a écarté toute possibilité de levée de l'interdiction. Selon lui, la norme est européenne et rien ne prévoit qu'elle soit modifiée, d'autant plus que cette réglementation est en vigueur depuis 1993. En allusion à la fête du Sacrifice, le gouverneur de Mélilia a insisté pour que la réglementation soit respectée durant la fête religieuse, quand auparavant et de manière exceptionnelle, les frontières cédaient le passage aux moutons destinés au sacrifice. Les protestataires ne s'avouent pas vaincus, malgré le refus des responsables de les recevoir afin de résoudre ce différend. Des plaintes officielles ont été adressées au Parlement local. Dans leur missive, ils estiment que la situation géographique de Mélilia oblige à s'approvisionner au Maroc de façon habituelle, pratique perpétrée durant des années sans que cela soulève la moindre polémique, vu que la flexibilité était toujours de mise. Les responsables gouvernementaux ont laissé entendre que ces approvisionnements étaient destinés à la revente, allégation démentie en bloc par le porte-parole du CIM, Samir Mohamed Taieb, lequel réfute l'idée selon laquelle les Méliliens sont des contrebandiers, comme on l'a insinué, et clarifiant qu'il s'agit d'aliments pour la consommation personnelle. En effet, les Méliliens penchent pour les produits marocains pour l'accessibilité de leur prix. Les produits de première nécessité sont relativement moins chers que ceux procurés par-delà les frontières, sachant aussi que les prix pratiqués à Mélilia ou Sebta sont bradés en comparaison de ceux de la péninsule ibérique, étant donné que les villes jouissent d'un statut fiscal particulier, caractérisé par l'exemption des taxes. Les responsables de l'enclave voient cette ruée vers les produits nationaux d'un mauvais œil, puisqu'elle fait de l'ombre à l'activité locale. La crise économique qui sévit en Espagne serait le principal motif de cet embargo alimentaire. Pour couper court aux rumeurs mettant en doute la qualité des produits nationaux, le CIM a réclamé au gouverneur local de rendre publique toute information à ce sujet, de manière à réduire au silence les mauvaises langues qui brandissent l'argument de l'hygiène. Les partis politiques estiment que cet argument ne tient pas la route, puisque les touristes en visite au Maroc consomment lesdits produits sans problème. Le CIM ajoute qu'il est saugrenu de dresser des barrières à l'entrée des produits laitiers et de la viande, et de laisser la porte grande ouverte aux légumes et aux poissons...