Sur un total de 293 textes entérinés par les deux chambres du Parlement en cette neuvième législature, seules 16 initiatives législatives des parlementaires ont pu aboutir, soit un pourcentage de 5,46% seulement. Plusieurs facteurs expliqueraient cet état de fait décrié par l'opposition. La production des lois est l'une des principales missions des parlementaires. Or, les initiatives législatives des parlementaires n'arrivent pas à franchir le cap du Parlement, bien qu'elles soient nombreuses: 170 à la chambre basse et 27 à la chambre haute. Députés et conseillers font plutôt passer les projets de loi émanant du gouvernement. La plupart des propositions de loi préparées par les groupes parlementaires restent bloquées dans les tiroirs des commissions parlementaires. En dépit des dispositions de la Constitution de 2011 qui a renforcé le rôle de l'institution législative, cette neuvième législature qui tire vers sa fin ne déroge pas à la règle. Pourtant, rappelons-le, le chef de gouvernement s'était engagé solennellement, au sein de l'hémicycle en 2012, à donner un coup de fouet aux propositions de loi émanant des représentants de la Nation. Le gouvernement a même créé une commission interministérielle, chargée d'examiner les propositions de loi, qui a validé l'examen de plus d'une quarantaine de textes. Mais, concrètement, rien n'a changé sur le volet de l'adoption de ces textes. Manque d'expertise L'article 82 de la Loi fondamentale, qui stipule de consacrer une journée par mois au moins à l'examen des propositions de lois, dont celles de l'opposition, n'est pas encore activé. Aussi, les initiatives législatives parlementaires sont-elles toujours le maillon faible de la production législative. Sur un total de 293 textes entérinés par les deux chambres du Parlement, seules 16 initiatives législatives des parlementaires ont pu franchir le cap de l'institution législative, soit un pourcentage de 5,46% seulement. Un état de fait contesté par les parlementaires de l'opposition qui critiquent vertement le manque de volonté du gouvernement. La présidente du groupe parlementaire du Parti authenticité et modernité à la Chambre des représentants tire à boulets rouges sur l'Exécutif qui bloque, selon elle, les propositions de loi des parlementaires malgré les dispositions constitutionnelles grâce au soutien de sa majorité parlementaire. La majorité, quant à elle, avance plusieurs raisons au non-aboutissement des propositions de loi: la programmation par le gouvernement dans le cadre de son plan législatif des mêmes textes que ceux préparés par les parlementaires, le non-suivi par le groupe parlementaire de la proposition déposée, le coût financier pour l'Etat qui nécessite l'aval du ministère de l'Economie et des finances, la spécificité de cette phase transitoire marquée par la nécessité d'implémenter les dispositions juridiques stipulées par la Constitution. Certains députés pensent même que les groupes parlementaires ne disposent pas de l'expertise nécessaire pour ficeler des textes à la hauteur des défis de la conjoncture, contrairement au gouvernement qui compte sur une armada d'experts. Il faut dire que la plupart des textes proposés par les groupes parlementaires portent uniquement sur la révision d'un article ou deux des lois déjà existantes. Mais cela est parfois suffisant pour constituer un tournant dans la société. C'est le cas de la proposition de loi abrogeant un article du Code pénal permettant à un homme coupable de viol sur mineure d'échapper à la prison s'il épouse sa victime. Omar Sentissi Président de la Commission de l'Intérieur, des collectivités territoriales, de l'habitat et de la politique de la ville à la Chambre des représentants Les Inspirations ECO : Quel bilan dressez-vous de l'adoption des propositions de loi ? Omar Sentissi : Nous sommes très en retard en matière d'adoption de propositions de loi. Le problème réside dans le traitement réservé à ces textes par les départements ministériels. Au sein de la Commission de l'Intérieur que je préside, on a quelque 22 propositions de loi. Quand nous programmons une proposition, le gouvernement brandit la carte de la préparation d'un projet de loi sur le même sujet. Il faut dire que le gouvernement n'est pas assez flexible à propos des initiatives législatives des parlementaires. La responsabilité n'est-elle pas partagée entre le Parlement et le gouvernement ? Les députés ne sont pas suffisamment outillés et assistés pour produire des textes de qualité. Cependant, ce n'est pas pour autant qu'il faut marginaliser leurs initiatives. Le Secrétariat général du gouvernement a, en effet, pour mission d'affiner qualitativement les textes. Les idées sont plus importantes que la rédaction. De notre côté, nous essayons de donner un coup de pouce aux propositions de loi. Très peu d'entre elles ont été acceptées, dont certaines ont été soufflées par les départements ministériels pour accélérer le processus législatif, vu qu'une proposition de loi passe plus vite qu'un projet de loi. D'ici la fin du mandat, certaines propositions de loi pourraient être adoptées. Cependant, le bilan sera globalement en deçà des aspirations. Pourquoi le Parlement n'organise-t-il pas la séance mensuelle dédiée aux propositions de loi comme stipulé par la Constitution ? Pour programmer une séance, il faut que des textes soient prêts à l'adoption après leur passage en commissions. Certes, les commissions peuvent se réunir autour des propositions de loi même sans la présence du gouvernement. Mais c'est peine perdue car l'Exécutif compte sur sa majorité pour le rejet des textes. Les commissions ne peuvent pas programmer que des propositions de loi car le bilan de la production législative sera défavorable. Souvent, pour ne pas perdre de temps, nous privilégions les projets de loi sur les propositions car nous connaissons d'emblée l'issue de ces dernières. La machine ne tourne pas encore. Cependant, il est nécessaire de souligner que la responsabilité est partagée entre les députés et le gouvernement.