Certaines mesures ont été critiquées par les opérateurs économiques, notamment celles liées à l'IS. D'autres soulignent que les autorités auraient dû anticiper sur le contexte actuel en mettant en œuvre les mesures supplémentaires nécessaires pour dynamiser la croissance principalement de la composante non agricole. La loi de Finances 2016 a été bâtie autour d'une hypothèse macroéconomique et financière optimiste avec une croissance de 3% du PIB, un déficit public qui est contrôlé à 3,5% et une inflation à 1,7%, des investissements publics à hauteur de 189MMDH et un baril à 61 dollars. Malheureusement la pluviométrie n'a pas été au rendez-vous cette année, faisant planer le risque que la croissance pour l'année descende à un niveau historiquement bas. Les analyses les plus en vogue commencent à pointer du doigt non pas les caprices de la nature mais la panne de certains leviers de croissance, notamment celui de l'industrie et des services. Cela aurait eu comme effet direct de compenser en partie le manque à gagner de la contribution du secteur agricole à la dynamique économique du pays. Dans ce contexte, Mazars audit et conseil a organisé jeudi dernier à Casablanca un «petit-déjeuner fiscal» pour présenter, à la lumière de la circulaire de la Direction des impôts, les nouvelles dispositions de la loi de Finances 2016. Asma Charki, associée Tax et Naoufal El Khatib, associée Financial Advisory Service, ont mis en exergue les objectifs véhiculés par la loi de Finances 2016 ainsi que les mesures phares de cette dernière. L'orientation phare de la loi de Finances 2016 reste l'encouragement de l'investissement et l'amélioration de la compétitivité de l'entreprise avec l'institution de taux proportionnels selon le montant des bénéfices nets fiscaux réalisés et la généralisation du remboursement du crédit de TVA lié à l'investissement. La loi de Finances vise également le renforcement de l'équité fiscale à travers l'adaptation des sanctions à la gravité des infractions commises par les contribuables ainsi que la lutte contre la fraude et l'évasion fiscale par le relèvement du délai de prescription de 4 à 10 ans pour la régularisation de la situation des contribuables défaillants. L'amélioration de la qualité des services rendus aux contribuables figure également parmi ses objectifs. Cela passe par la généralisation de la télédéclaration et du télépaiement à partir du 1er janvier 2017 pour tous les contribuables quel que soit leur chiffre d'affaires. Dernière visée de la loi, la clarification et l'harmonisation de certaines dispositions du CGI par la clarification du taux de l'impôt sur les sociétés (IS) applicable pour le calcul des acomptes dus par les sociétés ayant épuisé la période d'exonération totale de l'IS. Dans le sens de l'encouragement S'agissant de l'encouragement à l'investissement, rappelons que la réglementation en vigueur fixait le taux normal d'impôt sur les sociétés à 30%. Néanmoins, un taux spécifique de 10% était prévu pour les sociétés réalisant un bénéfice fiscal inférieur ou égal à 300.000DH. Le dispositif de la loi de Finances 2016 a institué un taux proportionnel selon le montant des bénéfices nets fiscaux réalisés. L'objectif de la mesure est d'instituer une imposition des sociétés à l'IS en tenant compte du niveau du bénéfice net qu'elles réalisent. Dans ce contexte, l'article 8 de la loi de Finances n° 70-15 a modifié les dispositions de l'article 19-I-A du C.G.I pour instituer de nouveaux taux proportionnels selon les tranches des bénéfices nets réalisés. Le taux de l'IS a été fixé à 10% pour tout bénéfice net inférieur ou égal à 300.000DH. À partir de 300.001DH et jusqu'à 1MDH, un taux d'imposition de 20% est appliqué. Les bénéfices compris entre 1.000.001DH et 5MDH sont imposés à hauteur de 30%. Quant aux bénéfices supérieurs à 5MDH, ils seront imposés à 31%. Toutefois, le taux de 37% reste maintenu pour les établissements de crédit et organismes assimilés : Bank Al-Maghrib, la Caisse de dépôt et de gestion et les sociétés d'assurances et de réassurances. Aussi, dans une optique de généralisation du remboursement de la TVA, la loi de Finances 2016 a introduit la généralisation du remboursement du crédit de taxe grevant les biens d'investissement ; une mesure permettant aux entreprises de bénéficier du remboursement du crédit de TVA afférent aux biens d'équipement, matériel et outillages acquis à compter du 1er janvier 2016. La demande de remboursement doit être déposée auprès du service local des impôts au cours du mois qui suit le trimestre au cours duquel la déclaration fait apparaître un crédit de taxe non imputable. Par ailleurs, les contribuables sont tenus de procéder à l'annulation du crédit de TVA ayant fait l'objet d'une demande de remboursement sur la déclaration du mois ou du trimestre qui suit le trimestre ayant dégagé un crédit de taxe donnant lieu au remboursement. Il est à noter que les remboursements seront liquidés dans un délai de 30 jours à compter de la date du dépôt de la demande et dans la limite du montant de la taxe sur les biens d'investissements. Equité fiscale De plus, en vue de poursuivre la généralisation de l'obligation de télédéclaration et de télépaiement, la loi de Finances 2016 a institué l'obligation de la télédéclaration et du télépaiement à tous les contribuables quel que soit leur chiffre d'affaires. Cette disposition est applicable à partir du 1er janvier 2017. Seule une exception est prévue en faveur des entreprises soumises à l'IR selon le régime du bénéfice forfaitaire. Concernant le volet de l'équité fiscale, des sanctions ont été mises en place et d'autres ont été adaptées à la gravité des infractions commises par les contribuables telles que celle pour défaut ou retard dans le dépôt des déclarations, les sanctions pour infraction aux dispositions relatives au droit de communication, les sanctions applicables en cas de rectification de la base imposable, les pour paiement tardif des impôts, droits et taxes, en plus de l'institution d'une sanction pour infraction aux dispositions relatives à la télédéclaration et au télépaiement. Par ailleurs, quelques mesures ont été critiquées par les opérateurs économiques notamment celles liées à l'IS, qui les jugent insuffisantes, notamment en ce qui concerne l'IS appliquée aux sociétés exportatrices. D'autres soulignent que les autorités auraient dû anticiper sur le contexte actuel en mettant en œuvre des mesures supplémentaires nécessaires pour dynamiser la croissance principalement de la composante non agricole en particulier les services financiers. Malheureusement, la loi de Finances 2016 n'a rien prévu de telle, ce qui a été une réelle déception pour les acteurs du marché qui espéraient de réelles incitations afin d'enclencher une nouvelle dynamique. Nécessité de l'investissement privé En effet, selon le HCP, le phénomène qui devrait nous interpeller le plus aujourd'hui réside plutôt dans la faible croissance du secteur non agricole. D'un taux de 4,7% entre 2004 et 2012, son rythme d'évolution est passé à 2% entre 2013 et 2015. Ce ralentissement trouve son origine dans la forte décélération des activités tertiaires qui constituent 66% de la valeur ajoutée non agricole. Avec une part de 32% de ces activités, les services financiers, immobiliers et les services rendus aux entreprises, qui renvoient aux branches modernes de l'économie ont le plus contribué à cette décélération. Cependant, l'investissement, en particulier privé, source d'accroissement aussi bien de la demande que des capacités de l'offre, a baissé pour la première fois depuis 2006 sous le seuil de 30% du PIB. Ce revirement de tendance est observé alors que le Maroc a besoin encore de l'accumulation du capital physique pour améliorer la productivité de son économie. Une étude du HCP sur le rendement du capital physique au Maroc met en exergue le besoin du pays de plus d'efforts en matière d'investissements. Il est donc impératif que le secteur privé prenne une part plus substantielle dans l'investissement national, comme il est impératif que de nouvelles allocations sectorielles et une gestion plus rigoureuse de leurs programmes visent à créer de grandes externalités pour ladite politique budgétaire.