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Accord agricole : Le lobby espagnol veut appliquer illico presto la sentence
Publié dans Les ECO le 14 - 12 - 2015

Les producteurs agricoles espagnols jubilent suite à la décision de la Cour européenne de reconsidérer le pacte agricole. Le lobby espagnol a même appelé à une paralysie immédiate des exportations marocaines, comme mesure préventive.
Les producteurs agricoles espagnols ne pouvaient espérer mieux, comme cadeau de Noël. Le verdict de la Cour de justice des communautés européennes (CVRIA) de reconsidérer l'accord agricole, signé entre le Maroc et l'UE a sonné comme une délivrance par le lobby espagnol. Sans perdre de temps, la puissante coordinatrice des organisations agricoles et des éleveurs (COAG) a exigé des «autorités communautaires l'application de la sentence», illico presto. Les producteurs espagnols considèrent la décision du tribunal européen comme une victoire personnelle. Une posture tout sauf surprenante. La filière ibérique était parmi les premières voix à interpeller la Commission européenne, à travers une missive envoyée en 2010, pour exiger l'exclusion des provinces du Sud de l'accord.
En 2012, COAG revient à la charge et évoque le fait que l'étiquetage des produits agricoles en provenance du Maroc ne permette pas au consommateur de vérifier l'origine de la marchandise. De son côté, l'Association des jeunes producteurs agricoles (ASAJA) a appelé à une «paralysie préventive et immédiate» de toutes les importations en provenance du Maroc. La sentence a fait aussi le bonheur des formations politiques de gauche. La secrétaire général d'Andalousie du nouveau parti Podemos n'a pas caché sa satisfaction en apprenant cette nouvelle. Dans un meeting électoral, Teresa Rodriguez a salué la «victoire du peuple sahraoui» et enfoncé le clou en soulignant que le Maroc «n'a pas le droit de vendre le poisson ni les produits agricoles du Sahara occidental». Cependant, ce verdict ne fait pas que des heureux en Espagne. Au-delà de la jubilation du lobby espagnol, la nouvelle a suscité la confusion totale en Espagne. L'agence de presse EFE a, dans un premier temps, parlé de rejet de l'accord dans son ensemble avant de se rétracter et de souligner qu'il s'agit d'une annulation partielle, touchant uniquement les exportations originaires du Sud. Le flou s'explique par la singularité de la décision.
C'est la première fois qu'un verdict sur des traités avec des pays tiers est contesté par la justice européenne. Outre l'accord agricole, l'accord de pêche pourrait être sur la sellette. Auréolé par cette décision, le Front Polisario n'hésitera pas à vouloir traîner le pacte de pêche devant les instances judiciaires européennes, en brandissant cette jurisprudence. Les professionnels de la filière espagnole de pêche craignent des représailles de la part des autorités marocaines. D'ailleurs, étant donné que l'accord concerne aussi bien les produits industriels issus tant de l'agriculture que de la pêche, cette terminologie a créé la confusion auprès des médias, et certains titres de presse du voisin ont annoncé la révocation du protocole de pêche.
Les autorités espagnoles ne se sont pas encore prononcées sur cette décision, mais le gouvernement de Mariano Rajoy avait déjà tranché dans cette affaire. Saisi à plusieurs occasions par des parlementaires acquis à la cause séparatiste sur la légalité de l'accord dans les provinces du Sud, l'Exécutif du voisin avait coupé court à cette polémique. En août dernier, le voisin avait catégoriquement refusé l'exclusion des provinces du Sud des avantages offerts par le pacte. La réponse catégorique de l'Exécutif espagnol était une réponse à un député de la Gauche plurielle. Sa formation considérait que ces importations en provenance du Sahara étaient «illégales».
Dans cette réponse, le gouvernement de Rajoy a souligné que «le Maroc l'administrateur de cette zone et, de facto, les avantages douaniers peuvent s'appliquer à cette zone». Ce lundi, le Conseil d'association Maroc-UE se réunira à Bruxelles pour étudier de près cette affaire qui embarrasse les instances européennes. Federica Mogherini, la haute représentante de l'UE pour les affaires étrangères, s'est empressée de rassurer son partenaire marocain en soulignant que les pactes conclus ne sont pas remis en cause.
Une décision marquée par des irrégularités
Difficile de saisir l'intention du Tribunal de Luxembourg dans son arrêt sur l'annulation de l'accord agricole. De l'avis de hauts responsables européens, il s'agit d'une «décision compliquée dont les interprétations juridiques, sur sa portée, divergent». En effet, difficile de comprendre si la décision annule l'ensemble des dispositions de l'accord ou seulement ceux relatifs à son application dans les provinces du Sud. D'ailleurs, l'énoncé utilisé par la Cour a induit de nombreux observateurs en erreur laissant croire que l'accord de pêche était également concerné. Bien plus, la décision de la Cour ne semble se fonder que sur des allégations du Polisario et le rapport d'une supposée ONG. Ce qui laisserait croire en l'absence d'informations suffisantes. Une carence qui pourrait être comblée dans le cas d'un recours. Par ailleurs, tous les éléments mis en avant dans l'arrêt du tribunal ne sont pas en faveur du Polisario. Ainsi, pas moins de 11 moyens invoqués par ce dernier, ont été rejetés par le tribunal. Ce dernier a même confirmé la «personnalité juridique douteuse du Front Polisario», confirmant ainsi qu'il n'a pas qualité pleine de sujet du droit international et qu'il n'est censé, tout au plus, disposer que d'«une personnalité juridique fonctionnelle et transitoire», l'assimilant ainsi à un syndicat ou à une association.


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