Dictature de la rentabilité financière, bulles spéculatives à répétition, cascades d'étranglement de finances publiques, distension incontrôlée d'un modèle économique en perte de vitesse... Pratiques et «ingénieries financières fougueuses» que les exigences de la bonne gouvernance réprouvent ! La variante du capitalisme qui s'est imposée depuis vingt ans, le capitalisme que l'on appelle «financier», autrement dit un capitalisme fondé sur la dérégulation des marchés, sur l'abondance de liquidités et sur l'encouragement d'un endettement des acteurs, qu'il s'agisse des ménages ou des professionnels de la finance, révèle au grand jour les excès et les dysfonctionnements d'un modèle qui met la planète entière en péril. Pourtant, avec l'ouverture des frontières financières, l'épargne internationale disponible était censée se répartir harmonieusement de telle sorte qu'elle serve la croissance mondiale et le développement des pays du Sud. Une fois encore, la réalité n'a pas daigné se plier aux promesses de la théorie. La finance internationale n'a cessé depuis les années 1970 de susciter dangereusement bulle spéculative sur bulle spéculative. En effet, dans un univers caractérisé par une pression concurrentielle accrue qui s'étend à l'ensemble de la chaîne de valeur de la main-d'œuvre, des matières premières et du capital, les cycles de vie des produits et des investissements sont de plus en plus brefs. Les prévisions économiques et les mesures sont revues constamment et ce, sur la quasi-totalité des marchés. Cette volatilité n'est pas sans exercer une pression croissante sur les équilibres socioéconomiques mis à mal dans plusieurs pays du monde. Découlant de structures ou de fondements portés essentiellement sur le productivisme, le consumérisme, la spéculation et le gain rapide, la crise financière que nous vivons remet en cause le fonctionnement actuel de l'économie. Une économie où les prix des actifs, des biens, des services fournissent une information peu fiable sur la situation des marchés. Lorsque les prix des actifs financiers, des matières premières, ne reflètent plus la réalité du sous-jacent, les fondements théoriques de l'économie de marché sont ébranlés et la porte est ouverte à toutes dérives... Assurément, cette situation économique n'en est pas arrivée là par hasard, mais parce que tous, financiers bien sûr, mais aussi responsables économiques et politiques, se sont tacitement entendus sur un objectif unique : la croissance la plus forte et la plus rapide possible. Le profit le plus élevé possible, le plus rapidement possible. Quel qu'en soit le prix. Bien entendu, il ne s'agit pas là d'un «complot». Ni même d'une stratégie concertée. Mais les faits sont là : gouvernements, banques centrales, institutions financières, banques commerciales, fonds d'investissement, régulateurs, chacun a joué son rôle pour que le système s'emballe et se complexifie... Ainsi la libéralisation, à outrance, a fait de la finance internationale ce que Susan Strange appelle une zone de non régulation (ungovernance) de l'économie mondiale : plus aucun acteur, public ou privé, ne peut véritablement y assurer la maîtrise des risques qui s'y développent. Par ailleurs, le modèle économique dominant est essentiellement basé sur l'accroissement de production de biens matériels induisant ainsi des pressions de plus en plus fortes sur les ressources naturelles. L'exploitation des ressources entraîne en même temps un épuisement de celles-ci, une dégradation de l'équilibre des écosystèmes sans garantir une répartition équitable des richesses. Actuellement, 20% de la population mondiale détient 86% des richesses mondiales, qu'elles soient financières ou matérielles, et les écarts se creusent sans cesse. De surcroît, 3 milliards de personnes, soit 50% de la population mondiale, vivent avec moins de 2 dollars par jour, soit 1,25 euro. C'est de ces différents constats qu'émerge la conscience d'un nécessaire changement. La perte de biodiversité, les pénuries d'eau, de pétrole, la pollution des sols, de l'air et de l'eau, les dysfonctionnements sociaux, financiers et politiques... ont été les premiers constats dressés, alarmant l'ensemble de la communauté mondiale. Il s'agit de concevoir une nouvelle économie adaptée qui réponde à des préoccupations fondamentales : développement durable et bonne répartition des richesses. On peut y parvenir en repensant notre modèle économique et en en faisant un véritable levier de changement social et politique, mais aussi de croissance et de développement équilibré et serein. Seule cette stratégie, conforme à l'éthique et à la logique, permettra de desserrer l'étau dans lequel différentes nations du monde se sont enfermées.