Le projet de loi portant sur le Code des assurances permettra la mise en place d'un cadre légal pour l'exercice de l'assurance islamique. Cependant, nombreux restent les défis à relever pour l'émergence d'un vrai secteur de l'assurance «Takaful». L'assurance dite «islamique», plus connue sous le nom de l'assurance Takaful, prend place dans le paysage financier national. En effet, le Maroc s'apprête à enrichir son système d'assurance par ce nouveau produit s'inspirant de la charia. Le projet de loi n° 059-13 modifiant et complétant la loi n° 17-99, portant code, a ainsi pour objectif de mettre en place un cadre légal propice pour l'exercice de l'assurance Takaful. Le projet de loi envisage, en particulier, de donner des définitions précises pour certains concepts de l'assurance Takaful ainsi que de compléter certaines définitions pour tenir compte de la particularité de l'assurance Takaful telle que la prime d'assurance qui peut être appelée participation dans ce type d'assurance et le souscripteur ou contractant qui peut être le participant dans l'assurance Takaful. Par ailleurs, certains principes de base concernant ce type d'assurance seront introduits, notamment le fonctionnement de l'opération d'assurance Takaful conformément aux préceptes de la charia, la participation dans cette opération, sur la base du don et sur l'entraide entre les participants et de la couverture du risque par la collectivité des participants. Un cadre insuffisant ? Ladoption de ce cadre juridique constitue la première pierre pour la construction de l'activité de l'assurance islamique au Maroc qui viendra renforcer l'exercice de la finance participative, suite essentiellement à la mise en place du Sharia Board et l'implantation imminente des banques islamiques. Toutefois, nombreux restent les défis à relever pour l'émergence d'un vrai secteur de l'assurance Takaful, car selon certains professionnels, il s'agit, comme pour le projet de loi sur la banque participative, d'une loi minimaliste pour Takaful, qui ne couvre que le volet de l'assurance-vie ou familiale et donc ne concerne pas la question des dommages. Or la branche vie représente moins d'un tiers du total du secteur. Certes, cette approche est prudente et dans la lignée de la politique graduelle qu'a choisie le Maroc, mais le développement de l'assurance Takaful nécessite toutefois, assez rapidement, plus d'ambition si à l'instar de l'assurance conventionnelle, le Maroc souhaite se positionner comme leader sur ce créneau dans la région. Ensuite, il faudra relever quelques défis techniques, à commencer par la complexité du montage Takaful. Il faut bien définir la relation entre le fonds Takaful et l'opérateur. Comme l'assurance Takaful prohibe l'intérêt, l'investissement dans des activités illicites et la spéculation, il s'agit plutôt d'un système mutualiste dans lequel ce sont «les participants» qui s'auto-assurent par le biais d'une «contribution» à un fonds de Takaful commun qui couvre les risques. Tout excédent technique revient d'abord aux propriétaires légaux du fonds, qui sont les participants. L'opérateur Takaful n'est donc que le gestionnaire de ce fonds. Il est rémunéré par voie d'une commission sur les contrats «Wakala» et ou d'une participation aux bénéfices dite «Mudaraba». Une nouvelle approche Ces bénéfices sont réalisés sur les investissements des contributions, selon le mode opératoire choisi (wakala, mudaraba ou mixte). Le risque est donc porté mutuellement par les participants et n'est pas transféré à l'opérateur comme dans le mode conventionnel. Il est très proche du système d'assurance mutualiste ou coopératif. Par ailleurs, une fois que le texte sera passé au niveau du Parlement, il faudra créer des compagnies d'assurances dédiées au Takaful et ce ne sont pas les compagnies d'assurances qui proposent aujourd'hui les assurances classiques, qui commercialiseront les produits Takaful. Celles-ci devront créer des sociétés dédiées pour pouvoir dérouler le process. Cela aura un coût important pour les compagnies d'assurances, alors que parallèlement le potentiel de l'assurance islamique ou de la finance islamique au Maroc n'est pas mesuré. Enfin, le développement du secteur de l'assurance Takaful nécessite une approche marketing et communication spécifiques. Tout d'abord, il faudra éviter les «erreurs du passé», à savoir de communication et d'approche marketing qui ont été commises pour les produits classiques à leurs débuts. Le client peut être très difficile. Il doit être convaincu de la différence avec l'assurance conventionnelle. Il vaut mieux être clair, transparent et simple. En tout cas, une pédagogie adaptée est nécessaire et cela a un coût, car les commerciaux des compagnies, en contact avec les clients, doivent être formés. Une offre diversifiée et compétitive sera un autre facteur de réussite. La qualité et le professionnalisme également.