Le marché Takaful affiche chaque année un taux de croissance à deux chiffres. Peut-elle alors constituer un levier de croissance supplémentaire du secteur de l'assurance au Maroc ? Avec un taux de pénétration de 3,1%, le marché marocain de l'assurance affiche certes la meilleure performance de la région MENA, mais ce taux demeure relativement faible par rapport à celui observé dans les pays développés. Le nombre restreint des assurances obligatoires, l'insuffisance de couverture des PME, le faible taux d'équipement des ménages en solutions assurantielles et l'absence d'une offre structurée en direction des populations à faible revenu démontrent qu'il reste encore des gisements de croissance pour les années à venir. Des leviers sont d'ores et déjà identifiés et des textes de loi sont dans le circuit d'approbation ou en cours d'élaboration. En effet, le Maroc s'apprête dans un avenir proche à enrichir son système d'assurance par un nouveau produit s'inspirant de la charia, à savoir l'assurance Takaful. Une croissance à deux chiffres La tendance serait de lancer un nouveau système, tout en sauvegardant l'équilibre du système financier marocain et en consolidant sa place de leader, aussi bien sur le plan arabe qu'africain. Beaucoup plus répandue dans les pays du Golfe, l'assurance Takaful reste embryonnaire en Afrique du Nord. À fin 2013, on estime à une vingtaine de milliards de dollars les actifs de l'assurance Takaful contre 1.500 milliards de dollars d'actifs à mettre sur le compte de l'ensemble de l'industrie de la finance islamique. Certes, l'assurance Takaful a longtemps peiné à décoller comparativement au secteur de la banque islamique. Toutefois, elle affiche aujourd'hui une croissance à deux chiffres (+30%). D'un autres côté, avec 42% de la population âgée entre 25 et 55 ans, l'assurance au Maroc a un bel avenir devant elle. L'assurance Takaful, peut-elle alors constituer un levier de croissance supplémentaire du secteur l'assurance au Maroc ? Un cadre insuffisant A priori oui, mais il faudra pour cela relever un certain nombre de défis. Dans ce sens, le marché marocain vient d'ailleurs de se doter d'un nouveau cadre réglementaire, mais «comme pour le projet de loi sur la banque participative, il s'agit d'une loi minimaliste, qui ne couvre que le volet de l'assurance «vie» ou familiale» et donc ne concerne pas la question des dommages» déclare d'emblée Mohamed Boulif, directeur associé d'Al Maali consulting group, lors du Rendez-vous de l'Assurance de Casablanca, qui s'est tenu la semaine dernière. Or la branche vie représente moins d'un tiers du total du secteur. «Cette approche prudente est cependant dans la lignée de la politique graduelle qu'a choisie le Maroc. Le développement de l'assurance Takaful nécessite toutefois assez rapidement plus d'ambition si à l'instar de l'assurance conventionnelle, le Maroc souhaite se positionner comme leader sur ce créneau dans la région», prévient l'expert. En attendant, le consommateur pourra obtenir un financement participatif pour son bien, opter par exemple pour une assurance solde restant dû «Takaful», mais par contre assurer ce même bien contre les dommages en conventionnel. Il est important de donner un signal dès à présent sur les prochaines étapes afin de rassurer les parties prenantes. Défis techniques Ensuite, il faudra relever quelques défis techniques, à commencer par la complexité du montage Takaful. Il faut bien définir la relation entre le fonds Takaful et l'opérateur. «Il faudra donc maîtriser le mécanisme de l'assurance Takaful et ses spécificités», souligne pour sa part Mohammad Farrukh Raza, directeur général du groupe IFAAS. Comme l'assurance Takaful prohibe l'intérêt, l'investissement dans des activités illicites et la spéculation, il s'agit plutôt d'un système mutualiste dans lequel ce sont «les participants» qui s'auto-assurent par le biais d'une «contribution» à un fonds de Takaful commun qui couvre les risques. «Tout excédent technique revient d'abord aux propriétaires légaux du fonds, qui sont les participants», précise à cet effet Boulif. L'opérateur Takaful n'est donc que le gestionnaire de ce fonds. Il est rémunéré par voie d'une commission sur les contrats (Wakala) et ou d'une participation aux bénéfices dite «Mudaraba». Ces bénéfices sont réalisés sur les investissements des contributions, selon le mode opératoire choisi (wakala, mudaraba ou mixte). Le risque est donc porté mutuellement par les participants et n'est pas transféré à l'opérateur comme dans le mode conventionnel. Il est donc très proche du système d'assurance mutualiste ou coopératif. Par ailleurs, une fois que le texte sera passé au niveau du Parlement, il faudra créer des compagnies d'assurance dédiées au Takaful et ce ne sont pas les compagnies d'assurance qui proposent aujourd'hui les assurances classiques, qui commercialiseront les produits Takaful. Celles-ci devront créer des sociétés dédiées pour pouvoir dérouler le process. «Cela aura un coût très important pour les compagnies d'assurance et nous n'avons même pas encore mesuré le potentiel de l'assurance islamique ou de la finance islamique de manière générale au Maroc», alerte un professionnel du secteur. En revanche, il est possible d'apprécier son évolution dans des pays similaires. À titre d'exemple, au niveau de la Tunisie, cela n'a pas été l'euphorie. Le marché évolue doucement. Les acteurs se préparent De toutes manière, le train est déjà en marche, les compagnies d'assurances se préparent à la mise en œuvre de la nouvelle réglementation. Une fois que cette dernière aura été mise en œuvre, il faudra faire des demandes d'agréments, créer des sociétés dédiées à la commercialisation de l'assurance Takaful, mettre en place les systèmes d'information, etc. En attendant, les compagnies ont déjà créé des laboratoires internes qui réfléchissent aux produits Takaful et à leur mécanique. L'offre viendra rapidement et des compagnies d'assurance Takaful pourraient adopter le même modèle que celui utilisé aujourd'hui par les compagnies d'assurance classiques. Il y aura des agents et des courtiers qui proposeront exclusivement des produits Takaful. De la même manière, la banque islamique devra user de son réseau pour commercialiser ces produits d'assurance.