«Le véritable pari qu'il nous faut gagner dans la phase politique actuelle ne consiste pas à considérer les prochaines élections comme une simple compétition, certes légitime, entre partis pour remporter le plus grand nombre de sièges. C'est plutôt l'occasion de hisser cette compétition au niveau d'un combat national qualitatif autour de la sélection des meilleurs programmes et du choix des élites qualifiées». C'est en ces mots lourds de sens que le souverain a sonné la fin de la récréation. La métaphore n'est pas exagérée, si l'on prend en compte le contexte dans lequel est intervenu le message à la nation qu'a exprimé Mohamed VI, samedi dernier, à l'occasion de la commémoration du 48e anniversaire de la Révolution du roi et du peuple. Un contexte marqué par des querelles politiciennes sur les conditions devant garantir un scrutin sain et transparent mais qui, en réalité, cache une guerre de positionnement à laquelle se livrent les partis politiques en perspective des législatives du 25 novembre prochain. Une attitude qui contraste avec la dynamique engagée depuis le discours du 9 mars dernier et qui est censée atteindre sa vitesse de croisière depuis l'adoption de la nouvelle Constitution, mais reste paralysée par l'attentisme dont fait preuve la classe politique, en dépit des efforts auxquels ne cesse de consentir le gouvernement pour parvenir à un consensus par rapport aux grandes orientations des lois électorales. Aussi, pour beaucoup d'observateurs, le message royal de samedi dernier a sonné comme un rappel à l'ordre. En interpellant les acteurs politiques sur les défis majeurs de l'étape actuelle, qui doivent se concentrer sur «la mise en œuvre de la Constitution et imprimer une forte impulsion à la mutation politique déterminante que connaît notre pays», le souverain n'a pu que les mettre face à leurs responsabilités. Et, pour l'occasion, le gouvernement qui semble prêcher dans la complicité en jouant le jeu des formations politiques, en prend également pour son grade. «Il ne s'agit pas uniquement de rechercher un consensus sur les moyens d'en assurer une bonne préparation, il faudra, avant tout, que l'ensemble des acteurs politiques fassent preuve de clarté dans leur position, proclamant leur engagement à renforcer la crédibilité de ces échéances et à récuser les préjugés sur leur issue bien avant leur déroulement», a souligné Mohammed VI. Pour le souverain, ces élections et tout le processus qui les entoure devraient aussi et surtout consister à baliser le terrain afin de «rompre avec la suspicion politicienne à l'égard de ces élections, car une telle attitude ne peut que servir les ennemis de la démocratie, les défaitistes et autres nihilistes». Les partis politiques et leurs animateurs sont donc avertis : «quelles que soient la qualité des lois et la fermeté des autorités, le rôle assigné par la Constitution aux partis demeure crucial pour assurer la crédibilité des élections et préserver l'inviolabilité des institutions», a insisté le souverain dans son allocution. Le message à ce niveau a été clair et devrait en principe mettre fin à cette période de flottement qui dessert la classe politique. «Les nobles objectifs inhérents à l'engagement politique ne seront pleinement atteints que lorsque la classe politique, au lieu de se focaliser sur des postes à engranger au niveau central, s'intéressera davantage au mandat électif, local ou régional, vu que celui-ci permet d'être au plus près des préoccupations légitimes et des besoins fondamentaux du citoyen», a estimé Mohammed VI. Test grandeur nature L'étape actuelle du processus de réforme politique se veut donc un véritable test pour l'ensemble des acteurs nationaux, avec une large part de responsabilité pour les partis politiques qui ont là l'occasion d'engager «leur propre révolution». Premier rendez-vous : l'élaboration des nouveaux programmes politiques pour lesquels Mohammed VI a appelé les partis à «rivaliser d'ardeur pour l'élaboration de programmes électoraux novateurs et réalistes». Il s'agit également d'adopter une nouvelle démarche dans l'intégration des jeunes et des femmes pour favoriser l'émergence d'élites qualifiées, «à même d'apporter du sang neuf à la vie politique et aux institutions constitutionnelles», a tenu à rappeler le roi, dont le message cristallise, en gros, les attentes des populations par rapport à la classe politique. Mohammed VI a donné les gages de transparence et de neutralité en rappelant à l'administration, à la société civile et aux médias leurs devoirs en pareille circonstance, et a surtout insisté sur le rôle qui incombe à la jeunesse, «notre atout majeur», pour parvenir à la réalisation des nobles objectifs communs. Ces derniers convergent à «assurer la consolidation de la justice sociale et à garantir à tous les Marocains les attributs d'une citoyenneté digne». Une invitation royale au «dynamisme créatif» de la jeunesse, qui est justement à l'honneur en ce 20 août. Le souverain a également axé son message sur les préoccupations politiques de l'heure, appelé l'ensemble des acteurs, électeurs comme candidats, à participer loyalement et pleinement au déroulement du processus. Principalement pour les candidats, le roi a expressément affirmé qu'il est temps «de rompre définitivement avec les pratiques électoralistes scandaleuses qui ont porté préjudice à la crédibilité des assemblées élues, et entaché la noblesse de l'action politique». Le discours royal du 20 août dernier a, comme beaucoup l'attendaient, permis de remettre les pendules à l'heure. Les grands défis nous attendent et méritent plus de ferveur et de patriotisme que d'intérêts partisans ou personnels. Une remise à niveau, donc, des acteurs politiques, qui permettra de redonner un nouveau souffle au processus de réformes politiques, et qui n'a point occulté les idéaux de toutes les mutations que connaît le Maroc, se résumant, pour l'essentiel, à confirmer le royaume comme «modèle de développement démocratique serein et de progrès constant, dans l'unité et la solidarité, la confiance et l'espérance, la quiétude et la stabilité». Un objectif qui passe par la réponse qui sera collectivement apportée à certains défis, comme celui de la bonne gouvernance et de l'Etat de droit. Les nouvelles dispositions constitutionnelles portent ces nouveaux enjeux, qui passent nécessairement par la réussite de la modernisation et de la démocratisation des structures de l'Etat. Un chantier qui a nécessité le lancement du projet de régionalisation, que le souverain a qualifié de «nouvelle révolution du roi et du peuple», pour laquelle il espère l'adoption de la loi organique avant la fin de l'année, en vue de libérer les énergies pour un «développement régional solidaire, équilibré et intégré». En clair, un Maroc sur la voie irréversible de l'émergence économique et de la croissance humaine durable, objectifs qui constituent le dénominateur commun de tout le processus en cours et que les Marocains sont en droit d'espérer. Lire aussi: Les partis en ordre dispersé La régionalisation avancée à voter avant la fin de l'année La régionalisation avancée sera l'un des principaux canaux de renouvellement des élites locales et nationales. Une tâche qui n'est pas des plus simples étant donné qu'il faudra d'abord renouveler la Chambre des représentants, avant de passer à la concrétisation de la nouvelle répartition territoriale voulue par la Constitution. Les communes seront ainsi les lieux de formation des nouveaux leaders politiques et d'opinion dont la nouvelle Constitution a besoin pour être pleinement effective. D'ailleurs, le projet de régionalisation avancée «est fondé sur le transfert, du centre vers les régions, de prérogatives et des moyens y afférents», a indiqué le roi dans son dernier discours. «Il s'agit là d'une démarche propre à favoriser un développement régional solidaire, équilibré et intégré, qui met définitivement fin à la légation colonialiste d'un prétendu Maroc utile, et un Maroc inutile, et qui en finit avec les disparités territoriales», a-t-il insisté. La priorité sera d'abord donnée à l'élaboration de la loi organique relative à la régionalisation avancée, «du fait du lien existant entre celle-ci et l'élection des conseils régionaux, ainsi que des échéances et mesures à prendre pour la mise en place de la deuxième Chambre du Parlement», a expliqué le souverain. Le processus d'opérationnalisation du Fonds de mise à niveau social et du Fonds de solidarité interrégionale sera aussi accéléré.