Les veilles d'élections électorales sont, par excellence, celles où les partis politiques engagés dans la course aux bulletins des électeurs se découvrent des affinités. La scène politique n'échappe point à ce traditionnel constat qui prend un tout autre sens dans le contexte actuel marqué par une réorganisation du jeu politique avec en ligne de mire la victoire aux prochaines élections et par conséquent le poste de chef de gouvernement. Un objectif partagé par plusieurs formations, les plus représentatives de l'échiquier politique, dont certaines jouent leur survie. Raison pour laquelle, en parallèle aux interminables débats et consultations sur les lois électorales, les différents états-majors des partis politiques se consacrent à leurs stratégies de campagne ainsi qu'à peaufiner leurs programmes politiques. Ce sont d'ailleurs les positions affichées de part et d'autres, sur les orientations qui devraient baliser le processus électoral, que les affinités se rejoignent ou au contraire le fossé se creuse. Un cas de figure parfaitement illustré par l'ambiance actuelle caractérisée, d'une part, par un rapprochement entre certains partis de l'opposition et de la coalition gouvernementale (PAM, UC, RNI et MP) et de l'autre un éclatement progressif d'une vieille alliance, la Koutla démocratique (Istiqlal, PPS, USFP), épine dorsale de la majorité gouvernementale. La preuve a été administrée à l'occasion de la formulation des propositions au projet de texte sur les lois électorales soumis aux partis par le ministère de l'Intérieur. Aussi paradoxal que cela puisse être, c'est un regroupement de partis membres de l'opposition et de la majorité qui a pu s'entendre pour décliner une position commune par rapport à leur vision sur le déroulement du processus. Dans leur sortie de la semaine dernière, le RNI, le PAM, l'UC et le MP se sont engagés à unifier leurs positions concernant les projets de loi soumis par l'Intérieur et surtout à renforcer leur coopération. Un signe fort pour ce qui est considéré comme le nouveau pôle libéral du Maroc depuis une charte commune de gouvernance qu'ont signée les partis à la veille de l'élection du maire de Tanger, il y a quelques mois. Si les responsables de cette coalition se sont bien gardés d'annoncer une quelconque alliance en vue des prochaines législatives, précisant qu'il s'agissait pour le moment d'élaborer une position commune par rapport aux lois électorales, il est clair que le ton est déjà donné. Surtout qu'ils pourront prendre une sérieuse longueur d'avance lors des discussions au niveau du Parlement en imposant, par la voie de leur majorité, leurs options aux autres partis qui n'arrivent pas à s'entendre encore. Les quatre formations totalisent, à elles seules, 107 sièges au niveau de la Chambre des représentants. Du côté de la Koutla, c'est plutôt le constat inverse. La vieille dame qui a tenté une résurrection n'a pas été à la hauteur, les divisions entre l'Istiqlal, le PPS et l'USFP ont eu raison de la réponse commune que la coalition a voulu apporter aux propositions de Cherkaoui. Le PJD continue de son côté sur sa lancée, confiant dans ses chances de sortir vainqueur du scrutin à moins que l'aspect relatif à l'union des partis, non retenu dans le projet de loi actuellement en discussion, ne remette tout en cause. Le fait que l'union de partis ne soit pas évoquée au même titre que le parti sorti vainqueur des élections justifie cette tendance du parti de la lampe à faire cavalier seul pour le moment. De toute façon, les règles actuelles ne plaident pas en faveur d'une alliance post-électorale, soutient-on au PJD, ce qui n'écarte pas des rapprochements après le scrutin dans le cadre de la formation du gouvernement qui aura forcément besoin d'une majorité stable. Même au niveau «des petits poucets» de l'échiquier politique, l'heure est à la mobilisation et au resserrement des liens. Une dizaine de ces partis envisagent, à ce titre, de se regrouper pour défendre leurs droits dans le cadre de l'adoption des nouvelles lois électorales. Ces petits calculs comme on le voit sont loin d'être innocents. Des dispositions qui sortiront des prochaines lois dépendent pour une large part les chances de certains partis de sortir vainqueurs le 25 novembre. Lire aussi: Législatives : Course contre la montre et jeu d'alliances Tactiques électorales À l'heure actuelle, la majorité des partis sont entrés de plain-pied dans les préparatifs de la campagne électorale. Un moment de vérité pour les formations politiques qui devront se déployer à fond pour être à la hauteur des attentes des citoyens, surtout au regard de la nouvelle Constitution qui a mis la barre plus haut. Nos partis politiques sauront-ils tirer les leçons du passé et s'affranchir des vieilles habitudes du passé ? Rien n'est moins sûr au vu des critiques qui ont fait suite aux propositions émanant des partis politiques, jugées moins audacieuses par rapport à l'horizon ouvert par le souverain. Seule consolation, les acteurs politiques semblent conscients de la nécessité de se refaire une certaine virginité avant de se présenter devant les électeurs. Amine Sbihi, membre du bureau politique et chargé des élections au sein du PPS, a reconnu, à juste titre, que «la mouture actuelle du projet de loi organique du Parlement ne permet pas le renouvellement des élites et de donner la crédibilité qu'il faut à l'action politique». Même scepticisme également du côté de l'opposition parlementaire. Le mémorandum qui a été présenté par le PJD au département de l'Intérieur énumère plusieurs dispositions contenues dans le projet, qui risquent de vider la future instance législative de ses pouvoirs. «Le projet ne met pas un terme au monopole de l'administration en matière de découpage électoral et prolonge l'exclusion du critère démographique dans ce découpage», juge-t-on auprès du PJD. Il reste à savoir si les consultations en cours permettront, effectivement, d'aboutir à cette heureuse issue. Car c'est à l'aune du choix de futures élites et la déclinaison de leurs programmes politiques respectifs que sera réellement jaugée la capacité de nos partis politiques à s'inscrire dans la dynamique du changement. Certains partis semblent prendre de l'avance à ce sujet, même si aucune indiscrétion ne filtre encore. Le PAM soutient avoir «pris connaissance des impératifs des futures échéances législatives», selon un des membres du bureau exécutif, qui précise: «Nous avons une idée très claire sur l'état d'avancement du programme électoral et de la carte électorale du parti, ainsi que des critères et des procédures pour l'octroi des accréditations et de la gestion des candidatures. Un plan de communication sera, d'ailleurs, présenté au cours de cette semaine aux instances du parti pour sa validation». Même son de cloche au niveau du PJD, du RNI, de l'USFP, du PPS ou de l'Istiqlal, entre autres, où se multiplient les réunions internes pour peaufiner les plans d'actions. La machine des commissions nationales des élections est engagée au niveau de plusieurs de ces formations. La sentence risque d'être prononcée bien avant le verdict du 25 novembre...