«Nous n'avons pas encore pris conscience de l'immensité des potentiels que nous offrent les énergies renouvelables». Ces propos du Dr Mohammed-Saïd Karrouk, professeur de climatologie et seul Marocain membre du Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC), résument bien les conclusions du dernier rapport produit par cette même instance. Par souci de précision, il faut savoir que le document en question ne constitue qu'un «résumé destiné aux décideurs», une sorte de premier jet en attendant le gros du travail qui devrait être livré en novembre prochain. Mais un résumé qui pourtant donne beaucoup plus qu'il ne le paraît de perspectives dans le domaine des énergies renouvelables. Les experts scientifiques du GIEC y livrent une vision étalée sur les cinq prochaines décennies. Manne inexploitée Il en ressort, principalement, que «près de 80% de l'approvisionnement énergétique mondial pourrait être couvert par les énergies renouvelables à l'horizon 2050». Cela devrait permettre, en retombées, «une réduction de 1/4 des émissions de gaz à effet de serre, équivalente à 220 à 560 gigatonnes de dioxyde de carbone entre 2010 et 2050», complète le Dr Karrouk. L'idée est claire : une forte croissance des marchés des énergies renouvelables, au-delà des intérêts économiques colossaux qu'elle pourrait générer, devrait représenter un grand bol d'oxygène pour la planète. Tout cela a bien sûr un coût. Le rapport du GIEC évalue les investissements nécessaires au développement des énergies renouvelables, à une manne située entre 951 milliards et 3.565 milliards d'euros d'ici à 2020. «C'est un montant important, mais qui ne constituerait même pas 1% du PIB mondial», souligne l'expert marocain. Cela montre en effet qu'il s'agit là d'objectifs très abordables. Les tendances de marché et innovations, produites notamment à partir des six principales sources d'énergie renouvelable citées par le GIEC (les bioénergies/la biomasse, le solaire, la géothermie, l'éolien, l'énergie marine), sont encore largement inexploitées. «Là, il faudrait s'attendre donc par exemple que les gouvernements déterminent des subventions et autres méthodes incitatives. Il est en effet important pour développer les investissements et innovations dans le secteur de disposer de formules incitatives, fiscales ou financières», ajoute cet autre consultant en investissement énergétique. En attendant la concrétisation Ces perspectives, bien que très séduisantes, se trouvent cependant assujetties à une condition sine qua non : l'instauration de politiques publiques adaptées. «Ce qui veut dire qu'à partir de maintenant les scénarii de politiques énergétiques envisageables doivent se concrétiser», commente le climatologue du GIEC. «Il est quasi certain qu'il faudra remettre en question le protocole de Kyoto. Nous allons d'ailleurs en entendre parler de moins en moins, puisqu'il n'a pas fonctionné comme nous l'aurions souhaité», renchérit-il. Les experts de cette instance avancent ainsi plusieurs configurations de politiques de soutien au développement des marchés des énergies renouvelables. Ils soulignent au passage que «ces stratégies publiques ont favorisé le développement des potentiels des énergies renouvelables, en supprimant plusieurs obstacles». Le GIEC pense aussi que «les investissements publics dans la R&D dans le domaine des énergies renouvelables seraient plus efficaces s'ils étaient combinés avec des instruments de soutien à la demande locale pour ce type d'énergies». Pour l'heure, il faut savoir que les énergies renouvelables ne couvrent que 12,9% des besoins énergétiques mondiaux, en y incluant le bois de chauffe. Une aubaine pour les investisseurs assoiffés de croissance. Point de vue: Dr. Mohammed-Saïd Karrouk, Professeur de climatologie Le Maroc s'est effectivement déjà lancé dans cette tendance aux énergies renouvelables, principalement dans les secteurs du solaire et de l'éolien. Il existe aussi quelques travaux de réflexion concernant l'énergie marine, vu que le royaume dispose d'un important potentiel dans ce domaine. Le solaire et l'éolien sont déjà en concrétisation, à travers la stratégie énergétique lancée en 2009 par les autorités publiques. Les investisseurs, surtout étrangers, semblent bien intéressés pour accompagner ces ambitions et bon nombres de partenariats ont déjà été ficelés. Sur les plans politique et stratégie énergétique, je suis confiant. Mais il reste à savoir comment tout cela sera mis à profit, à travers surtout le développement de filières locales industrielles des énergies renouvelables, la formation et la mise à niveau de nos ingénieurs et autres ressources humaines. Il faudrait que la partie marocaine soit le grand gagnant de ces projets, et qu'on ne devienne pas, dans le moyen et long termes, comme le Koweït et l'Arabie saoudite. Dans ces pays le pétrole coule à flot, mais ils n'ont rien développé sur cette base. Tout cela pour dire que c'est bien de travailler des projets avec nos partenaires européens, mais qu'il serait encore mieux de garantir une certaine mainmise marocaine sur ces initiatives.