Ce n'est un secret pour personne : en matière d'énergies renouvelables (ER), le Maroc regorge de potentialités inestimables, l'éolien en tête. La capacité de production s'élèverait au double de celle d'un pays pionnier dans ce domaine, comme l'Allemagne. Seulement, le cadre juridique ne permet pas encore de drainer un flux d'investissement étranger important. Le Maroc ne dispose pas d'un dispositif juridique cohérent destiné à encadrer, promouvoir et faciliter le développement des ER. Les restrictions excessives à la participation des entrepreneurs privés et à l'autoproduction doivent être levées. La promotion des ER passe par la mise en place de mesures d'accompagnement à l'investissement adéquates», notent les rédacteurs d'une étude sur les différents scénarios de développement des ER, menée par la GTZ (organisme allemand de coopération technique) à la demande du département de l'Energie et des Mines. Le rapport final de cette étude sera dévoilé la semaine prochaine lors d'EnviroMaroc 2007, quatrième salon et séminaire maroco-allemand pour la gestion et la protection de l'environnement (Casablanca, 24-26 octobre). Un projet de loi déjà approuvé Un projet de loi sur la valorisation des ER et l'efficacité énergétique a d'ores et déjà été approuvé par le Conseil du gouvernement, en mai dernier. Son adoption est attendue avec impatience par les opérateurs, aussi bien nationaux qu'étrangers. «Ce texte, qui constitue un pas important dans la bonne direction, ouvre le marché de la production d'électricité à partir d'énergies renouvelables aux entrepreneurs privés et garantit l'accès au réseau. Il faut espérer qu'il sera bientôt promulgué», soulignent les rédacteurs de l'étude. Le Maroc s'était donné comme objectif d'atteindre 20% d'ER dans son bilan électrique et 10% dans son bilan énergétique à l'horizon 2012, date à laquelle il devra produire 1.000 Mw. Des opérateurs allemands sont vivement intéressés par ce potentiel. Certains ont manifesté leur intérêt pour accompagner les industriels marocains, tels que le groupe Chaâbi, nous confie Mohamed El Khawad, conseiller technique principal à la GTZ. Ynna Holding va, en effet, mobiliser 70 millions d'euros dans la construction de deux parcs éoliens de 70 Mw. A moyen et long termes, les Allemands voient grand : ils chercheront à exporter de l'énergie éolienne vers le marché de l'UE notamment . Une option que souligne noir sur blanc l'étude de la GTZ : «le Maroc est un pays qui dispose de ressources éoliennes exceptionnelles. Il serait réaliste qu'il se constitue d'ici à 2020 comme exportateur d'énergie éolienne pour l'Union européenne». Alliances tous azimuts A rappeler que l'ONE, théoriquement en situation de monopole dans la production de l'énergie, avait signé en mai dernier plusieurs conventions avec certains opérateurs industriels (Endesa, Nareva, OCP, Iberdrola, Ynna Group, Ciment du Maroc), l'objectif étant de promouvoir l'autoproduction sur la base des ER. A l'échéance 2010, ces opérateurs devraient produire l'équivalent de 820 Mw. L'ONE s'est même engagé à racheter l'excédent d'énergie produite par ces opérateurs. «Les tarifs de rachat de l'électricité produite à partir d'ER ne sont pas réglementés. Pour le rachat des excédents des auto-producteurs, l'ONE pratique un tarif qui n'est pas incitatif, qui s'élève à 60% de son tarif général de vente d'électricité», constatent les experts de la GTZ. A terme, le Maroc devrait jouer dans la cour des grands. Il est appelé à devenir un leader maghrébin et africain dans le domaine des ER. L'investissement suivra, entraînant dans son sillage l'émergence d'une industrie locale et la création de milliers d'emplois. Gittfried Hass, ambassadeur d'Allemagne au Maroc, se réjouit que pas moins de 1,7 million de personnes travaillent dans le secteur de l'environnement en Allemagne, dont 235.000 dans le domaine des ER. D'ici à 2020, ils seront 500.000. Au Maroc, on en est au tout début. Le secteur contribue à hauteur de 1,4% au PIB national et emploie à peine 70.000 personnes. L'environnement est une composante dominante dans la coopération maroco-allemande, ayant mobilisé jusqu'à aujourd'hui une enveloppe globale de 290 millions d'euros. Le lancement du parc éolien dans la cité des vents (Essaouira) d'une capacité de 60 Mw est un projet-phare dans les relations bilatérales. A Tanger, les Allemands, via la banque KFW, prennent également part à côté des Espagnols et de la BEI, à la construction d'un parc qui sera le plus grand en Afrique avec 140 Mw. 3questions à Saïd Mouline, Pdt de la Commission Environnement de la CGEM Challenge Hebdo : le cours du pétrole s'approche de 100 $ le baril. N'est-il pas temps pour un pays comme le nôtre, qui produit à peine 5% de ses besoins en énergie, de mobiliser son potentiel en ER ? Saïd Mouline : nous sommes effectivement dans une phase importante. Aujourd'hui le projet de loi préparé donne une visibilité aux industriels avec l'objectif d'atteindre un taux de 20% de notre électricité d'origine renouvelable d'ici 2012. Cela veut dire qu'il y aura de gros investissements, principalement dans le secteur de l'éolien. Le secteur de l'habitat créant 130.000 logements par an doit absolument adapter les installations à l'énergie solaire dans les habitations. Nous avons le soleil et nous pouvons fabriquer nous-mêmes les chauffe-eau solaires. Tout le monde pourra ainsi bénéficier d'une énergie propre et moins chère. C. H. : qu'est-ce qui fait que le Maroc avance timidement vers des solutions concrètes en matière d'ER ? S. M. : il est vrai que le contexte aujourd'hui nous est plus favorable. Auparavant, on pensait que la promotion des ER reposait seulement sur un aspect environnemental et que seuls les riches pourraient en bénéficier. Aujourd'hui, des pays comme l'Espagne ont adopté des lois où, depuis janvier, tout nouvel immeuble est obligé de s'équiper en chauffe-eau solaire. Le Maroc, qui a une facture énergétique de plus en plus lourde, a compris qu'il était temps d'être beaucoup plus en avant et moins frileux. Certes, l'investissement de départ dans les ER peut paraître cher. Or ce n'est pas vrai : répartie sur plusieurs années, cette technologie s'avère la moins chère. Au niveau mondial, l'éolien, le solaire photovoltaïque et le solaire thermique enregistrent de très fortes croissances. Notre pays a une carte à jouer car les gisements aussi bien de l'éolien que du solaire existent bel et bien. C. H. : la création dans le nouveau gouvernement d'un super ministère englobant l'Energie, les Mines, l'Eau et l'Environnement est-il de nature à accélérer les choses ? S. M. : nous en sommes très contents et ce regroupement a effectivement un sens. C'est une excellente formule devant faciliter la mise en place d'une Agence en charge de l'environnement, des ER et de l'efficacité énergétique. Une agence qu'il faut, toutefois, doter des moyens nécessaires pour travailler sérieusement. La récente étude commanditée par le département de l'Energie et des Mines montre bien qu'il y a une réflexion pour réorganiser tout le secteur.