D'aucuns nient que le système fiscal actuel n'est plus adapté au contexte économique du royaume.IS, IR, TVA, nombre de problèmes découlent aujourd'hui de la mise en pratique de la fiscalité sur le terrain. Si les Assises de la fiscalité retiennent le souffle de l'ensemble de la communauté économique, c'est que le tissu entrepreneurial dans son ensemble s'accorde sur l'obsolescence du système fiscal actuel, qui nécessite aujourd'hui des ajustements en vue de mieux se conformer au nouveau contexte. Le Conseil économique et social l'avait d'ailleurs relevé dans son rapport publié fin 2012, dans lequel il insistait sur le fait que la réforme fiscale à venir doit se faire dans les temps en tenant compte des mutations qu'a connues l'économie nationale. À ce titre, force est de souligner que le royaume traverse actuellement une conjoncture particulière. Alors même que s'achève le cycle de démantèlement douanier avec l'Union européenne, principal client, fournisseur et investisseur de notre pays, une grave crise économique frappe les pays membres de cette union. «Ayant fait le choix de l'ouverture de son marché, le Maroc doit relever le défi de l'emploi et de l'investissement, de la compétitivité interne et externe de son économie, celui du bon usage de la dépense publique, et enfin le défi important de la protection sociale et de la solidarité, facteurs essentiels de la cohésion sociale», insistait le Conseil dans son rapport. Tout cela doit évidemment se faire dans une conjoncture difficile qui réduit les marges de manœuvre. Ceci étant dit, avant même de concevoir les mesures à même de permettre au Maroc de relever les défis qui l'attendent en matière de fiscalité, l'analyse de ce système s'impose afin de mieux cerner les champs qui devraient être concernés par la réforme à venir. À ce titre, le CESE a déjà mâché le travail pour les pouvoir publics en dressant une analyse exhaustive de l'existant. Ainsi, il ressort que dans la pratique, la fiscalité marocaine est restée un domaine en perpétuelle réforme mais sans pour autant répondre concrètement aux problématiques observées. Dans ce sens, à l'occasion de chaque loi de finances, des nouveautés sont introduites, dans une logique d'incitation économique nouvelle ou pour répondre au souci de secteurs donnés. C'est d'ailleurs l'une des raisons qui explique le manque de visibilité qui découle du système actuel et que beaucoup d'opérateurs décrient. «À la longue, le système a perdu en lisibilité et a très largement renforcé la doctrine administrative, qui, via les circulaires de la DGI ou ses autres publications, fixe la manière dont la loi doit être interprétée», avait relevé le Conseil. De même certains secteurs bénéficient d'une «fiscalité allégée», ou sont exonérés, comme c'est le cas pour l'agriculture. Cette situation implique non seulement un manque à gagner pour les caisses de l'Etat, évalué à plus de 30 MMDH chaque année, mais ne donne pas non plus lieu à des analyses périodiques quant à l'efficacité des mesures prises, ou à l'effet d'éviction qu'elles peuvent induire en favorisant un secteur productif par rapport à d'autres. C'est là l'une des problématiques phares, dont des pistes de solutions sont espérées à l'occasion des prochaines assises. Sur un autre registre, l'analyse du CESE a noté que le fait que le système actuel soit déclaratif met l'administration en situation de suspicion permanente vis-à-vis du contribuable. La relation entre l'administration fiscale et les contribuables est partant très largement conflictuelle, comme en témoigne le nombre important de contentieux qu'a à gérer le fisc chaque année.Cette situation implique également un déséquilibre au niveau du poids de la fiscalité, qui n'est supporté que par une minorité d'entreprises. Selon les statistiques officielles, 2% seulement des entreprises payent 80% de l'IS, alors que 73% de l'IR proviennent des salariés. Pour ce qui est de la TVA, à ce niveau la problématique est encore plus compliquée. Dans les faits, la TVA ne touche pas en effet de grands pans de l'activité économique. Des circuits entiers de production ou de distribution restent en dehors du champ des impôts, alourdissant d'autant la part supportée par le secteur formel, et dans celui-ci, des entreprises parmi les plus transparentes. Ceci sans oublier que les opérateurs économiques remettent en cause le système même de gestion de cette taxe, la TVA, qui suppose qu'elle soit payée in fine par le consommateur et qu'elle ne concerne que la valeur ajoutée créée par l'entreprise, laquelle s'est transformé au fil du temps en taxe sur les achats pour plusieurs entreprises, ou en taxe sur le chiffre d'affaires pour d'autres. C'est l'une des aberrations majeures relevées au niveau du système fiscal et que les pouvoirs publics sont appelés à considérer, au même titre que le nombre de taux appliqué à cet impôt. Hemmad Kessal Economiste et patron de PME Pour nous, opérateurs et patrons de PME, l'objectif de ces Assises est d'arriver à une refonte globale de la fiscalité, dans tous ses aspects : IS, IR et TVA. Il faut dire que le système actuel est marqué par une multiplicité de la fiscalité, qui implique un manque de visibilité pour les opérateurs. Rappelons également que la fiscalité doit se baser des principes que sont, entre autres, l'équité et l'impartialité. Le système actuellement en vigueur ne répond malheureusement pas à ces exigences et tend même à instaurer une fiscalité «discriminatoire». Prenons l'exemple du secteur agroalimentaire. Aujourd'hui, les PME de ce secteur achètent une grande partie de leur matière première auprès d'agriculteurs exonérés. Or, ces entreprises, quand elles vendent leurs produits, se doivent de facturer la TVA. L'idéal aurait été soit de tout défiscaliser, l'amont et l'aval de la chaîne de valeur, soit de tout fiscaliser, y compris l'amont agricole. Cette discrimination fiscale, nous la retrouvons dans plusieurs poches de l'économie, ce qui n'arrange pas forcément les affaires des PME. Ces dernières, quand elles veulent recruter par exemple dans le grand Casablanca, se retrouvent concurrencées par des entreprises installées dans des zones spécifiques, auxquelles l'Etat accorde des exonérations, même en matière d'IR. C'est le cas notamment de Casanearshore. Du coup, les PME se voient également privées des bonnes compétences. Pour réussir ces assises, il faudrait donc éviter de considérer la fiscalité comme un moyen d'attirer les investisseurs, parce que dans le contexte actuel, ce n'est plus le cas. Il faudra plus l'aborder comme un outil de renforcement de la compétitivité des entreprises nationales et particulièrement les PME. Nous sommes aujourd'hui dans des marchés, même au niveau local, où la concurrence étrangère, venant d'entreprises à qui leurs Etats accordent des taux nettement inférieurs à ceux inclus dans la fiscalité marocaine, fait des ravages. C'est là l'un des aspects qu'il faudrait considérer en priorité lors de ces assises. Il y a aussi la question de l'informel, pour laquelle il faudrait prévoir des mesures concrètes, au lieu de continuer à pénaliser les PME du formel par des contrôles excessifs qui pourraient les pousser à songer à se reconvertir dans l'informel. C'est donc toute la fiscalité qu'il faudrait mettre à plat.