Après d'interminables reports, les Assises sur la fiscalité ont finalement tenu leurs promesses. Le débat était franc, parfois houleux, et s'est attelé aux principales problématiques tant décriées du système fiscal actuel. Des pistes ont été identifiées et ont fait l'objet d'un document retraçant les principales recommandations de cette grand-messe fiscale. Détails. Les 29 et 30 avril, économistes, opérateurs économiques, fédérations professionnelles, administration fiscale et opérateurs publics se livraient à un exercice difficile : débattre des voies à suivre pour réformer de manière globale le système fiscal actuel et mettre un terme à ses déséquilibres et injustices. Plus difficile, encore, était d'aboutir à des consensus, du moins de rapprocher les points de vue entre les différents groupes d'intérêt et sur les différents leviers de la fiscalité. Aussi, était-il difficile de débattre en deux jours uniquement de cinq grandes thématiques qui ont ponctué ces Assises. Néanmoins, le résultat des débats était, semble-t-il, à la hauteur des attentes, avec pour leitmotiv l'inscription de la réforme fiscale dans le cadre d'une politique socio-économique globale, pourvu qu'on dispose d'une vision claire de quel développement on veut pour ce pays. En effet, le débat sur cette réforme fiscale et les actions pour sa mise en place ont porté, aussi bien en amont, à savoir la politique générale des finances publiques et la perception des impôts, qu'en aval, notamment tous les aspects relatifs à la gestion des dépenses publiques. Idéalement, l'outil fiscal doit être un instrument au service de la politique économique et sociale du pays. Rappelons, à juste titre, qu'en préparation de ces Assises, la Direction générale des impôts a mis en ligne un forum «Assises fiscales» pour recueillir les avis et propositions des internautes concernant la fiscalité des entreprises, la fiscalité des particuliers, l'Administration des impôts et le système fiscal global, afin de les partager lors des débats. Un débat franc, sans détour L'une des impressions qu'ont laissée ces Assises est que le débat était franc et sans lignes rouges. Ainsi, toutes les thématiques ont été passées en revue, sans omettre la fraude fiscale ou l'impôt sur la fortune. Et pour poser les jalons du nouveau cadre fiscal, le panel «Législation et équité fiscale» a abouti à l'importance de procéder à une rationalisation, voire une limitation, aussi bien des exonérations que des dépenses fiscales. Ainsi, le débat a abouti à ce que nous savons tous, notamment que ces dépenses doivent être limitées dans le temps, répondre à des objectifs contenus dans un cadre contractualisé, et surtout évaluées a posteriori ! Et, le constat flagrant, toujours connu de tous, est qu'il n'existe aucune étude d'impacts socio-économiques de ces différentes dépenses. Actualité oblige, la fiscalisation du secteur agricole a également fait l'objet d'un consensus général, malgré la résistance des opérateurs du secteur. L'IR a suscité un débat houleux, (voir entretien) au même titre que l'impôt sur la fortune. Il a été proposé la création d'un impôt de solidarité qui se résume pour les familles aisées à reverser la subvention des produits compensés. Le deuxième atelier s'est, pour sa part, «attaqué» à la fraude fiscale et à la problématique que pose le secteur informel. A ce propos, la présidente de la CGEM, Miriem Bensaleh, a appelé l'Etat à prendre ses responsabilités en s'attaquant frontalement et avec discernement «à cet informel qui s'est institutionnalisé et qui menace les fondements de notre tissu économique. Il faut arrêter de faire payer les mêmes en faisant en sorte que tout le monde paye son dû à la collectivité». Il a été, dans ce sens, recommandé de mettre en place des incitations plus intéressantes que celles existantes en faveur des PME et TPE pour les inciter à rejoindre le secteur formel. Il s'agit aussi de renforcer les moyens aussi bien humains que technologiques de l'administration fiscale afin d'améliorer le contrôle et lutter efficacement contre la fraude fiscale. Bien évidemment, le rôle des commissions de résolution des litiges est à renforcer et à rééquilibrer également. La fiscalité : un levier de la compétitivité Le rôle de la fiscalité dans le soutien au tissu économique national était aussi parmi les thèmes retenus au débat. Dans ce sens, les intervenants s'accordaient à défendre la mise en place d'un pacte de stabilité fiscale à même d'améliorer le climat des affaires. Il a été principalement appelé à l'allègement de la pression fiscale, à l'adaptation des impôts aux capacités financières du tissu entrepreneurial marocain, à la réforme de la TVA, de manière à en faire une taxe «neutre» pour l'entreprise en limitant le butoir, de même que la réduction de l'impact fiscal sur les opérations de restructuration du tissu économique. Un autre axe du débat, durant ces deux jours est l'établissement d'une relation de confiance entre l'administration et les contribuables, à travers notamment l'amélioration des services assurés. Toutefois, la clarification des textes et l'équilibrage du pouvoir discrétionnaire de l'administration fiscale demeure nécessaire. Enfin, et malgré l'absence d'un projet clair de la régionalisation avancée dont le pays a fait son choix, un atelier y a été consacré. Et à ce niveau, il a été principalement question d'orienter les impôts liés à l'immobilier vers le financement des projets locaux, de canaliser certaines taxes d'Etat vers les collectivités locales et de créer un fonds dédié au financement des projets de développement entre autres propositions. Il a été évident qu'un pareil sujet mériterait l'organisation d'une journée d'études relative à la fiscalité régionale, pour mieux étudier les moyens de lutter contre l'iniquité entre régions et l'absence de compétitivité entre elles.