Cela est l'une des conclusions du dernier rapport de la Banque mondiale sur l'agriculture et l'agroalimentaire en Afrique. Le document a encore fait parler de lui au denier FMB Africa. Les pistes de croissance du secteur agricole, de la production à la transformation, son dégagées. Les commentaires de The Boston Consulting Group, en option. Analyse. De la fertilité des terres au segment de la transformation industrielle des produits agricoles, en passant par l'amélioration des productivités, le pas est facile à franchir. Le FMB Africa 2013 a en effet permis aux experts du continent, venus de diverses régions agricoles, de réévaluer le potentiel agricole de l'Afrique, ainsi que les opportunités d'investissement qui y sont offertes, notamment sur le segment de la valorisation industrielle locale des produits. Un travail sur lequel la Banque mondiale nous a quelque peu devancés. Selon le dernier rapport produit à ce propos par l'institution financière internationale, le potentiel du secteur agricole et agroalimentaire en Afrique pourrait se chiffrer à 1.000 milliards de dollars à l'horizon 2030. «À titre de comparaison, ce marché représente actuellement 313 milliards de dollars. Il devrait donc tripler, avec à la clé davantage d'emplois, une plus grande prospérité, une population mieux nourrie et un net élargissement des opportunités, ce qui permettra aux agriculteurs africains d'être compétitifs sur les marchés mondiaux», explique-t-on dans le communiqué de presse de la BM. Pour arriver à cette performance, il faudrait par ailleurs parvenir à faire surmonter au secteur de nombreux défis. Parmi les principaux figure le développement des volumes d'investissements injectés dans le secteur. «L'agriculture et l'agroalimentaire en Afrique ne sont pas assez performants. Beaucoup de pays en développement (Brésil, Indonésie, Thaïlande...) exportent désormais davantage de produits alimentaires que toute l'Afrique subsaharienne», constatent les experts de la BM. Ces derniers pensent toutefois qu'il est possible d'inverser ces tendances, «grâce à des mesures appropriées, à un investissement soutenu dans le secteur public et dans le secteur privé et à des partenariats public-privé solides, s'appuyant sur des procédures et processus ouverts et transparents, tout au long de la chaîne de valeur». L'autre défi auquel l'agriculture africaine sera confrontée, est lié à une meilleure disponibilité des terres arables et à une amélioration de la gestion des ressources hydriques. «L'Afrique dispose de plus de la moitié des terres fertiles et pourtant inexploitées de la planète. Ce continent n'utilise que 2 % de ses ressources renouvelables en eau, alors que la moyenne mondiale est de 5 %. Les pertes après récolte se montent à 15-20 % pour les céréales et sont encore plus considérables pour les denrées périssables, en raison de mauvaises conditions d'entreposage et de la piètre qualité d'autres infrastructures agricoles», relève les observateurs du secteur au sein de la BM. Perspectives «L'agriculture et l'agroalimentaire devraient figurer en tête des priorités fixées dans le domaine du développement et de l'entreprise en Afrique subsaharienne», ainsi que le projette la BM. Les experts de l'organisme poursuivent en mentionnant qu'un leadership renforcé et une mobilisation des secteurs public et privé sont indispensables. La réussite tiendra à la collaboration avec des investisseurs stratégiques promouvant les «bonnes pratiques», tout autant que le renforcement des garde-fous et des systèmes d'administration foncière, ainsi que la sélection d'investissements propices au développement durable. Le continent peut par ailleurs s'appuyer sur de nombreux succès locaux pour guider les pouvoirs publics et les investisseurs vers des résultats économiques, sociaux et environnementaux positifs. Selon Gaiv Tata, directeur du secteur Finances et développement du secteur privé au sein de la Région Afrique de la Banque mondiale, de bonnes politiques publiques, une augmentation des investissements publics et privés et des partenariats public-privé solides permettront de donner du pouvoir aux agriculteurs et aux entreprises africains. La recette est donnée... Patrick Dupoux Partner and Managing Director, The Boston Consulting Group «Tous les ingrédients sont réunis pour un décollage de l'agriculture et de l'agro-alimentaire en Afrique» Les ECO : La Banque mondiale a récemment publié .... Quels sont les facteurs explicatifs de ce potentiel ? Patrick Dupoux : Pour la première fois depuis de nombreuses années, tous les ingrédients sont effectivement réunis pour assister à un décollage de l'agriculture et de l'ensemble du secteur agro-alimentaire en Afrique. En premier lieu, le monde va devoir doubler sa production agricole d'ici 30 ans, pour nourrir la croissance de la population et le changement des habitudes alimentaires dans les pays émergents. Comme on ne peut plus faire croître la surface des terres cultivées, il faudra bien gagner en productivité. Or, c'est en Afrique que réside le potentiel de productivité le plus important, tout simplement parce que les rendements y sont moins élevés qu'ailleurs. Par ailleurs, le continent connaît une croissance économique importante depuis bientôt 10 ans, et crée des conditions favorables aux investissements dans le secteur : amélioration des infrastructures, meilleure disponibilité des financements bancaires, généralisation du téléphone mobile et d'internet, qui permet de relier les gens entre eux et d'accéder au savoir, émergence d'une classe de consommateurs, volonté affichée des gouvernements de développer de la valeur ajoutée et l'emploi local à travers la transformation locale des produits agricoles. Le dernier ingrédient, c'est la hausse des prix mondiaux des matières agricoles, liée à plusieurs décennies de sous-investissement dans le secteur, qui attise encore plus l'intérêt des investisseurs pour le secteur agricole. Bref, les investissements sont en croissance en Afrique et le secteur agro-alimentaire devrait particulièrement en profiter. Malgré cela, les investissements dans le secteur agricole africain semblent encore bien limités. Nous avons l'impression que les investisseurs sont encore un peu frileux... Au contraire, nous constatons une augmentation réelle de l'intérêt des investisseurs dans le secteur depuis 3-4 ans. Il est vrai que la conversion de cet intérêt en investissements prend du temps. C'est notamment lié au fait que le secteur est très fragmenté et que beaucoup d'investisseurs ne connaissent pas bien l'Afrique. Il est donc important que les pays africains créent les conditions favorables à l'investissement privé, tout en s'assurant que celui-ci est gagnant-gagnant pour toutes les parties prenantes. Néanmoins, beaucoup de professionnels pensent que le secteur va se transformer dans les quelques prochaines années et que c'est maintenant qu'il faut y investir. Une révolution verte...? Cela va bien au-delà. Il ne s'agit pas uniquement de croissance et d'investissements dans la production agricole. Il s'agit aussi d'investissements dans la transformation locale de cette production, dans le stockage, le transport, la logistique ou encore dans l'industrie des intrants-engrais, produits phytosanitaires, semences, dispositifs de micro-irrigation. C'est toute la chaîne de valeur agricole qui est concernée. Ce n'est pas une révolution verte, c'est une révolution industrielle.