Lieux de détente, de récréation et de ressourcement, les jardins de Marrakech ne cessent de gagner en notoriété. Ces squares revêtent actuellement une importance indéniable, surtout à un moment où la ville des sept saints se développe et s'urbanise à une vitesse vertigineuse. Presque abandonnés à longueur de journée, en raison de la chaleur suffocante de cette saison estivale qui, cette année, coïncide avec le mois sacré du Ramadan, ces espaces deviennent les coins les plus fréquentés à la tombée de la nuit et jusqu'aux heures tardives, par différentes franges de la population en quête d'un bol d'air frais.La superficie totale des espaces verts à Marrakech s'estime à quelque 400 ha, sans compter la palmeraie de Marrakech, l'oliveraie de l'Agdal (500 ha) et l'oliveraie de la Ménara (80 ha). Quant au ratio des espaces verts par habitant, il est de plus de 11 m2, dépassant la moyenne mondialement reconnue qui est de 10m2/habitant. Depuis longtemps déjà... L'intérêt porté aux espaces verts est très ancien et remonte à de longs siècles de l'histoire de Marrakech. Pour preuve, les différentes dynasties qui se sont succédées dans la ville ocre ont accordé une importance de taille à l'aménagement des jardins. La ville a eu, de ce fait, le grand mérite d'abriter un patrimoine vert des plus importants à l'échelle nationale, voire même à l'échelle africaine et du monde arabe. Marrakech compte nombre de jardins historiques, dont les jardins de la Ménara, les jardins de l'Agdal actuellement en cours d'aménagement, Arsat Moulay Abdeslam érigée il y a quelques années seulement en cyber-parc. Il y a aussi Arsat El Bilk, bien que ce jardin ait subi les conséquences directes d'une urbanisation galopante, d'où une superficie remarquablement réduite. Dans le quartier huppé de Guéliz, on note Jnane El Harti, un jardin complètement rénové et aménagé pour le plaisir des visiteurs. Au boulevard Mohammed VI (en direction de la zone touristique de l'Agdal), c'est l'oliveraie dite Ghabat Echabab qui se dresse majestueusement, formant avec les cimes de l'Atlas une véritable toile. Tous ces jardins et d'autres ont permis à la ville ocre de s'ériger en «ville-jardin», d'autant plus que la culture des jardins s'est vue largement instaurée dans les habitudes et les traditions des autochtones. Les Marrakchis ont, de tout temps, pris cette habitude de sortir en excursion chaque weekend, munis de tout genre de vivres et de boissons (thé, café...). On parle à Marrakech de «N'Zaha», une pratique ancestrale à laquelle se livrent tous les habitants sans exception. Dans les anciens quartiers de la médina, ce sont les voisins qui s'organisent chaque dimanche pour sortir dans l'un des anciens jardins historiques de la ville, en l'occurrence les jardins de la Ménara. L'aménagement, une initiative applaudie L'initiative d'aménagement des espaces verts et la construction de nouveaux jardins sont largement applaudies par nombre de Marrakchis qui voient dans ce genre d'action une pérennisation d'un patrimoine jadis en péril à cause de l'urbanisation effrénée. À leurs yeux, les jardins de Marrakech constituent le poumon de la ville et un véritable refuge pour les populations, notamment celles à faible revenu qui n'ont pas les moyens de fréquenter d'autres endroits privés. Dans ce cadre, la gestion de ces jardins a été confiée à des sociétés spécialisées. Citons, à ce propos, l'exemple d'Arsat Moulay Abdeslam, entretenue dans le cadre d'un partenariat avec Itissalat Al Maghrib et la Fondation Mohammed VI pour la protection de l'environnement, ou encore l'exemple des jardins El Harti et de ceux de la Ménara, considérés actuellement comme des modèles en termes de propreté et de sécurité. Décidés à poursuivre cette démarche, le Conseil communal de la ville de Marrakech et le Conseil de la région placent, pour leur part, l'aménagement des espaces verts au cœur de leur plan d'action. Nombre de parcs urbains connaissent actuellement des travaux d'aménagement, tels les jardins historiques d'Agdal Ba H'mad, étalés sur une superficie de 11 ha. Une action non moins importante concerne la régénération de la palmeraie de Marrakech, notamment avec la mise en place, sur 15 ha, d'une pépinière communale d'une production annuelle de 100.000 plants, et la plantation de 80.000 palmiers dattiers dans la palmeraie et les différents espaces verts de la cité ocre. On assiste également, et de manière quasi permanente, à des opérations d'entretien et d'implantation de milliers de fleurs et d'arbres, et de création de jardins le long des boulevards comme au sein même des quartiers résidentiels. Des mesures s'imposent Nombre d'observateurs estiment pourtant que cela demeure insuffisant. Ils insistent sur la nécessité de doter ces espaces de petits points de vente soigneusement aménagés, de manière à barre la route au commerce ambulant. «La mise en place de ce genre de micro-projets, à l'instar de ce qui se passe à l'étranger, permettra la création de nouveaux emplois, de lutter contre l'informel et surtout de préserver la santé des consommateurs, notamment durant les périodes à risque comme l'été, où ces lieux sont hautement fréquentés par les petits commerçants», ont-ils expliqué. Ils ont estimé nécessaire également de mener des campagnes de sensibilisation auprès des populations pour leur montrer l'importance de ces espaces, tout en les invitant à contribuer au maintien de la propreté de ces endroits et au respect de la nature et de la végétation, par un simple changement de comportement et davantage de civisme. Les universitaires pensent autrement Mohammed El Faiz, universitaire et historien des jardins à l'université Cadi Ayyad de Marrakech, avait déjà tiré la sonnette d'alarme sur la dégradation de l'état des jardins de Marrakech. L'expert dénonçait plusieurs interventions hâtives et non étudiées qui touchaient au patrimoine des jardins historiques de Marrakech, ignorant le caractère spécifique de ces espaces. Il avait notamment critiqué le fait que les autorités de la ville s'étaient engagées dans une opération de transformation de ces jardins en pastiches de jardins à la française, condamnant à jamais un héritage exceptionnel de par son style Almohade et Alaouite, son dessin et ses composantes végétales et architecturales. Et le chercheur d'ajouter qu'en peu de temps, la ville de Marrakech a perdu Arsat Al-Koutoubia, transformée en parc floral moderne, et Jnan Al Harti qui a subi la même évolution. D'autres espaces ont subi le même sort, tels les jardins de l'Agdal Bahmad, dont les premiers arbres furent plantés au XIIe siècle par les Almohades et irrigués grâce à de nombreux réservoirs remplis d'eau du Haut-Atlas, et Arsat Moulay Abdeslam. Néanmoins, si ces jardins historiques et espaces, autrefois plantés de palmiers et d'oliviers, ont subi les conséquences de l'extension urbanistique et se sont vus largement dénaturés, d'autres jardins ont, en revanche, bénéficié d'une attention particulière et d'une série d'actions qui ont contribué à leur revitalisation, comme c'est le cas des jardins Majorelle, créés en 1924 par l'artiste-peintre français Jacques Majorelle.