Le Secrétaire général du gouvernement vient récemment de recadrer le ministre des Finances à propos de son projet de réforme du statut et des pouvoirs du Conseil déontologique des valeurs mobilières (CDVM), visant à le transformer en une Autorité des marchés des capitaux (AMC). Remanié par le gardien de la constitutionnalité des lois, en raison de ses manquements juridiques, ce projet résultait pourtant d'une volonté louable d'assurer l'indépendance du gendarme du marché, tout en le dotant de pouvoirs plus étendus. Le projet du ministre Mezouar s'était inspiré du modèle français où le président de l'Autorité des marchés financiers (AMF) est nommé par décret du président de la République française pour un mandat de cinq années non renouvelable. Créée en 2003 par la loi de sécurité financière en vue de renforcer l'efficacité et la visibilité de la régulation de la place financière française, l'AMF est issue de la fusion de la Commission des opérations de Bourse, du Conseil des marchés financiers et du Conseil de discipline de la gestion financière. L'AMF comprend un collège de 16 membres, représentant son organe décisionnel et dirigé par le président de cette Autorité, ainsi qu'une commission des sanctions, composée de 12 membres distincts des membres du Collège et qui est seule compétente en matière de sanction. Le président de la Commission des sanctions est élu par les conseillers d'Etat et les conseillers à la Cour de cassation siégeant au sein de cette commission. Le non respect du principe de séparation des pouvoirs, gage d'équité pour le justiciable, constitue le principal reproche du Secrétariat général du gouvernement (SGG) à l'endroit du projet du ministère des Finances. Le SGG s'oppose à une concentration de pouvoirs importants entre les mains d'un seul décideur. Initiative des enquêtes, décision de poursuite, instruction du dossier d'enquête et prononciation des sanctions, relèveraient de la responsabilité exclusive du président de l'AMC. D'un autre côté, le projet propose que la présidence du conseil d'administration de l'AMC soit dévolue à une personne considérée comme «indépendante», n'ayant aucun lien avec l'administration, le monde politique ou les entités susceptibles d'être contrôlées par cette Autorité, dans le cadre d'une procédure de nomination par dahir pour une durée de quatre années renouvelable une fois. Le souci d'indépendance ainsi affiché est évidemment à saluer, même si l'on est en droit de s'interroger sur la réalité ou la facticité de cette volonté d'autonomie et d'impartialité. L'absence de procédure de sélection ou d'appel à candidature, avec comme corollaire la désignation discrétionnaire, constatées historiquement sur les nominations précédentes, sont-elles compatibles avec cette exigence d'indépendance? Quant aux objections du SGG sur les prérogatives exorbitantes du président de l'AMC, elles sont fondées et dénotent d'un double manquement des services ministériels: elles révèlent des faiblesses dans la maîtrise des règles de droit constitutionnel et démontrent une incapacité à convaincre les autres administrations concernées par le projet, comme le SGG, mais aussi le ministère de la Justice ou la Cour des comptes, dont l'avis n'a pas été sollicité ! Elles mettent à jour une solidarité gouvernementale friable, que deux ministres importants du gouvernement El Fassi n'hésitent pas à mettre à rude épreuve sur la scène publique. Elles illustrent, enfin, une déviance de la gouvernance publique au Maroc, qui consiste à favoriser l'inflation législative en proposant de nouvelles lois au lieu d'appliquer efficacement le dispositif législatif et règlementaire existant. Plutôt qu'élargir ses pouvoirs, le CDVM doit exercer pleinement ses prérogatives actuelles et lutter efficacement contre les dérives du marché financier. Il doit déployer son autorité sur tous les opérateurs du marché des capitaux, sans aucune exception ! Il doit apporter des réponses concrètes aux vraies problématiques du marché : Le CDVM doit se recentrer sur sa mission principale et démontrer sa capacité à exercer ses pouvoirs actuels, avant d'en réclamer une extension. Mais tout élargissement ne pourra s'envisager que dans un cadre institutionnel où la collégialité et l'impartialité doivent garantir les droits des justiciables.