Lesieur Cristal. Le groupe ambitionne d'avoir un positionnement plus important sur la filière de l'huile d'olive. Analyse des perspectives de croissance et de rendement de cette activité. Lesieur Cristal a vu en 2012 le maintien de sa part de marché à 57%, et l'entrée de Sofiprotéol dans son capital à hauteur de 41%. Sur le volet financier, le chiffre d'affaires consolidé s'est hissé de 6,4% à 4,1 MMDH à fin 2012, tandis que le résultat net a plus que triplé pour s'établir à 105 MDH. Afin de préserver ses parts de marché et d'assurer la continuité de sa croissance organique, Lesieur Cristal entend d'abord dynamiser les ventes à l'export, notamment vers les marchés à fort potentiel de croissance comme l'Afrique cherche aussi à établir des synergies actives avec le groupe Sofiprotéol visant les principales composantes de la chaîne de valeur, notamment les achats de matières premières et de produits énergétiques, rationaliser les coûts, améliorer la productivité et enfin démarrer l'activité de la filiale spécialisée dans l'exploration de l'olive (Société d'exploration de l'olive). Sur ce dernier point, Lesieur Cristal vise le développement de sa capacité de production oléicole à 13.000 tonnes par an, à travers l'exploitation de deux domaines agricoles (à El Kelaâ des Sraghna et à Meknès) dotées de plantations mécanisées et semi-intensives. Les premières récoltes sont prévues pour l'année 2013. Le lancement intervenu fin 2012 de l'huile d'olive «Al Horra» devrait permettre de renforcer le positionnement de la société sur ce créneau. Des revenus faibles sur l'huile d'olive L'analyse des revenus de Lesieur Cristal au titre de l'année écoulée fait ressortir une prépondérance de l'huile de table. Cette dernière draine 84% du chiffre d'affaires en 2012 (vs. 81% en 2011), tenant compte d'une croissance de 2% des ventes de Lesieur Cristal (au même niveau que l'évolution du marché). Cette amélioration s'est effectuée en dépit de l'entrée massive des produits de contrebande, principalement les huiles de tables, via la zone orientale, variant entre 15.000 à 20.000 tonnes, soit plus de 5% de PDM sur le marché global, et près de 35% dans la région du Nord oriental. L'huile d'olive voit, elle, sa part dans le chiffre d'affaire s'effriter de 3 points à 3% en 2012, dans une conjoncture marquée par une mauvaise campagne 2011/2012 nationale. Le faible niveau de vente à l'export s'élève à 2.000 tonnes pour Lesieur Cristal contre 35.000 tonnes exportées par le marché, et cela est dû aux prix marocains qui restent non compétitifs malgré le maintien de la subvention de 2 dirhams/litre. Le prix varie en effet entre 22 et 24 dirhams/litre, contre 15 dirhams/litre à l'international. Par conséquent, les revenus à l'export de Lesieur Cristal enregistrent une baisse, passant de 500 MDH en 2011 à 275 MDH en 2012. En 2012, l'huile de table engendre 56% des revenus à l'export (contre 52% en 2011), tandis que le savon engrange 26% (contre 11% en 2011), grignotant partiellement la part de l'huile d'olive qui ne représente plus que 9%, au lieu de 30% en 2011. Aujourd'hui, Lesieur Cristal entend renforcer son positionnement sur le créneau de l'huile d'olive. «Le levier de croissance ne peut pas venir des produits matures. Il viendra grâce, entre autres, au développement de la filière oléicole et du business huile d'olive», avait souligné à cet effet Samir Oudghiri Drissi, directeur général de Lesieur Cristal, lors de la conférence de présentation des résultats 2012 du groupe. Il ajoute: «à l'horizon 2017, nous comptons augmenter de 30% notre résultat». Le choix du groupe est loin d'être anodin: la filière de fabrication d'huile d'olive n'est pas banale. La nouvelle marque d'huile d'olive de Lesieur Cristal lancée en décembre 2012, «Al Horra» détient à ce jour une part de marché de 27% en Grandes et Moyennes Surfaces (GMS). Cependant, le marché au-delà des GMS est plus important. À titre d'exemple, le chiffre d'affaires cumulé par les entreprises exerçant l'activité «fabrication d'huile d'olive» se situe à 3,77 MMDH en 2011 (chiffres Inforisk). Ce chiffre a enregistré une croissance de 7,5% entre 2010 et 2011, après une hausse de 4% entre 2009 et 2010. Le secteur est dominé par un seul acteur, à savoir Les huileries du Souss Belhassan -LHSB- (huiles Oued Souss, Célia, Delcy...), qui représente à lui seul 83% du CA sectoriel. La sécurisation de l'amont agricole s'impose Toutefois, la rentabilité des entreprises du secteur, en particulier celle de LHSB, reste à un niveau très bas. La marge opérationnelle du secteur s'établit à 3% en 2011 (2,3% pour LHSB). Depuis 2009, la marge opérationnelle sectorielle n'a pas cessé de se détériorer. Elle est en effet passée de 6,1% en 2009 à 3% en 2011, soit une dégradation de 3,1 points. La marge nette est à 1,5% la même année (0,8% pour LHSB). Cet indicateur a subi la même tendance baissière de la marge opérationnelle, passant de 2,8% en 2009 à 1,5% en 2011 (-1,3 points). Du côté de l'endettement, le niveau de ce dernier (par rapport aux capitaux propres) se situait à 44% en 2011, il se stabilise sur la période 2009-2011. En 2011, les dettes de financement ont augmenté au même rythme que celui des capitaux propres (+18%), ce qui explique la stabilité du ratio d'endettement. Quelle est donc l'origine de cette dégradation de la rentabilité? Les fabricants d'huiles d'olives voient une multitude d'obstacles se dresser devant eux, ce qui freine leur développement. Selon l'Observatoire de l'entrepreneuriat (ODE), la filière souffre d'un manque à gagner en matière de production, de conditionnement du produit et de marketing. L'organisation de la filière est complexe, non intégrée et propice aux activités informelles. La transformation oléicole est une activité majoritairement artisanale, et perturbée par un aval informel. De plus, elle pâtit en amont d'un faible rendement de l'oliveraie marocaine et d'une variété génétique limitée. L'optimisation des coûts de fabrication de l'huile d'olive passe nécessairement par un meilleur rendement et une intégration verticale en amont. Il semblerait que Lesieur Cristal ait déjà trouvé une réponse à cette problématique, à travers le développement de sa capacité de production oléicole. «Une unité qui sera montée à El Kelaâ des Sraghna, entre juin et juillet, a pour objectif de triturer les olives qui viennent de la prochaine récolte de la plantation de Centrale Laitière, mais aussi les olives des agriculteurs que le groupe a agrégés. C'est une augmentation de capacité qui nous permettra d'obtenir de l'huile extra vierge d'excellente qualité», avait expliqué le directeur du groupe. Cette unité a été conditionnée pour produire 3.000 tonnes d'huile, et celle de Meknès devrait suivre. L'objectif attendu est une économie de coût, une sécurisation de la matière première et l'obtention d'une filière bout en bout. Le défi de l'export Par ailleurs, le secteur oléicole manque également de débouchés, avec une consommation domestique faible et de grandes difficultés à se faire une place sur le marché international à cause d'une forte concurrence. La crise a fortement touché le marché international de l'huile d'olive. La production importante de pays comme les Etats-Unis a entraîné une baisse considérable du prix du litre d'huile d'olive ces dernières années: les entreprises choisissent le marché local, préférant ce dernier à la vente à perte à l'international. Sur le marché international, le Maroc doit faire face non seulement à la baisse des prix mais aussi à des concurrents aux assises plus solides. Les principaux concurrents du royaume, à savoir la Grèce, l'Espagne et l'Italie, bénéficient de subventions nettement plus importantes que les producteurs nationaux, et cela conduit à une détérioration de la compétitivité du Maroc. De plus, les exportations de ces leaders mondiaux se fait en bouteille sous des marques, tandis qu'au Maroc, l'essentiel de la production est exportée en vrac. «Vous ne construisez pas grand-chose avec du vrac. Nous sommes sur cette lignée, mais ce n'est pas gagné. La construction d'une marque à l'étranger coûte cher», affirme Samir Oudghiri Drissi. L'objectif à terme de Lesieur Cristal est d'exporter des bouteilles conditionnées, donc des marques marocaines. L'activité huile d'olive du groupe a donc de fortes chances de rompre avec la situation du secteur, vues les perspectives prometteuses qui se profilent à l'horizon.