«Il faudra veiller à rendre effective la consécration constitutionnelle du rôle assigné à la société civile et aux médias dans la construction politique et dans les domaines des droits de l'Homme et du développement». Dans son discours du 30 juillet dernier, le souverain n'a pas manqué de rappeler le rôle important des médias dans le nouveau processus de réforme engagé par le pays, suite à l'adoption de la nouvelle Constitution. Si le premier pas est d'abord de construire une «conscience» politique, avec la contribution des médias nationaux, le deuxième chantier qui concerne le secteur est la restructuration du paysage médiatique en lui-même. Rappelons que plusieurs mois avant le début des premiers signes du Printemps arabe, professionnels des médias au Maroc, parlementaires, chercheurs et ministère de la Communication s'étaient engagés sur les marches d'une importante réforme visant à «rafraîchir» entre autres choses, le Code de la presse, et par la même occasion, le cadre juridique de la profession. Les recommandations arrêtées pour la réalisation du fameux Livre blanc, qui fait suite au dialogue national «Médias et société», n'ont toujours pas eu de retour des parlementaires et politiques, après leur présentation en début d'année. Selon Younès Moujahid, secrétaire général du SNPM, «le chantier est toujours en cours» , mais tout dépend du calendrier parlementaire. Ce calendrier s'annonce pour le moins serré, au vu des prochaines étapes prévues sous la coupole. Dans ce contexte, il est de mise de se demander quel est l'enjeu de ces recommandations et s'il est encore nécessaire d'attendre la publication de ce document (ou un autre) pour entamer les réformes demandées par les professionnels. En attendant la réforme, la Constitution Révision du Code de la presse, constitution d'un Conseil de la presse, réforme du pôle audiovisuel public ou encore droit d'accès à l'information, sont autant de revendications que le syndicat, la fédération et l'instance en charge du dialogue appellent de leurs voeux depuis plusieurs années. S'il faut encore attendre l'arrivée d'un nouveau gouvernement avant que ces réformes - ou du moins une partie d'entre elles - ne soient enfin légiférées, le paysage médiatique risque de ne pas bouger d'un iota. Fort heureusement pour les professionnels de l'information, le texte constitutionnel accorde deux articles au secteur. Le premier porte sur la liberté d'accès à l'information : «Les citoyens ont le droit d'accéder à l'information détenue par l'administration publique, les institutions élues et les organismes investis d'une mission de service public». Le second, quant à lui, garantit la liberté de la presse. Selon l'article 28 du nouveau texte, ce droit - désormais constitutionnel - «ne peut être limité par aucune forme de censure préalable». En clair, le droit à l'information ne dépend plus du pouvoir discrétionnaire des administrations publiques. Les nouvelles garanties apportées aux professionnels de la presse figurent parmi les correctifs qui ont été apportés à l'accès équitable aux sources d'information. La refonte constitutionnelle du droit d'accès à l'information a visé les principales limitations, qui étaient jusque là l'objet d'une grande controverse entre les professionnels et les organismes publics. Rappelons au passage que ces derniers se sont d'ailleurs souvent retranchés derrière les obligations et les exigences imposées par l'ordre et la sûreté publics pour rester fermés à l'égard des médias. La nouvelle formulation constitutionnelle impose que toute limitation du droit d'accès aux informations par les médias dépende expressément d'une loi. Celle-ci doit clairement préciser les cas dans lesquels les journalistes ne pourront exiger les informations dont ils ont besoin. À ce titre, il est à noter que les domaines liés à la défense nationale, à la sûreté intérieure et extérieure de l'Etat, ainsi que la vie privée des personnes et leurs libertés restent cependant les lignes rouges infranchissables, que les entreprises de presse n'ont «constitutionnellement» pas le droit de franchir. Autre point positif de ce nouveau texte, la protection des sources. En effet, la nouvelle Constitution instaure également une protection des sources et des domaines qui seront expressément énumérés par la loi qui va organiser le droit de l'accès à l'information. Si la Constitution est ainsi parvenue à répondre à deux principes de base, essentiels pour le secteur, il serait toutefois temps de se demander ce qu'il en sera pour le reste.