Solidarité gouvernementale. Tous les ministres en fonction sont amenés, ne serait-ce qu'une seule fois dans leur vie, à connaître de grands moments de solitude au nom de ce devoir d'alliance envers l'équipe au pouvoir. C'est ce que vit Taoufik Hejira ces derniers temps. Même s'il partage dans le fond les doléances des opérateurs du secteur, il ne peut qu'obtempérer et adhérer sans réserve à la position du gouvernement. Cela fait en effet deux ans que l'argentier du royaume jette les propositions des promoteurs immobiliers aux oubliettes et fait un pied de nez à leurs menaces de boycotter définitivement le segment économique. Le projet de loi de finances 2010 n'a fait qu'enfoncer le clou en réitérant la même position, résolument hostile à toute augmentation de la valeur immobilière totale (VIT) en vigueur. Quelque part, les promoteurs immobiliers s'y attendaient. «Nos représentants sont partis en guerre, sachant à l'avance qu'ils en reviendraient bredouille», souffle l'un des leurs. Se sont-ils réduits à faire de la résistance en trompe-l'œil, à se transformer en de simples figurants pour calmer les plus enragés d'entre eux, ceux qui ont fait du logement économique leur cheval de bataille de longues années durant ? «La question n'est pas là. C'est au gouvernement qu'il faudra s'adresser pour savoir pourquoi il s'acharne autant contre les professionnels de la pierre», s'indigne un promoteur très actif dans la ville de Casablanca. Et de poursuivre : «Le logement économique est menacé de disparition. C'est dans ce sens qu'il faut orienter le débat». En effet, c'est dans l'enceinte de la deuxième Chambre que le sort du logement économique sera scellé. Du bras de fer que mèneront les conseillers dépendra l'attitude des promoteurs immobiliers. Deux sortes de réplique sont déjà préparées. L'une d'elle sera mise en avant en fonction des résultats des altercations parlementaires. Soit ils se bousculeront au portillon pour signer de nouvelles conventions d'investissement ou ils continueront à bouder un segment en mal d'attractivité. Le désaccord sur le montant de la VIT que les promoteurs espèrent majorer à 300 000 DH a fini par rattraper d'autres secteurs, dont celui des matériaux de construction. La filière du ciment, pour ne citer que ce créneau en exemple, a été malmenée durant l'année 2009, suite aux mauvaises performances réalisées par le secteur de la pierre dans sa globalité, mais surtout en raison de l'abandon quasi-intégral de l'économique. Dès lors, une question se pose : à qui profitera le statu quo ? «C'est un choix purement politique, car le gouvernement en poste ne veut pas prendre de décision peu populaire. Il ne veut pas endosser la lourde responsabilité d'être à l'origine d'une levée de boucliers dans un segment qui touche aux plus démunis», lance un promoteur. Encore faut-il trouver des alternatives pour que ce type de logement ne tombe pas dans les oubliettes pour de simples considérations politico-politiciennes.. L'énigme Mezouar 33 200 unités. Les ambitions du ministère des finances en matière de réalisation de logements économiques ne sont pas revues à la baisse pour 2010. C'est d'ailleurs ce qu'avait annoncé Mezouar, tout fier lorsqu'il présentait sa feuille de route pour l'année prochaine. C'est au même titre qu'il a remis sur le tapis la cession de 3850 ha de terres domaniales par le biais d'appels d'offres internationaux. Le but étant de réaliser à terme, 70000 logements économiques, 70000 autres sociaux et 70000 logements destinés aux classes moyennes. Si le problème ne se pose pas pour le segment ciblant la classe moyenne, l'on peut se poser la question sur le profil des intervenants qui mettront la main à la pâte pour la concrétisation de l'ensemble des projets en perspective. «Il s'agit de mises en chantier et non pas de réalisations effectives», précise Mounia Lahlou, directrice de la promotion immobilière au ministère de l'Habitat. Voilà qui est bien précisé. Aussi, faut-il souligner que les projets cités par Mezouar concernent en outre le logement à 140000DH. Une précision de taille, si l'on sait que le département de Hejira en fait un chantier prioritaire. Ainsi, en plus de la forte participation du Holding Public Al Omrane, doté d'un budget d'investissement de l'ordre de 9 milliards de DH en 2010, l'attractivité de ce produit puisera toute sa puissance dans la formule de péréquation qui accompagnera toute signature d'une convention, entre le privé et l'Etat. Un dispositif qui permettra aux promoteurs, de profiter du foncier à prix avantageux, afin d'y construire de l'économique, du moyen, mais aussi du haut standing. Une solution qui, certes, n'arrivait pas au moment de son lancement à accrocher les professionnels de la pierre, mais qui semble réussir à faire adhérer de plus en plus de candidats, suite aux grandes difficultés que connaît actuellement le logement dit de luxe.