La situation est très alarmante. Le rapport statistique de l'Office national des pêches (l'ONP), détaillant par espèce les quantités de poisson enregistrées dans l'ensemble des ports du royaume durant les cinq premiers mois de 2011 montrent que le poulpe est en chute accélérée. Ces quantités ont baissé de 21% à fin mai par rapport à la même période de 2010. C'est d'autant plus inquiétant que ces résultats coïncident avec la décision, en avril dernier, du département de la Pêche maritime, qui instaurait une période de repos biologique pour la pêcherie poulpière pendant la saison du printemps, le long du littoral marocain. Cette décision a pris effet immédiatement après son annonce, ce qui en dit long sur l'urgence de la situation. Plus étonnant encore, une saison auparavant, le ministère de tutelle avait «publié» une circulaire (n°09/10) fixant les conditions de la reprise de la pêche du poulpe pour la saison d'hiver 2010-2011. On peut y lire clairement, à l'article 12, que «le maillage minimal des sacs de chaluts autorisé pour les navires de pêche côtière opérant au sud de Boujdour est fixé, à titre dérogatoire, à 60 mm». Pourtant, le dahir du 23 novembre 1973, réglementant la pêche maritime, stipule que «les filets traînants des deux catégories, dont la plus grande diagonale de la plus petite maille aura moins de 70 mm, maille étirée - les filets étant mouillés -, sont prohibés. Le doublage des poches de ces filets est interdit». Une mesure qui devrait éviter de piéger le juvénile et de préserver ainsi les stocks. La mesure dérogatoire est intervenue au moment où la pêche côtière et artisanale du poulpe enregistrait une baisse de près de 50%, passant ainsi de 32.393 tonnes en 2009 à 16.482 tonnes en 2010, une baisse jamais observée depuis la fameuse pénurie de 2003-2004. À noter que la part de la pêche au poulpe, par rapport à l'ensemble de la pêche côtière et artisanale des céphalopodes, gravite autour de 80%. En 2011, cette proportion dégringole à 54%. Sachant que même si les céphalopodes ne représentent que 5,03% de l'ensemble de la pêche côtière et artisanale, sa valeur représente 36,97% de la valeur totale de cette pêche, si l'on se réfère aux statistiques de l'ONP. La perte marchande est donc tout simplement drastique. Effondrement du stock Ce phénomène de surexploitation ne date pas d'hier. En dix ans (entre 2000 et 2010), la quantité de poulpe capturée en pêche côtière et artisanale a chuté de 63,56% (avec quelques petites fluctuations non périodiques témoignant d'un repos biologique peu ou pas respecté), alors qu'entre 1992 et 2000, cette quantité a été multipliée par 13,5 pour atteindre un seuil record de 45.233 tonnes. Quant au minimum, il a été enregistré en 2004 avec 12.417 tonnes, mais si la tendance 2011 persiste, ce triste résultat sera battu haut la main. Selon les responsables de l'INRH, «l'effondrement actuel du stock de poulpe est similaire à celui de 2003». Pour rappel, à cette époque, une commission d'enquête avait été créée, et les conclusions avaient confirmé «un laxisme de l'administration concernant l'application de la loi», une surexploitation sans précèdent de cette ressource et «une pêche illicite en expansion». Ces conclusions ont mené à l'élaboration d'un plan d'aménagement conçu et entré en vigueur en urgence en 2004. Il reposait sur trois règles de base : astreindre les navires à pêcher dans la zone qui figure sur leur licence, la stricte application de la loi concernant les 70 mm de maillage autorisé et la plus spectaculaire, la destruction de plus de 6.000 barques. Malheureusement, ce plan d'aménagement n'a été appliqué qu'à moitié, pour finalement être abandonné en 2007. Les statistiques des premiers mois de 2011 reposent la question avec acuité et jusque là, les mesures prévues par le ministère de tutelle n'ont qu'un effet placebo. Pis encore, la situatoin semble s'aggraver.