Brahim Sentissi Directeur et fondateur de Cejefic Consulting, cabinet de conseil en finance Les ECO : Après 3 mois de hausse, le Masi a entamé en avril une phase baissière attribuable aux publications annuelles des sociétés cotées. À l'approche de la période estivale, peut-on dire que la situation n'est pas près de s'arranger, au cours des prochains mois ? Brahim Sentissi : Déjà, j'aimerais préciser qu'en year-to-date (depuis le début de l'année), la performance du MASI est positive (+3,7%) contre près de -2,7% sur l'année 2013 et -14,7% sur l'année 2012, donc l'évolution des cours me semble globalement aller dans le bon sens. Maintenant, il est vrai que les volumes sont actuellement très faibles sur la Bourse (1,3 MMDH par mois en moyenne depuis le début de l'année, soit dans les 65 MDH par jour), donc il me semble imprudent de parler de tendance avec des volumes aussi peu significatifs. Sur les prochains mois, la période estivale, avec le mois sacré de ramadan, risque d'accentuer cette faiblesse des volumes. Pour les analystes, le regain de confiance dans la Bourse dépendra de l'amélioration de la marge bénéficiaire et de l'assainissement de la santé financière des sociétés cotées. Quel est votre avis ? En restant général, je pense qu'il faut faire la distinction entre les investisseurs avertis (institutionnels notamment) et les investisseurs non avertis (grand public). Pour les premiers, il est vrai que l'amélioration des indicateurs relatifs à la santé financière de l'entreprise pourra les encourager à investir, notamment avec un PIB non agricole qui est censé s'améliorer cette année selon le HCP. Pour les seconds, le regain de confiance ne pourra revenir qu'après un travail de longue haleine. Je me permets de rappeler que le poids des personnes physiques marocaines dans les volumes a été divisé par 6 en 6 ans. Il faut véritablement reconstruire une «cote d'amour» entre les émetteurs et les personnes physiques. Pour cela, il faut leur fournir des perspectives de gain intéressantes. Il faut pouvoir aller vers des valorisations plus attractives. Si les PER vont mécaniquement baisser avec des cours qui stagnent et des résultats qui s'améliorent, il faut également que les prochaines introductions soient effectuées à des valeurs très attractives. Quels sont les autres paramètres susceptibles de stimuler la confiance et de dynamiser les échanges à la Bourse de Casablanca sur les prochains mois? Les investisseurs institutionnels (caisses de retraites, assurances et OPCVM) sont à l'origine aujourd'hui de près de 75% des volumes sur la Bourse (marché central). Or, ils investissent principalement sur deux classes d'actifs: les actions et les titres de créance. On constate aujourd'hui une baisse spectaculaire des taux d'intérêt depuis le début de l'année: à titre d'exemple, le 2 ans est passé de près de 4,4% à 3,2%, soit une baisse de 120 points de base en moins de 5 mois! Si les investisseurs sur titres de créance ont pu, du coup, réaliser de belles plus-values, il ne reste plus vraiment de potentiel de gain, avec des taux aussi bas (et d'ailleurs proches du taux directeur). Du coup, un certain nombre d'entre eux commencent à considérer le marché actions comme un relais de croissance et à s'y intéresser d'assez près. Par ailleurs, dans l'étude sponsorisée par la Bourse de Casablanca que nous avons publiée en mars dernier sur le marché actions, nous avons constaté qu'en 2013, 60 actions sur 77 représentaient moins de 10% des volumes. La création d'un compartiment dédié aux petites et moyennes capitalisations, avec un indice et une promotion dédiées pourraient permettre de dynamiser les volumes sur les small et mid cap. D'ailleurs, le projet de loi relatif à la Bourse des valeurs, actuellement au Secrétariat général du gouvernement, va dans ce sens et prévoit un marché alternatif dédié aux PME. Ainsi, la séparation du marché actions en deux compartiments distincts, avec chacun un indice représentatif, pourrait apporter un plus au marché. Enfin, en termes de fiscalité, il pourrait être intéressant de revoir à la baisse les niveaux d'imposition pour les personnes physiques (par exemple, le taux de l'impôt sur les produits des actions est passé de 10% à 15% en 2013, ce qui n'aide pas la société gestionnaire de la Bourse dans la promotion du marché). Un effort au niveau de la TPCVM serait également intéressant: dans un contexte de faible volatilité, cette taxe impacte significativement les éventuels gains. Les investisseurs regrettent également le manque de communication de la part des sociétés cotées. Cette dernière permettrait également de dynamiser le marché. Dans ce sens, quel est, selon vous,le mode de communication,qui doit être adopté? Je serais partisan d'une communication plus régulière, mais sous certaines conditions. En effet, la communication financière est aujourd'hui un process assez lourd pour les sociétés cotées. Pourquoi ne pas intercaler, entre les communications semestrielles (généralement en mars et septembre), une communication en été et une autre en hiver, mais qui soient plus légères? Typiquement, il suffirait de communiquer des indicateurs sur l'évolution de l'activité de l'entreprise (chiffre d'affaires par exemple), sa maîtrise de son cycle d'exploitation (résultat d'exploitation) et l'évolution de son endettement. Cela permettrait aux sociétés cotées de garder une proximité avec les investisseurs, et pourrait entraîner du volume sur la Bourse si les indicateurs sont supérieurs ou inférieurs aux attentes, sans pour autant ajouter une charge trop importante sur les entreprises cotées.