Le continent conserve une attractivité quasi-exclusive en investissements directs étrangers (IDE) dans une conjoncture mondiale caractérisée par une reprise encore incertaine. C'est en substance ce qui ressort du dernier rapport du cabinet d'audit international Ernst & Young portant sur la compétitivité et l'attractivité de l'Afrique aux yeux des investisseurs du monde. Si le continent séduit les détenteurs de capitaux, tout n'est pas homogène... Le rapport indique que les investissements directs étrangers en Afrique subsaharienne sont en hausse de 4,7% sur l'année 2013, tandis qu'ils régressent en Afrique du Nord. Le cabinet rapporte des «différences notables» de tendances des IDE entre les économies d'Afrique du Nord et d'Afrique subsaharienne. «Alors que les investissements ont diminué de près de 30% dans la partie septentrionale, les projets lancés en Afrique subsaharienne sont en progression de 4,7%, inversant ainsi la tendance négative constatée en 2012», révèle le document. En franchissant pour la première fois le seuil des 80%, la proportion de projets d'IDE à destination des pays de la région subsaharienne creuse encore davantage l'écart entre ces deux sous-régions. Où investir ? Dans le détail des pays les plus investis, justement, l'on a une vague impression de déjà vu. La structure des destinations préférées par les investisseurs étrangers n'a guère évolué, même si quelques nouvelles zones commencent à prendre de l'importance pour venir nuancer toute tendance au statu quo. «Des mouvements notables ont été constatés parmi les 10 premiers pays bénéficiaires de projets d'investissements étrangers directs en 2013. Seuls l'Afrique du Sud et le Nigeria ont conservé leurs positions de premier et troisième du classement par rapport à 2012, avec respectivement 142 et 58 projets investis par des capitaux étrangers», indique-t-on dans le rapport. Tout n'est cependant pas positif. Le niveau des IDE observé est cependant en recul dans ces deux pays. Par ailleurs, des économies comme le Kenya (68 projets), le Ghana (58 projets) ou le Mozambique (33 projets) sont toutes en progression dans le classement. «La Zambie et l'Ouganda ont fait leur entrée parmi les 10 premières positions en 2013 avec respectivement 25 et 21 projets, soit une augmentation de plus de 20%. À l'inverse, certains pays du Maghreb tels que le Maroc, la Tunisie (classée 8e en 2012), ainsi que l'Egypte reculent dans le classement», relèvent les experts du cabinet des «Big Four». Au terme de l'année 2013, les régions ouest et est-africaines sont pour «la première fois passées devant l'Afrique du Nord». Elles se positionnent dorénavant comme deuxième et troisième sous-régions «les plus attractives après la partie méridionale» selon le rapport d'Ernst & Young. Qui investit ? Face aux nombreuses opportunités à saisir sur le continent, les investisseurs étrangers rivalisent en ardeur aux portes de l'Afrique. Dans la course aux projets, le Royaume-Uni se positionnerait comme le premier investisseur en Afrique en 2014. Le pays compte 104 projets à son actif. Il détrône ainsi les Etats-Unis, relégués à la deuxième place avec 78 projets seulement, soit une baisse de 20% par rapport à l'an passé. «L'Afrique du Sud, troisième plus important investisseur, a réalisé 63 projets sur le reste du continent, soit une régression de 16% par rapport à l'an dernier, mais aussi un regain significatif par rapport à la période pré-crise, durant laquelle ce pays n'avait enregistré que 12 projets en moyenne», révèle le rapport du cabinet d'audit. «On note une reprise vigoureuse des projets d'investissements directs étrangers par les entreprises espagnoles et japonaises, respectivement en hausse de 52 et 77%», poursuit-on dans le même document. Quant aux flux intra-africains, ils ont aussi gagné en importance en 2014. «Les investisseurs africains ont ainsi presque triplé leur part dans les projets d'IDE au cours des dix dernières années, passant de 8% en 2003 à 22,8% en 2013. Cette croissance est alimentée par la nécessité d'améliorer les chaînes de valeur et de renforcer l'intégration au niveau régional», peut-on lire dans le rapport du cabinet international. Les auteurs du rapport pensent par ailleurs qu'un autre facteur de croissance est «la bonne connaissance du marché par les investisseurs africains, qui en perçoivent les opportunités et les défis». Dans quels secteurs? Les technologies, les médias et les télécommunications restent les trois premiers secteurs investis en Afrique en 2014, selon le rapport d'Ernst & Young, avec un total de 150 projets. Il sont suivis par les secteurs de la vente au détail et les biens de consommation (RCP) avec 131 projets, ainsi que les services financiers avec 112 projets. Ces derniers secteurs comptent pour plus de 50% du nombre total de projets recensés en 2013. En 2014, «le secteur RCP a pris le pas sur les services financiers pour devenir la deuxième activité la plus attrayante en Afrique. Les projets IDE dans l'immobilier, le tourisme et la construction ont réalisé un bond de 63%, faisant de ce secteur le cinquième plus attractif, soit trois places de mieux qu'en 2012», commentent les experts d'Ernst & Young. En revanche, «pour la toute première fois, le secteur des mines et métaux est sorti du classement des dix premières industries en 2013 en nombre de projets d'investissements étrangers directs», poursuivent-ils. En perspectives, les investisseurs étrangers misent sur trois principaux secteurs d'avenir: l'agriculture, l'industrie, ainsi que les mines et métaux. «De plus en plus, l'économie agricole est elle aussi perçue comme une industrie de croissance vitale, au même titre que les secteurs en contact avec les consommateurs, tels que les services financiers, les télécommunications et les biens de consommation», pensent les auteurs du rapport. Quelles perceptions ? Au même rythme que la croissance des investissements, le regard posé sur le continent est en nette amélioration. Selon les auteurs du rapport, l'attractivité du continent par rapport aux autres régions du globe s'est considérablement renforcée au cours des dernières années. «Le résultat global de l'étude montre que l'Afrique a progressé de l'avant-dernière position qu'elle occupait en 2011 pour devenir la deuxième destination la plus intéressante au monde pour les investissements, derrière l'Amérique du Nord», relève-t-on dans le document de l'organisme. «60% des personnes interrogées font état d'une amélioration de l'attractivité des investissements en l'Afrique l'an dernier, soit quatre points de pourcentage de plus par rapport à l'année précédente». Cependant, un important gap de perception persiste encore entre ceux qui opèrent déjà sur le continent et ceux qui n'y sont pas encore présents. «Pour la première fois, l'enquête de cette année montre que les entreprises disposant d'une présence continentale perçoivent l'Afrique comme la destination d'investissement la plus attrayante du monde», annoncent les experts du cabinet d'audit. Cela dit, l'on préciser que, «par contraste, les nations qui n'ont aucune présence commerciale en Afrique considèrent encore ce continent comme la destination d'investissement mondiale la moins sûre». Il faut savoir que 73% des investisseurs interrogés, déjà établis dans le continent, pensent que «l'attractivité de l'Afrique s'est renforcée au cours de l'année passée», contre 39% parmi ceux qui n'y ont pas encore développé des affaires. Les villes, de nouvelles cibles ? Quelques centres urbains du continent s'illustrent en termes d'attractivité des investissements étrangers. «Près de 70% des personnes interrogées soulignent l'importance des villes et des centres urbains dans leur stratégie d'investissement en Afrique». En termes de perception, l'attractivité des villes est généralement en étroite corrélation avec celle des territoires nationaux dans lesquels ils se trouvent. «En Afrique subsaharienne, la moitié des sondés citent Johannesburg comme la ville la plus favorable à la conduite d'affaires, devant le Cap. Les villes de Nairobi (Kenya) et Lagos (Nigeria) sont respectivement classées troisième et quatrième villes les plus attractives du continent. «En Afrique du Nord, ce sont Casablanca, le Caire et Tunis qui sont perçues comme les trois villes les plus favorables à la réalisation d'opérations commerciales». Selon le rapport d'Ernst & Young, les investisseurs soulignent par ailleurs que pour attirer un maximum de capitaux, les villes doivent miser sur les facteurs essentiels suivants: les infrastructures (77%), la population de consommateurs (73%), le coût et la productivité de la main-d'œuvre locale (73%), ainsi que la présence d'une main-d'œuvre qualifiée (73%).