Alors que le projet de loi sur les banques islamiques poursuit son passage par les circuits d'adoption, la Banque centrale travaille d'ores et déjà sur les textes d'application qui devront suivre. L'objectif est d'adopter ces textes dès l'entrée en vigueur de la nouvelle loi. Bank Al Mahgrib avance également sur l'amendement du texte de loi sur les assurances et la titrisation. Voté mercredi à la Commission des finances, de l'économie et du développement à la première Chambre, le projet de loi sur la finance islamique devrait bientôt voir le jour. Il n'en reste pas moins que l'application de plusieurs dispositions restera tributaire de l'adoption des textes d'application accompagnant le projet de loi. À ce titre, la Banque centrale rassure: «Pour éviter tout retard dans l'application du texte, nous avons d'ores et déjà entamé le travail sur les textes d'application. Ainsi, dès l'entrée en vigueur du projet de loi, les textes d'application suivront», promet Lhassane Benhalima, directeur de la supervison bancaire à Bank Al-Maghrib. Intervenant dans le cadre de la conférence-débat organisée jeudi dernier par la Chambre de commerce britannique au Maroc, en partenariat avec Les ECO, Benhalima a pu partager le point de vue de la Banque centrale concernant ce sujet. Cette conférence a également été marquée par les interventions de Abderrahmane Belbachir, consultant associé d'Al Maali consulting group, ainsi que de Wayne Evans, Conseiller en stratégie internationale à la CityUk. Pour Benhalima, l'adoption du texte en première Chambre est le résultat d'une démarche graduelle actionnée par Bank Al-Maghrib au début des années 2000 et qui a abouti à la mise en place d'une modèle spécifique propre au Maroc. D'où le choix d'un texte unique sur la loi bancaire. «Le Maroc a fait le choix de l'unité du texte, tout en y introduisant un chapitre relatif à la finances islamique», souligne Benhalima. Ce choix se justifie par le souci de cohésion juridique, surtout qu'un code monétaire et financier est actuellement à l'étude. Le but est de mettre fin au foisonnement juridique qui concerne le secteur financier et bancaire. Ce souci de cohésion se ressent également dans le cadre des amendements intégrés aux textes juridiques réglementant le secteur des assurances ou encore la titrisation. L'objectif est d'intégrer des modifications concernant les prérogatives du Conseil supérieur des oulémas. Le vote en fin de semaine dernière opéré par la commission des finances au sein de la 1re Chambre a permis d'introduire de nouveaux types de contrats, dont les produits Istitmar et Salam. Ce dernier intéresse particulièrement les agriculteurs, qui disposeront de conditions particulières liées à la nature de leur activité : «Une activité par définition saisonnière et qui complique le remboursement mensuel», affirme Benhalima, qui est également vice-président du Comité des établissements de crédit. Toutefois, le produit le plus populaire devrait demeurer la Mourabaha, qui dépasse souvent 90% des parts de marché dans les pays où la finance islamique est bien installée. Auprès de la Banque centrale, l'accès des sociétés de financement alternatif au GPBM est actuellement à l'étude. La piste d'un groupement professionnel indépendant n'est pas exclue, mais sa création dépendra du nombre de banques qui seront agréées par BAM. «Nous ne connaissons pas encore le nombre des sociétés qui seront créées. Il est donc prématuré de se prononcer sur ce sujet. À ce titre, BAM affirme que toutes les demandes d'agrément seront traitées minutieusement et chaque agrément sera accordé en fonction de critères objectifs. Il s'agit notamment du business plan proposé par chaque société, ainsi que de la valeur ajoutée que celle-ci proposera ou encore du maillage territorial proposé. Les projets proposés ne devront pas se concentrer sur les grandes agglomérations. «C'est l'intérêt général et celui du citoyen qui prime». Il est à noter que la mise en place d'un Sharia Board interne est exclue, notamment à cause des conflits d'intérêt que cela peut générer. «C'est pourquoi on a opté pour un Sharia board national, qui se trouve être dans le cas du Maroc le Conseil des oulémas», souligne Benhalima. Celui-ci sera conseillé par des experts financiers qui permettront aux fouqaha de disposer des connaissances et de l'expertise nécessaire en matière financière. Ces experts ne disposeront toutefois pas du droit de vote. De surcroît, les oulémas seront assistés par un secrétariat particulier, qui se chargera d'opérer tout le travail de tri et de gestion administrative des dossiers. Au-delà de l'aspect réglementaire, BAM travaille également sur la mise en place de produits de refinancement des banques islamiques. «Ces produits permettront à ces dernières l'accès à un marché monétaire dédié, soit à travers les sukuks, la mourabaha ou d'autres produits». À ce titre, BAM n'exclut pas d'émettre des sukuks pour permettre le refinancement des banques participatives. BAM travaille également sur la mise en place d'un fonds de garantie des dépôts dédié aux banques islamiques. Ce fonds ne sera pas géré par BAM, mais par une société ad hoc, qui devra être conforme à la chariâa, notamment en ce qui concerne les modalités de placement, de rémunération et de contrôle par les oulémas. La question des normes internationales à adopter en matière de finances islamiques semble également réglée. «Nous avons mené un débat en interne pour savoir si ce doit être BAM ou le Conseil supérieur des oulémas qui opère ce choix. Tout prête à croire qu'il s'agit d'un choix doctrinal lié au choix des rites et de ce fait, cela demeure du ressort du Conseil des oulémas», conclut Benhalima.