Qui a dit que le cinéma marocain devait se cantonner au registre social? On ne sait pas qui l'a dit, mais une chose est sûre: ce n'est pas Talal Selhami, jeune réalisateur marocain ambitieux. Rencontre avec l'équipe d'Achoura, un film fantastique marocain, lors de son dernier jour de tournage. Action... monstres en action. Des monstres, des effets spéciaux, de l'horreur, le tout dans un contexte marocain, avec des acteurs marocains et une co- production bien de chez nous. Cela est possible, et Talal Selhami tentera de le prouver dans son deuxième long métrage, Achoura, dont le tournage vient de se terminer et dont on pourra voir le résultat courant 2016. Le film raconte l'histoire de quatre amis qui ont passé leur enfance à la campagne. Ils jouent dans les champs, près desquels est une érigée une maison que l'on dit hantée, sur laquelle on raconte plein de choses, des légendes urbaines. Ils décident de s'y rendre un soir. Ils ouvrent la boîte de Pandore, relâchant une entité qui y vivait... Un enfant disparaît. 20 ans plus tard, ces enfants ont grandi, mais sont toujours traumatisés par cet événement. Leur vie a changé ce jour-là. C'est à ce moment-là que l'enfant disparu réapparaît, adulte, mais il ne réapparaît tout seul... Des enlèvements ont à nouveau lieu dans la ville. «Ce n'est pas un film de science-fiction, c'est un film fantastique. Je ne met pas en scène des vaisseaux, l'espace, le futur. Je suis fan du cinéma fantastique et d'horreur. Très vite, j'ai voulu faire ce métier, dès l'âge de 12-13 ans. C'est ce cinéma qui m'a fait aimer le Cinéma. Je reviens naturellement à ce genre car je voudrais rendre à César ce qui appartient à César», explique le réalisateur, dont le premier long métrage, Mirages, s'inscrivait également dans le fantastique. Retour au pays «monstrueux» «L'écriture d'Achoura a commencé après la sortie de Mirages, qui est également un thriller fantastique, tourné à Marrakech en 2010 et qui n'est sorti qu'en 2013. Pendant 3 ans, j'avais des projets en écriture, mais la libération n'a eu lieu qu'à la fin du film», continue le réalisateur marocain, né en 1982 à Paris et qui a vécu un bout de son enfance dans ce pays. Celui pour qui le cinéma fantastique est un cinéma où il se sent à l'aise a baigné dedans depuis tout petit. Il savait déjà, à l'âge de 12 -13 ans, qu'il voulait en faire son métier. «J'ai grandi avec l'envie de faire du cinéma. J'ai appris en regardant des films», continue le réalisateur, qui a étudié le cinéma dans une université parisienne, et qui a complété sa formation avec de courts métrages. Le jeune réalisateur décide de passer aux choses sérieuses et passe le cap du long métrage avec Mirages. Ayant un budget limité, il se demande comment faire un film qui se tient avec peu d'argent. Il trouvera la réponse dans la magie du désert, où il réalise un huit clos à ciel ouvert avec 5 jeunes qui y sont perdus. «Le désert faisait une bonne partie du travail. Le film a beaucoup voyagé dans le monde et j'ai pris confiance en moi; on s'est dit qu'il fallait passer à la vitesse supérieure», confie le réalisateur. C'est là qu'il pense à Achoura, histoire de changer la donne du paysage audiovisuel marocain. «J'ai fait la rencontre de 2 scénaristes qui j'aimais bien. J'avais ce rêve de faire un film en rapport avec les monstres, avec des créatures basées sur des légendes marocaines. On s'est inspiré de fragments de légendes. On fait quelque chose à notre sauce. On un terreau de légendes encore inexploitées au Maroc. Les gens en sont friands». En effet, le réalisateur compare même notre cinéma au cinéma espagnol, dont la culture est plus proche, alors que l'on continue à s'inspirer d'une France plus cartésienne. «Je pense que ce cinéma a sa place au Maroc. Comme tout début, il faut des essais. C'est aussi un genre de films qui peut s'exporter parce que la peur est universelle», explique Talal Selhami, qui soutient que le Maroc est un pays jeune qui donne sa chance à la jeunesse d'aujourd'hui. «Je n'aurais jamais cru qu'un film d'horreur passerait au CCM. C'est un gage d'ouverture d'esprit incroyable. Il ne serait pas passé au CNC, l'équivalent français, où beaucoup de films de genre se font refouler». Pour un Maroc fantastique... Talal Selhami a pour ambition de proposer différents genres de cinéma au public marocain. «Le Maroc a un héritage cinématographique qui vient de la France. La Nouvelle vague (années 60) est venue avec une mentalité de cinéma à petites économies, on prenait la caméra et on filmait la vie. Cela vient de là, je pense: le Maroc a un faible pour le cinéma social. Je ne le dénigre pas, je le respecte énormément et il doit exister. Mais le but est de proposer aux spectateurs plusieurs orientations pour qu'ils aient le choix. Telle est la démarche de ce film». Un film qui met en scène des montres avec les effets spéciaux de Hassan El Youbi et Jean-Christophe Spadaccini. Un grand challenge avec des décors ambitieux et des acteurs triés sur le volet. «J'ai tout de suite vu Omar Lotfi dans le rôle de Samir, le jeune qui disparaît. Il a brillamment campé ce rôle de composition où il joue le gamin enfermé pendant 20 ans, devenu un enfant sauvage. Il a été surprenant», confie le réalisateur, fier de ses acteurs tels que Younès Bouab, qui campe le rôle d'un des enfants, devenu policier, ou encore Yvan Gonzalez, Sofiia Manouscha et Mohamed Choubi. Le tournage commençait à 18h et qui finissait au petit matin pour préserver l'esprit du film noir. Une ambiance qui s'inspire des films des années 30 . «C'est le film de mes rêves, concrétisé grâce à une équipes de professionnels. Je leur en suis reconnaissant», se félicite le jeune réalisateur, ambitieux. Notre rêve de téléspectateur est de vivre la même chose. Rendez-vous en 2016...