Dans un monde qui s'automatise, il est important de reconnaître que les organisations ont surexploité cette automatisation des fonctions hors la limite pertinente de leur application tout en sous-évaluant l'apport qualitatif du capital humain. Les systèmes innovants de production, l'intelligence artificielle des machines, l'automatisation, la discipline et le respect des processus, et la mesure précise de la productivité individuelle ou/et collective restent le fondement de la gestion moderne des entreprises depuis la révolution industrielle d'il y a plus de 100 ans. Sans remettre en question l'efficacité de ces piliers de la performance, il est important de reconnaître que les organisations ont surexploité ces leviers hors la limite pertinente de leur application tout en sous-évaluant l'apport qualitatif du capital humain.Vous reconnaissez bien les dérapages extrêmes post-grande dépression, durant laquelle l'impact du travail à la chaîne sur les travailleurs occidentaux a été dévastateur, lesquels invoqueront ensuite un malheur individuel et social profond pendant plusieurs décennies. L'humain s'est réduit au travail à la chaîne, puis progressivement, il s'est dénaturé de tout apport intelligent en face de la suprématie des machines et des procédés industriels. La meilleure illustration de ces malheurs est l'histoire décrite avec ironie mais avec beaucoup de pertinence dans le fameux film de Charlie Chaplin, «Les Temps modernes». Il s'agit de l'époque du début de la déshumanisation du management des entreprises et des organisations. Vous allez certainement penser qu'entre la grande dépression et aujourd'hui, nous avons vécu une vraie modernisation des pratiques managériales et des prises de conscience collectives de l'importance de la responsabilité sociale/sociétale, qui font que la maturité de l'économie, des organisations et sociétés a évolué vers une meilleure valorisation de la contribution des ressources humaines dans la réussite de l'entreprise. La réalité est que nous sommes souvent et constamment devant des modes de management qui valorisent les systèmes et les process au lieu de donner de l'importance au capital humain et sa contribution dans l'innovation et la construction de l'avantage concurrentiel de l'entreprise. Il s'agit du phénomène de déshumanisation du management qui se produit massivement chaque fois que nous sommes devant une révolution, une innovation, ou une invention impactant les entreprises. L'invention des chemins de fers, la révolution industrielle, la révolution informatique, les médias sociaux sont quelques exemples d'événements qui ont été suivis par un mouvement agressif de déshumanisation des pratiques managériales en croyant, consciemment ou inconsciemment, que les innovations réduisent la dépendance vis-à-vis du capital humain. Malheureusement, l'interprétation hâtive post-innovation et post-révolution se résume à réduire le rôle du capital humain en le substituant à l'automatisation ou l'intelligence artificielle. Ceci conduit à déshumaniser le management des hommes et des femmes qui font et feront l'avenir de l'entreprise et sa valeur perçue par ses clients et ses parties prenantes. Une autre facette de la déshumanisation consiste aussi à mettre l'accent sur les chiffres et les tableaux de bord en oubliant que l'élément de performance qui n'apparaît nullement dans les bilans de nos entreprises est la performance du capital humain. Les systèmes, les chiffres et les tableaux de bord sont là pour résumer et réduire la complexité d'une organisation mais non pour réduire la valeur du capital humain. Farid Yandouz Directeur général d'ICompétence «Il faut encouragerla créativité» Afin d'éviter la déshumanisation du management, les innovations doivent nous pousser à repenser le rôle du capital humain en le faisant évoluer vers plus de performance et plus de créativité. Le capital humain devrait être un catalyseur et un driver pour renforcer plus d'innovation et non pour être la première victime de ces dernières. Les systèmes de management des ressources humaines doivent reconsidérer leurs mécanismes de telle sorte à promouvoir cet état d'esprit. Ces ressources sont les garants de la réussite des processus de changements progressifs ou radicaux auxquels l'entreprise devra toujours faire face. Les équipes de direction et les DRH ont la responsabilité de palier au piège de la déshumanisation du management en instaurant les valeurs humaines et les valeurs d'innovation qui animent le quotidien des équipes opérationnelles, des managers de proximité ainsi que des middle managers. Le capital humain fera des chiffres mais des chiffres ne feront jamais un capital humain.