La gestion des flux migratoires issus de l'immigration temporaire du Maroc vers l'Espagne est devenue une success story au sein de l'Union Européenne. Dans une étude publiée par le think thank madrilène, Real Instituto Elcano, la chercheuse Carmen Gonzalez revient sur l'immigration temporaire entre le Maroc et l'Espagne, un modèle que les institutions européennes aspirent à mettre en pratique dans d'autres pays européens. Seul bémol, l'étude reproche à l'Espagne de ne pas réussir à mettre en place une immigration circulaire à l'instar des modèles existant dans d'autres pays européens. L'expérience espagnole pèche au niveau de la diversité des profils migratoires, à cause des lois sur l'immigration qui pénalisent cette pratique. Selon l'investigatrice, le retour à leur pays d'origine des étrangers se retrouvant dans une situation de chômage aurait pu être plus considérable si les lois espagnoles et européennes n'étaient pas si rigides. Selon la chercheuse en démographie, population et migrations internationales, «en ce moment, bon nombre d'immigrés au chômage, dont 50% de Marocains, retourneraient dans leur pays si les règlements leur permettaient de revenir légalement en Espagne lorsque de nouvelles opportunités de travail se présentent». Sauf que les règles drastiques découragent les immigrés à prendre une décision aussi cruciale, pouvant mettre en péril leur avenir. L'auteur critique le fait qu'il n'y ait pas entre le Maroc et l'Espagne des flux d'aller-retour parce que les lois espagnoles ne favorisent pas une dynamique où les immigrés peuvent circuler de manière flexible, en fonction des opportunités qui se présentent. La chercheuse pointe du doigt les dispositions du plan de retour volontaire, promu par les socialistes au pouvoir, qui exige un temps d'abandon du territoire très large et fait peur aux intéressés, surtout quand on sait qu'une grande partie des immigrés marocains en Espagne se dédient à des activités temporaires dans le secteur de l'agriculture. De plus, les immigrés marocains auraient pu opter pour un retour massif au pays, où le coût de la vie est relativement moins cher, si les lois étaient plus souples à ce propos, souligne le rapport. Mais comme les dispositions sur l'immigration interdisent d'abandonner le territoire espagnol au-delà de six mois sur une période d'un an, personne ne s'aventure à mettre en jeu son permis de résidence. Le rapport exhorte les chargés du dossier de l'immigration à revoir la stratégie en matière d'immigration circulaire, à travers la mise en place d'une nouvelle approche, basée sur l'attraction de profils qualifiés. «Il est important que l'Espagne reçoive une nouvelle caste d'immigrants marocains, comme c'est le cas en France ou au Canada, lesquels disposent d'une politique d'attrait d'étudiants universitaires et doctorants». L'Espagne aspire à capter des candidats de haut niveau et «à la carte», tout en leur permettant de rebrousser chemin vers le Maroc s'ils se retrouvent dans une situation de désœuvrement, mais en laissant tout de même la porte ouverte à toute la possibilité de retour au pays d'accueil sans les contraintes légales existant en ce moment. L'investigatrice estime que cette pratique, une fois mise en œuvre, donnera un élan aux relations hispano-marocaines, ajoutant qu'elle bénéficiera davantage à l'image du Maroc en Espagne, associée en ce moment à une catégorie d'immigrants ruraux et analphabètes. «Les immigrés qualifiés sont moins confrontés aux difficultés d'intégration, transmettent une image positive et, de surcroît, sont influents comme leaders d'opinion», estime Carmen Gonzalez. C'est là où le bât blesse, car aux yeux de la chercheuse, l'Espagne n'œuvre pas en mesure d'attirer des profils plus intéressants. Ces derniers préfèrent de loin la France. De ce fait, les Marocains installés en Espagne sont ceux qui disposent du niveau de formation le plus bas parmi les Marocains d'Europe. «Il est difficile de rencontrer en Espagne des entrepreneurs ou des professionnels, ce qui influe négativement sur l'image de cette collectivité en Espagne et, par ricochet, sur l'image du Maroc en Espagne», ajoute l'auteur. Pour pallier à cette carence, l'étude propose au gouvernement espagnol, une fois la crise surmontée, de mettre en place une politique de bourses universitaires dédiées exclusivement aux étudiants marocains afin de les encourager à poursuivre leur parcours universitaire en Espagne, spécialement dans les domaines de la médecine, l'ingénierie et l'infirmerie. La proposition inclut aussi d'élargir l'immigration temporaire, à l'instar de celle pratiquée dans le secteur agricole, au secteur touristique, une fois que l'Espagne récupère son dynamisme économique. Il s'agit, selon l'auteur, d'un dispositif efficace pour l'amélioration des relations bilatérales à travers le volet de l'immigration.