L'analyse de la perception sociale de l'immigration révèle l'existence de stéréotypes et préjugés négatifs à l'égard de l'immigration, spécialement, les marocains, lit-on dans l'ouvrage intitulé «Contra el Islam. La visión deformada del mundo arabe en el Occidente» (Contre l'Islam). La vision déformée du monde arabe en Occident), écrit par la sociologue espagnole Laura Navarro. Cette conclusion est le résultat des travaux de recherche qui se sont étalés sur plusieurs années durant laquelle, la sociologue, qui est également journaliste-chercheur, a pu côtoyer le collectif marocain, visité leurs lieux de résidence au pays d'origine et dirigé plusieurs enquêtes sur le terrain. De même, elle s'est appuyée sur une analyse de contenu des espaces accordés aux immigrés aux programmes, télé-journaux, cinéma et commentaires de la presse écrite d'Espagne. Dans un premier chapitre, elle a détaillé son approche de la connaissance sociologique et politique de l'Islam et du monde arabe afin de faciliter la compréhension par l'opinion publique espagnole des différents conflits et réalités sociales que vit actuellement le monde arabe. Elle a ainsi consacré un large espace à l'imaginaire collectif espagnol à l'égard des arabes et musulmans pour analyser non seulement les facteurs qui l'ont alimenté historiquement, mais également la perception sociale de certains phénomènes contemporains qui le reproduisent et le consolident dans l'actualité, tels les nouveaux mouvements migratoires. Le deuxième chapitre entre de plain-pied dans la déconstruction du discours cinématographique dans l'objectif de découvrir quel type d'images a transmises et continue de transmettre le cinéma et savoir si l'industrie cinématographique espagnole contribue à la construction de la différence ethnique ou si elle produit des stéréotypes à l'égard du «moro» (musulman dans la littérature classique). La perspective s'élargit au troisième chapitre pour analyser également les représentations cinématographiques des arabes et musulmans au ciné d'Hollywood et les éventuelles similitudes et particularités à l'égard des images projetées au cinéma espagnol mais également pour s'intéresser au rôle que jouent les intérêts de l'industrie culturelle dans la reproduction des discours cinématographiques analysés. Le quatrième chapitre a été consacré à l'analyse du discours télévisuel pour voir quelles sont les images médiatiques dominantes à travers lesquelles les télévisions espagnoles informent sur l'Islam et le monde arabe; quel type de traitement reçoivent, à partir des télé-journaux des télévisions hégémoniques, ou, quels sont les phénomènes traités tels les nouveaux mouvements migratoires, l'islam et le monde arabe. A travers une analyse critique des discours télévisés et cinématographiques hégémoniques (ou d'audience nationale), il est possible de reconstruire les facteurs historiques, politiques, économiques et culturels qui conditionnent la production et la persistance de ces images ainsi que les intérêts qui s'y imbriquent. A partir d'une profonde analyse à laquelle sont intervenues plusieurs ressources méthodologiques, l'auteur soutient que ce n'est pas dans l'islam sinon dans les pratiques historiques, politiques et économiques des membres de la société où il faut chercher la clé de leur organisation, de leurs croyances et de leur évolution politique et économique. S'agissant du rejet des arabes et musulmans, spécialement les immigrés, il est important de préciser que ce rejet n'est pas un phénomène isolé mais il est présent dans le reste des pays membres de l'Union Européenne (UE) comme l'avait signalé dans son rapport annuel de 2005 l'Observatoire sur le Racisme et la Xénophobie de l'UE. C'est un panorama qui, évidemment, ne favorise pas l'intégration sociale des immigrés musulmans dans les sociétés européennes. Dans ce contexte, la sociologue retient que les politiques d'intégration espagnoles tendent à reléguer à un second plan la question culturelle et religieuse. «Si nous repassons la politique d'immigration espagnole, nous constatons la mise en pratique d'une politique juridique et sociale qui discrimine les étrangers par rapport aux autochtones, les immigrés par rapport aux étrangers communautaires, les immigrés en situation régulière et les «sans papiers». Comme exemple, la Loi sur les étrangers exige deux ans de résidence légale pour obtenir la nationalité espagnole par les latino-américains, philippins, sépharades et équato-guinéens, alors que pour le reste des immigrés, tels les marocains et ressortissants du monde arabe et musulman, il leur est exigé un minimum de dix ans de résidence légale. A un autre niveau de l'analyse, l'auteur retient que de tous les pays arabes, le Maroc est le plus représenté parmi eux au cinéma espagnol. Elle relève, à ce titre, une dualité. D'une part, il existe un effort généralisé pour offrir une image positive des arabes et musulmans, et de l'autre, la persistance des vieux stéréotypes, hérités du passé et qui continuent d'être présents dans une bonne partie des longs métrages qui traitent de thèmes d'actualité. En ce qui concerne le Maroc, la sociologue déplore le fait que les nouveaux airs démocratiques en Espagne n'ont pas été mis à profit jusqu'à présent pour revoir cinématographiquement le passé des relations hispano-marocaines. Il est évident qu'un effort soit déployé pour présenter une image positive des arabes et musulmans, spécialement en relation avec le traitement réservé aux immigrés maghrébins en Espagne. S'agissant de la perception médiatique du musulman, de l'arabe ou du marocain, particulièrement, l'auteur relève qu'en fonction de la couleur idéologique du gouvernement en Espagne, interviennent en principe des changements dans la perception médiatique de certains événements. Toutefois, il existe certaines constantes dans les représentations mass-médiatiques de «ce qui se passe dans le monde» au-delà des intérêts du parti politique au pouvoir, et, qui répondent à des intérêts globaux, généralement invisibles. Bien que la population immigrante provienne de nombreux pays, dans l'imaginaire social espagnol, cette population est synonyme principalement du collectif marocain, qui est majoritairement musulman et représente l'image de « l'autre » par excellence. Cependant, l'auteur signale l'existence de mécanismes subtils de reproduction du racisme dans le discours télévisé hégémonique sur l'immigration. A ce titre, quatre représentations collectives sont excessivement médiatisées: «avalanche» et «invasion» d'immigrés sur les côtes sud espagnoles, la relation entre immigration et délinquance, l'incidence négative de l'immigration sur le marché du travail et l'Etat du bien-être, enfin, la difficulté d' «intégration» de ces personnes, (spécialement les immigrés musulmans). A travers l'analyse des images d'immigrés, il a été vérifié comment les mas médias construisent une déterminée « réalité de l'immigration ». Ceci devient très évident lorsqu'on compare ces constructions médiatiques avec celles diffusées aux médias des pays du sud. Actuellement, le «nouveau racisme», basé désormais non sur la différence biologique mais bien sur la différence culturelle, répond à un contexte historique déterminé. Concrètement, un ordre international globalisé dont les fondements politiques et économiques se soutiennent grâce aux inégalités d'ordre social entre les différentes catégories d'individus. Enfin, le discours informatif dominant, fondé sur les idées déformantes de l'immigration, contribue également à légitimer les politiques migratoires du gouvernement espagnol. Il s'agit de politiques qui ont pu varier, dans certains aspects, d'un gouvernement à un autre mais qui ont maintenu la même stratégie de fond, caractérisée principalement par des politiques restrictives de contrôle de frontières et limitation de «régularisations massives». Cette stratégie, soutient la sociologue espagnole, est la responsable de ce qu'une partie importante de la population immigrante se maintienne dans une situation d'infériorité en termes de droits, laquelle ne permet pas seulement de l'exploiter de grande facilité mais aussi l'utiliser comme bouc émissaire d'autres maux de la société (tels le chômage, la délinquance ou les carences de l'Etat du bien-être). L'hégémonie de ces perceptions sociales et politiques migratoires cache d'autres formes de penser le phénomène migratoire qui, par conséquent, entrave la volonté de résoudre les défis qui implique. De ce fait, est équivoqué par exemple le contrôle des frontières pour garantir l'Etat du bien-être pour tous mais il est difficile de trouver dans le discours médiatique le débat sur d'autres mesures politiques et économiques qui pourraient le garantir également (tels la diminution de la journée du travail ou la réduction des multiples consommations superflues). La quasi-invisibilité des immigrés comme sources d'information ainsi que la quasi-inexistence de réflexions des mêmes médias sur leurs situations, expériences et problèmes, fait disparaître l'immigré comme sujet sociopolitique, facteur qui contribue beaucoup plus facilement à légitimer la perception de ces personnes comme objet d'intervention sociale au lieu de les considérer comme citoyens de pleins droits. Cette caractéristique, unie à l'utilisation de termes tels «illégal» ou «avalanche» et autres pratiques textuelles, contribuent en fin de compte à déshumaniser les victimes et rendre insensibles les citoyens à leur égard. Ce sont là, deux conditions qui étaient fondamentales dans l'émergence du fascisme classique.