Gai, gai l'écolier, c'est demain les vacances... Qui n'a pas vu les images des bacheliers qui sautaient de joie en découvrant leurs numéros sur les tableaux des résultats. Ils étaient nombreux à crier, à jubiler, à danser... Mais ceux qui ont pleuré ou qui se sont évanouis hors caméra étaient malheureusement beaucoup plus nombreux. Certes, cette année, le taux de réussite a gagné 6 points par rapport à 2010, grimpant à 47,4%. Mais pour être réalistes, il s'agit plus d'un constat d'échec que d'un taux de réussite. L'échec de tout un système, l'échec d'une réforme qui n'arrive pas encore à trouver ses marques, l'échec d'un gouvernement qui s'entête à annoncer des indicateurs «encourageants», sans oser une refonte de fond en comble, par égard à Abbas El Fassi. Celui-là même dont le parti a été à l'origine de l'arabisation et de bien d'autres erreurs, qui ont fait chavirer le système d'éducation, lui faisant perdre ses repères. Pour les 52,6% de bacheliers recalés et pour tout le Maroc de demain, les vacances ont de quoi se transformer en cauchemar. Le futur Premier ministre aura la lourde tâche de s'attaquer en priorité à ce chantier gigantesque en un temps record, un véritable casse-tête chinois, si l'on tient compte des nouveaux défis fixés en termes de développement économique, de croissance et, in fine, de climat des affaires au Maroc. Le pays entame une nouvelle phase de son histoire et a besoin de produire les compétences nécessaires pour atteindre ses objectifs à court et moyen termes. En effet, il ne sert à rien d'attirer des investisseurs ou de créer des emplois si, en face, le système de formation fournit des jeunes déclarés inaptes d'office. Les derniers rapports de la Banque mondiale ou de l'OCDE n'y vont pas avec le dos de la cuillère quand il s'agit de la réforme du système scolaire au Maroc. Et dire qu'il fut un temps où le niveau du bac marocain était l'un des meilleurs au monde et où les grandes universités françaises notamment s'arrachaient nos bacheliers pour en faire une élite politique et économique. Dans sa dernière livraison, l'OCDE dresse un bilan relativement positif des efforts menés par le Maroc en matière d'éducation, citant notamment la division par deux du taux d'analphabétisme en 50 ans ou encore en affichant un taux de scolarité du primaire proche de 100%, mais «les défis restent énormes», soulignent les experts. Le rapport note d'ailleurs qu'«il y a lieu de renforcer les efforts de coordination entre les politiques et les organismes d'éducation, de formation et d'emploi, de développer une offre diversifiée et de qualité, en favorisant les compétences en gestion». Le mot est lâché ! Qui dit compétences en gestion, dit des jeunes cultivés, entrepreneurs, initiés à l'économie et au business, ouverts sur le monde extérieur, novateurs... autrement, dit tout ce que le système publique n'assure pas du tout pour le moment et que le marché de l'emploi demande désespérément. L'environnement économique et social a changé, de nouveaux métiers ont vu le jour et nécessitent désormais des formations pointues... la tâche est tellement lourde qu'il est difficile de se réjouir des 6 points de différence qui ont été réalisés sur le taux de réussite du bac. Et encore, car de ce taux de réussite, il faudra extraire le nombre de bacheliers issus des établissements privés pour avoir un diagnostic fiable de ce que produit réellement le bac public. Là dedans, il faudra comptabiliser les erreurs d'orientation, le manque d'encadrement et d'accompagnement, le manque d'effectifs des enseignants et de leur motivation etc. La liste est longue. Toujours dans le rapport du climat des affaires présenté récemment par l'OCDE à Rabat, la discontinuité linguistique entre les différentes composantes du système d'éducation et de formation a été fortement critiquée. Il est clairement spécifié que cela constitue un facteur objectif de détérioration de la qualité d'apprentissage. Alors que l'enseignement scolaire général est dispensé en langue arabe, l'enseignement professionnel et dans les filières techniques et/ou sélectives de l'enseignement supérieur se fait en langue française. C'est un déphasage que le Maroc paie cher, quand il s'agit de croiser l'offre et la demande sur le marché du travail et qui rend encore plus compliqué le reformatage du capital humain existant, en vue de l'adapter aux exigences des recruteurs ou, encore plus ardu, de former des profils entrepreneuriaux. Donc, bravo à ceux qui ont réussi, good luck à ceux qui ont été recalés et note éliminatoire pour le gouvernement actuel et tous ceux qui, du temps du défunt Meziane Belfkih, n'ont pas osé aller jusqu'au bout et nous ont servi des réformes schizophrènes.