À Dakhla, la pêche clandestine de concombre de mer pour satisfaire une clientèle étrangère conduira inéluctablement à l'effondrement des stocks locaux. L'espèce marine suscite la convoitise des braconniers. Des associations professionnelles et environnementales tirent la sonnette d'alarme : tout l'écosystème marin est en danger ! La baie de Dakhla est en danger ! De l'avis de nombreuses associations locales, une «catastrophe environnementale» serait en train de se préparer sur ce site. Et là, il ne s'agit pas de problème de pollution, ou autres menaces souvent rencontrées. Il est question, en effet, de l'amenuisement «critique» de l'holothurie vivant dans la baie. Cet animal marin, plus communément appelé «concombre de mer» ou encore «bêche de mer» est en effet victime d'un pillage à grande échelle. Très apprécié par les consommateurs asiatiques, on lui prête aussi de nombreuses vertus médicales et aphrodisiaques. Il serait un remède efficace contre le cholestérol, le cancer et l'impuissance. Et c'est ce dernier point, justement, qui en fait un animal très prisé, notamment dans les circuits du marché noir. Tout le milieu marin est menacé Si cette espèce marine est si recherchée, c'est parce qu'elle sert, en effet, d'intrant dans la production du Viagra. Le concombre de mer se retrouve ainsi convoité par les braconniers qui le revendent à prix d'or. Ce qu'il faut savoir, c'est qu'un kilo de concombre de mer brut coûte aujourd'hui 40.000 DH, bien évidemment dans les circuits informels, pour ne pas dire illicites. On peut donc aisément imaginer son prix au bout des différentes étapes d'échange. Victime de son succès, l'espèce est aujourd'hui menacée d'extinction. De nombreux pays en ont interdit la capture d'autant plus que sa disparition porte préjudice à l'équilibre de l'écosystème marin. Au Maroc, aussi, des voix s'élèvent pour dénoncer cette situation. «À cause de l'activité des contrebandiers, une catastrophe environnementale se prépare à Dakhla. De nombreuses espèces sont en danger à cause de la pêche illégale du concombre de mer», déclare Ben Abdelayachi Yahfdou, directeur du centre d'expédition de coquillage à Dakhla. Classée «zone A», c'est-à-dire à l'abri de risque environnemental, la région est pourtant sous une épée de Damoclès, si rien n'est fait d'urgence. «Il y a encore quelques années, on retrouvait ici beaucoup de concombre de mer. Mais depuis quelques années, on assiste à une raréfaction très alarmante de cet animal dont la présence est cruciale pour l'épuration des fonds marins», ajoute Yahfdou. Dans les milieux associatifs, on regrette également de voir le stock de cette espèce marine s'effondrer si vite. «L'engouement suscité pour le concombre de mer provoquera inéluctablement un effondrement des stocks de Dakhla. La situation est de plus en plus critique. Ne rien faire, c'est un crime contre le milieu marin», clame Moulay Hassan Talbi, président de l'association des propriétaires des barques artisanales. Maroc, Mauritanie, Chine Le pillage des bancs de concombres de mer prend des dimensions sans précédent. Le réseau des trafiquants de plus en plus organisés a, selon nos sources, aujourd'hui des ramifications jusqu'en Chine, où l'espèce est très demandée. Pour leur part, les autorités compétentes déploient de gros efforts pour venir à bout du phénomène. Le 14 octobre dernier, elles ont intercepté d'importants stocks d'holothuries pêchés illégalement. Elles ont aussi saisi cinq zodiaques pneumatiques et du matériel de pêche sophistiqué. Preuve que les bandes de braconniers usent de gros moyens dans leur sinistre et juteux trafic. Après la capture, les concombres de mer sont dirigés vers des garages clandestins, au coeur de Dakhla. Ils sont conservés dans de gros bocaux d'eau, puis bouillis et séchés au soleil, avant d'être exportés, notamment vers la Mauritanie où «on» leur délivre des documents de sécurité sanitaire à leur marchandise. Du coup, le concombre de mer pêché illégalement au Maroc se transforme ainsi en produit «pêché légalement» en Mauritanie. La marchandise est ensuite expédiée en Chine pour y être traitée et transformée en produit aphrodisiaque avant d'être exportée en Europe, selon des sources informées à Dakhla. Au département de la pêche maritime, on indique que la pêche de concombre de mer est interdite au Maroc, mais on ignore encore l'ampleur du problème. Pour des sources associatives à Dakhla, aucun suivi n'est assuré de la part du ministère de tutelle. Mais pendant que les différentes parties se rejettent la balle de la responsabilité, les prix de l'animal marin grimpent en flèche à l'export. Au grand bonheur des braconniers de la mer.