Selon Hassan Talbi, président de l'association des propriétaires de barques, la marine royale possède les moyens humains et techniques à même de mettre un terme au phénomène de la pêche informelle. ALM : Quelle est la situation actuelle des sociétés qui pêchent le poulpe? Hassan Talbi : La situation est désastreuse. La crise a touché tout le monde, du marin jusqu'aux propriétaires des unités de congélation. Dans la région de Dakhla, les choses sont beaucoup plus compliquées. Notre association compte plus de 36.000 marins qui se sont tous retrouvés au chômage. Pratiquement tous les chalutiers sont accostés aux quais. Certes, le repos biologique est une nécessité, car effectivement il n'y a plus de poulpe en mer. Sauf peut-être au sud de Dakhla. Mais je persiste à croire que la pêche informelle est la raison de tous nos maux. Comment opère la pêche informelle? En fait, le problème majeur est celui de la pêche informelle et anarchique qui sévit de plus en plus. A Dakhla, nous venons de détruire 1.600 barques illégales. Nous avons souvent dénoncé l'aggravation de la corruption qui permet à ces braconniers de la mer de contourner la loi et porter atteinte à la ressource. Chaque fois que nous dénoncions ces pratiques illégales, personne ne donnait suite à nos cris d'alarme. Maintenant, voyez vous-mêmes où nous sommes arrivés. La ressource halieutique s'amenuise et les pêcheurs souffrent chaque jour davantage. Mais les clandestins, eux, continuent de sévir, profitant des failles juridiques et de la corruption des fonctionnaires. En fait, notre point faible se situe au niveau du contrôle. C'est la seule et unique solution à nos problèmes. Vous savez, le dahir de 1973 réglementant la pêche maritime stipule que toute capture d'une espèce qui ne figure pas l'agrément du pêcheur peut valoir un à six mois d'emprisonnement. Vous vous imaginez ce que la loi réserve à ceux qui pêchent sans agrément du tout. Vous dites que la clé de tous ces problèmes c'est le contrôle efficace. Quel rôle devrait jouer le ministère? Par souci d'objectivité, je tiens à vous assurer que l'accusation du ministère des pêches ne servira absolument à rien. Je ne vous dis pas cela pour défendre le ministère. J'ai été moi-même le premier à fustiger le ministre. Mais ceci-dit, le ministère ne dispose pas du bâton nécessaire à redresser les torts commis dans ce secteur. Pour mettre un terme au dangereux phénomène de la pêche informelle, il faudrait soulever les véritables problèmes. Comme je vous l'ai dit, la solution du problème réside dans le contrôle. A cet effet, la marine royale est la seule à pouvoir jouer ce rôle. Elle dispose de moyens humains et techniques suffisants, comme les radars et les bateaux. D'ailleurs, je tiens à souligner que j'ai envoyé, dans ce sens, une lettre à SAR Moulay Rachid en sa qualité de commandant suprême de la marine royale. Dans cette lettre, où je révèle plusieurs anomalies, je sollicite l'intervention de Son Altesse Royale pour la sauvegarde de la richesse halieutique nationale. Quel type d'anomalies? Elles sont nombreuses. Je vous citerais le cas d'il y a une semaine environ, les agents de la police de Dakhla ont réussi à arrêter dans le fleuve Oued Dahab, deux bateaux contenant pas moins de 2,5 tonnes de poulpe. Cette arrestation a réussi grâce à l'aide des professionnels de la pêche maritime qui ont dénoncé les trafiquants. A la suite de cette opération, neuf personnes ont été déférées devant le parquet. Trois d'entre elles sont toujours en détention. Autre affaire de ce genre, il y a quatre jours à peine. Une autre embarcation clandestine a été appréhendée avec à son bord plus de 100 kg de poulpe. Toutes ces opérations ont été possibles grâce à la bonne volonté des éléments de la police. La marine, quant à elle, ne bouge pas le petit doigt. En attendant la fin du repos biologique, les marins sont-ils payés? C'est impossible. Le Maroc n'a pas les moyens de payer des personnes qui ne travaillent pas. Nous ne sommes pas l'Espagne, où les marins-pêcheurs sont payés pendant les repos biologiques. Même les armateurs de la pêche hauturière au Maroc sont incapables de payer leurs marins, pendant cette période.