La médiation, un métier d'avenir ? Les avis sont partagés sur cette question. En tout cas, les 19 femmes chefs d'entreprise membres de l'AFEM (Association des femmes entrepreneurs du Maroc) ayant récemment obtenu leur accréditation pour exercer cette discipline en sont convaincues. Ces médiatrices ne font pas les choses à moitié puisqu'elles comptent déjà organiser une série d'événements afin de sensibiliser les dirigeants d'entreprise à l'importance de la médiation. Il s'agira également pour elles de mettre en valeur par la même occasion leurs compétences en la matière. Pour Hassan Alami, président du directoire de CEMA, «la médiation ne doit pas faire l'objet d'une profession en soi dans la mesure où les médiateurs n'auront plus de crédibilité. Ils commenceront à chercher les gains financiers et du coup s'éloigneront de l'objectif de la discipline». En matière de débouchés, personne ne peut se prononcer aujourd'hui. En faire donc un métier n'est pas encore forcément «jouable», d'autant plus que chez nous, il faut dire que le recours à la médiation est loin d'être un réflexe pour les entreprises. C'est particulièrement le cas des PME-PMI. Preuve en est, rares sont les structures qui prévoient une clause «médiation» dans leurs contrats commerciaux. Toujours est-il que les chiffres sont jugés prometteurs par les principaux intervenants, à commencer par la SFI, filiale de la Banque mondiale, et la CGEM. Pour certains, ça marche ! Depuis l'intégration des modes alternatifs de résolution des conflits et l'entrée en vigueur de la loi encadrant cette activité en 2007, plus de 600 dossiers ont été résolus au niveau national pour un montant global de 400 millions de dirhams. Rappelons que l'introduction des modes alternatifs a vu le jour grâce à l'initiative de la SFI. Tout un programme avait été mis en place en collaboration avec les ministères de la Justice, des Affaires économiques et générales, de l'Industrie et la CGEM. «Ce programme s'inscrit dans le cadre des missions du comité d'amélioration du climat des affaires», indique Zineb Benkirane, chargée de projet pour la promotion de la médiation et de l'arbitrage à la SFI. Pour Fayçal Mekouar, président de la Commission médiation et arbitrage à la CGEM, «les partenaires interviennent sur plusieurs axes, notamment la sensibilisation, la communication, la formation et le développement des partenariats». Et de préciser : «Au niveau de la communication, les Fédérations et les Chambres de commerce sont les premières à être sensibilisées aux avantages de la médiation». Par ailleurs, le responsable signale que des rencontres de sensibilisation sont également organisées avec les entreprises opérant dans les secteurs de l'informatique, du tourisme et de l'agroalimentaire. Aussi, la CGEM et la SFI, en partenariat avec le secteur public, travaillent sur un projet de loi qui consiste à renvoyer les affaires présentées devant les tribunaux de commerce aux centres de médiation. Le texte en question fixera également les critères qui délimiteront la nature des litiges concernés. Pour l'avocat d'affaires, Amine Hajji, ce projet ne peut aboutir. La raison invoquée en est que «le projet de développement de la médiation au Maroc n'est pas construit sur de solides bases. D'ailleurs, nous ne formons pas des profils qui peuvent faire l'objet d'un très bon médiateur dans le futur, d'autant plus que les tribunaux et les centres de médiation adoptent deux modes de travail différents». Sous un autre angle et pour mieux illustrer l'importance de ce mode de réglement des litiges, il est utile de souligner que la loi a fixé au médiateur une durée maximale de trois mois pour la réalisation de la mission. Le gain de coût est aussi un argument à faire valoir vu que le tarif de l'opération est moins coûteux que la procédure judiciaire. Par ailleurs, le coût de cette procédure se limite aux honoraires du médiateur. Ces derniers varient entre 5.000 et 100.000 dirhams en fonction du montant du litige et de la durée de l'opération. Et la formation ? Côté formation, le Maroc compte actuellement quatre centres spécialisés en médiation et arbitrage. Ils sont situés dans les villes de Casablanca, Rabat, Oujda et Tanger. Aujourd'hui, 100 médiateurs sont accrédités à travers tout le pays. Les candidats exercent généralement dans les professions libérales. «La SFI a accompagné les centres de formation de Tanger et Casablanca pour rendre la formation des médiateurs opérationnelle», avance Zineb Benkirane. «Nous avons aussi tenu à assurer des formations sectorielles, pour les juristes, les experts-comptables, les architectes et les chefs d'entreprise. L'ambition est que chaque ordre professionnel puisse disposer d'un médiateur afin de promouvoir la culture de la médiation et de faire connaître ses bases fondamentales», ajoute-t-elle. Il reste à dire que le nombre de formateurs en médiation -formés par le centre de médiation et d'arbitrage de Paris- n'est pas suffisant pour constituer un grand nombre de médiateurs, surtout que la formation d'un groupe de 20 candidats nécessite trois formateurs au minimum. «Franchement, il est coûteux de faire appel à chaque fois aux centres internationaux pour assurer la formation», déplore Zineb Benkirane. Selon elle, la balle est dans le camp des formateurs marocains. Ces derniers doivent prendre l'initiative de former d'autres formateurs, d'autant que ces derniers connaissent mieux que les étrangers l'environnement des affaires au Maroc et le comportement des dirigeants marocains. Aujourd'hui, la filiale de la Banque mondiale milite pour que les quatre centres de formation soient rattachés aux Chambres de commerce afin d'avoir plus d'influence sur les entreprises marocaines, en vue de développer cette activité. Avis d'expert: Mounia Hassani, Directeur générale de MHP conseil La médiation conventionnelle peut être définie comme le processus extrajudiciaire par lequel deux ou plusieurs personnes conviennent de mettre fin à un différend en faisant appel à un tiers qualifié, indépendant et neutre -le médiateur-, qui aura pour mission de les aider à résoudre ce différend en prenant soin de faciliter, voire de reconstruire le dialogue. La médiation est dite «conventionnelle» lorsqu'elle est demandée directement par les personnes concernées, soit conjointement, soit individuellement. Le recours à la médiation peut également résulter d'une clause de médiation stipulée dans un contrat. La médiation commerciale quant à elle concerne les fréquents litiges commerciaux qui, nés de l'interprétation d'un contrat, de la contestation d'une facture ou de la qualité du produit ou de la prestation fournie, sont d'abord et avant tout traités par la négociation, les acteurs étant bien conscients de la nécessité de conserver une bonne relation commerciale, que celle-ci soit amenée à durer ou non. La médiation commerciale est une intervention effectuée par un professionnel confirmé et indépendant utilisant une méthodologie spécifique et obéissant à un code de déontologie strict, qui permet à deux parties en situation de conflit, lié à des aspects commerciaux, de rétablir une communication suffisamment apaisée et efficace pour être en mesure de trouver elles-mêmes une solution satisfaisante et pérenne à leur désaccord, de façon librement consentie.