À mi-chemin du mandat de l'actuel gouvernement et un an après la mise en œuvre de la réforme de la justice, Mustapha Ramid a présenté le bilan de 2013 hier à Rabat. Le ministre de la Justice est revenu en détail sur l'état d'avancement des 6 objectifs majeurs qui constituent l'ossature de la réforme. Il intervenait en présence d'un chef de gouvernement attentif qui, soit dit en passant, effectuait sa première visite à un département ministériel dans le cadre d'une tournée, tournée entamée avec la Justice. Abdelilah Benkirane a mis l'accent sur l'importance de cette démarche avec cet humour qui lui est propre, prétendant qu'il ne sait pas où se trouvent tous les ministères. Ainsi, Ramid a commencé par mettre en exergue deux éléments phares de l'indépendance du pouvoir judiciaire, d'abord à travers le projet de loi organique ayant trait au Conseil supérieur du pouvoir judiciaire, et ensuite par le biais du nouveau statut des magistrats. Les deux textes ont été adoptés par le Conseil supérieur de la magistrature malgré la résistance des magistrats. En effet, un dialogue direct avait été établi avec les juges pour parvenir à un consensus. En tout cas, le ministre a l'ambition que ces deux textes puissent faire l'objet d'un prochain examen en Conseil des ministres pour qu'ils puissent être programmés durant l'actuelle session parlementaire. Il a surtout espéré dépasser les «micmacs» à ce sujet, affirmant que la situation des magistrats est meilleure que toutes les autres situations et que désormais, la comparaison avec les pays développés peut se faire sans complexe. Et le ministre d'ajouter qu'avec 4.044 juges, le Maroc dépasse pour la première fois le seuil des 4000 juges et se situe dans la norme mondiale avec 12,4 juges pour 100.000 personnes. Concernant le deuxième objectif, à savoir la moralisation du système judiciaire au Maroc, le ministre a souligné que toutes les plaintes émanant des citoyens sont traitées, sans exception aucune. Toutefois, regrette-t-il, «la coopération des citoyens est très limitée pour combattre la corruption. Souvent le plaignant fait marche arrière à la dernière minute». Ainsi, jusqu'ici, 59 juges ont comparu devant le Conseil supérieur de la magistrature dont 16 ont été démis de leur fonction, 17 condamnés à un arrêt temporaire du travail, 11 blâmés et 13 acquittés. Pour ce qui est du recouvrement des dépôts des contribuables chez les notaires, Ramid annonce qu'un décret est déposé chez le SGG pour examen. De manière générale, le recouvrement est le maillon faible du ministère. Le reste à recouvrir, estime le ministre, s'élève à 4 MMDH. À ce sujet, le ministère a jeté son dévolu sur la Cour des comptes pour y voir plus clair. Le troisième objectif porte sur le renforcement de la protection des droits et des libertés. À ce sujet, Ramid a évoqué les aspects nouveaux inclus dans le projet de code de procédures pénales, notamment l'enregistrement des jugements ou encore le recours au bracelet électronique pour baisser le nombre par trop élevé des détentions provisoires. La classification des tribunaux en cases vertes, jaunes, noires, rouges, etc est aussi une action forte pour améliorer leur rendement et la qualité d'accueil. Le ministre a donné l'exemple du tribunal de Nador qui était en bas de l'échelle et qui, après intervention, est remonté à la rubrique jaune. Il s'est fixé, par ailleurs, l'horizon 2020 pour réaliser la pleine numérisation des tribunaux, de sorte à permettre l'harmonisation avec l'objectif global du gouvernement. Or, c'est au niveau des infrastructures que le bât blesse. Des tribunaux de première instance comme ceux de Tanger ou Meknès laissent à désirer. Ramid ira même jusqu'à évoquer le tribunal de première instance de Rabat qu'il a qualifié de bâtiment misérable. Après étude, décision a donc été prise d'élargir les tribunaux existants et d'en créer de nouveaux. La deadline de 2018 a été fixée pour que tous les tribunaux soient dans les normes. Pour y arriver, Ramid explique que le financement sera en partie réalisé grâce à la vente de terrains revenant à son ministère. La carte judiciaire n'est pas en reste : l'on s'attend à ce que cette problématique soit résolue graduellement en remettant de l'ordre dans ce dossier qui cause tant de désagréments aux justiciables. Benkirane soutient Ramid Dans son intervention, le chef de gouvernement a indiqué que la justice est d'abord ressentie par les citoyens avant que des indicateurs et des évaluations d'organismes internationaux n'en témoignent. Benkirane, qui n'a pas tari d'éloge sur la personne de Ramid, a exhorté les responsables du ministère à redoubler d'efforts pour mettre en application les orientations de la réforme. «Si la justice est bonne, il en sera de même pour la sécurité, le tourisme, l'investissement et même les relations conjugales», a-t-il ajouté. La rencontre de lundi sera suivie d'autres réunions du même genre avec d'autres ministres. C'est le temps des bilans, paraît-il, pour le gouvernement Benkirane, à mi-parcours du mandat. Une réforme de la justice budgétivore En 2013, le ministère de la Justice a créé une branche dédiée aux affaires de l'habitat. Ceci en contrôlant de près les dossiers liés aux constructions insalubres. Pour ce qui est des affaires de terrorisme, pas moins de 71 dossiers liés à ce phénomène ont été inscrits l'année dernière avec la poursuite de 117 accusés. Concernant la lutte contre la corruption, le ministère a créé une cellule qui se penche sur la création d'un guide regroupant les dispositions législatives y afférentes. Ainsi durant l'année 2013, les affaires liées à la corruption ont été au nombre de 8.597 avec la poursuite de 8.695 personnes. Quant aux affaires de détournement de deniers publics, 98 d'entre elles ont été enregistrées au niveau des tribunaux nationaux. Globalement, le nombre des affaires instruites dans l'ensemble des tribunaux du royaume a atteint en 2013, 2.469.043 affaires dont 2.465.002 jugées, soit un taux de 99,84%. Ce qui est considéré comme honorable. Quid des centres pénitenciers ? En 2013, le département de Ramid a effectué 1.084 visites pour s'enquérir des conditions d'application des peines. Le ministère a reçu 620 plaintes émanant des prisonniers contre 1.003 en 2012. En tout cas, alors que les ardeurs se sont plus ou moins apaisées, le ministère de la Justice a besoin de moyens pour mener à bien sa politique. La réforme s'avère budgétivore et pour boucler la réhabilitation des tribunaux par exemple, le ministère compte puiser dans son assiette foncière. Selon les informations présentées il n'y a pas longtemps devant les conseillers, 2 MMDH, dont 45% proviennent du budget de l'Etat, ont été consacrés à la rénovation de 8 juridictions de différents degrés. Sachant que le programme est assez ambitieux avec un deadline dans 4 ans maximum, l'effort budgétaire est considérable. La réforme se heurte ainsi au problème des moyens, mais il n'en reste pas moins que le gouvernement est déterminé à boucler sa vision qui plus est fait aujourd'hui l'objet de consensus. À l'heure actuelle, les critères de mobilité des magistrats sont plus clairs, par exemple, que par le passé. Idem pour le recrutement des fonctionnaires et des adouls. Les choses s'améliorent, certes, lentement mais sûrement.