Le torchon brûle entre Azdine El Mountassir Billah, DG de l'ANRT, et Abdelali Benamour, président du Conseil de la concurrence. Ce dernier a enfoncé le clou par la publication de l'étude sur la concurrence dans le marché des télécommunications, en insinuant qu'il y aurait eu entente sur les prix entre les opérateurs télécoms. Une éventualité dont la confirmation est tellement grave que l'Agence s'est lancée, depuis une semaine, dans une campagne de communication auprès de la presse nationale pour descendre les conclusions du rapport du Conseil de la concurrence. Obsolescence des données, absence de preuves matérielles et manque de précision sont les éléments de défense martelés par le régulateur du secteur télécoms pour récuser les conclusions de l'arbitre concurrentiel générique, puisque couvrant l'ensemble des secteurs marchands au niveau national. Il faut dire que si le malaise est arrivé à son paroxysme suite à cette publication, son point de départ en est bien antérieur. Pour Benamour, la régulation des conditions concurrentielles revient au Conseil de la concurrence sur tous les secteurs, sans exception, y compris celui des télécoms, jusque-là régulé par l'ANRT. Ce qui est le cas d'ailleurs dans la majorité des pays retenus dans les benchmarks. Le niet d'El Mountassir Billah ne s'est pas fait attendre. De son côté, il estime que le secteur dont il chapeaute la régulation est tellement complexe, tellement dynamique et mouvant, qu'il doit rester du ressort d'un spécialiste ayant développé une expertise laquelle, selon lui, est impossible à développer ailleurs en temps voulu. Il en veut pour preuve «l'inadéquation des indicateurs» retenus comme base pour l'élaboration de l'étude du Conseil de la concurrence et des conclusions qui en découlent (lire interview). Insistons là que le différend précède la publication du rapport. Il est d'ailleurs remonté à la surface depuis la concrétisation du renforcement des prérogatives du Conseil suite aux directives royales dans ce sens quelque temps après le discours historique du 9 mars. Dès lors, il est évident que le rapport -et les conclusions qu'il tire- est perçu comme une menace directe par l'Agence et son DG. Pourrait-elle perdre son bâton concurrentiel sur les opérateurs ? Pourrait-il être dissout dans le Conseil qui a une vocation transversale et universelle ? Rien n'est moins sûr... Et si l'ANRT faisait jurisprudence en maintenant son statut de régulateur d'un secteur spécifique ? «Ce serait ouvrir la porte à d'autres secteurs qui voudront également sortir du champ d'intervention du Conseil, sans parler des quelques-uns qui ont déjà leur propre autorité de régulation, dégradant ainsi la force du Conseil», insiste Benamour. C'est dire que l'enjeu n'est pas négligeable pour les deux institutions. Contre-attaque Force est d'admettre que la réaction d'El Mountassir Billah a été maîtrisée et subtile. Il ne s'est pas cantonné à récuser les positions du Conseil de la concurrence, étude contradictoire chiffrée à l'appui, il annonce également des mesures supplémentaires à venir qui devraient contribuer à faire baisser encore plus les tarifs des communications et améliorer la couverture et le service, continuant de fait de jouer son rôle de régulateur effectif du secteur. Obligation d'option sur le mode de facturation, partage d'infrastructure et roaming national en sont les plus marquantes. Obliger les opérateurs à proposer au moins une option de facturation à la seconde dans son offre, laissant ainsi le choix du mode de facturation au client. Que le partage d'infrastructure devienne une obligation avec des conditions de prix régulées. Le but est de réduire les coûts des opérateurs pour qu'ils aient encore plus de possibilités de réduire les tarifs envers leurs clients, d'obliger les opérateurs à fournir un roaming national dans des zones définies et pendant des périodes délimitées avec des conditions prédéfinies. La finalité est d'accélérer la couverture des zones hors réseau dans le cadre de la mission de service universel. Par ce projet de modification du projet de loi, El Mountassir Billah revient au «score», mais le bras de fer avec Benamour est loin d'être fini.