Le timing est parfaitement bien choisi alors que la ville sainte d'Al-Qods est sous l'emprise d'une vague de judaïsation sans précédent. La tension est à son comble, sachant que le gouvernement israélien a programmé 15 MMUSD pour sa politique de colonisation. À l'heure où la plupart des pays arabes de la région étaient sollicités par des préoccupations internes, liées surtout au printemps arabe, le Maroc se tourne vers la cause palestinienne à laquelle il est historiquement attaché. Sur invitation du souverain, président du Comité Al-Qods, la 20e session de ce dernier a eu lieu les 17 et 18 janvier à Marrakech, sous la présidence effective du roi Mohammed VI, et en présence du président palestinien Mahmoud Abbas. Fait marquant, le Comité, créé en 1975, qui réunit une quinzaine de pays musulmans ne s'était pas tenu depuis 2002. Notons aussi qu'Israël n'est plus en odeur de sainteté avec l'UE depuis déjà quelques jours. Ce qui constitue, en sus d'autres griefs, un argument fort en faveur de la rencontre de Marrakech. En effet, les directives adoptées par l'UE visent à couper les vannes des subventions pour les instances israéliennes et leurs activités dans Al-Qods ainsi que dans le reste des territoires palestiniens occupés depuis juin 1967. Cette session a été marquée par un vrai changement de ton dans la mesure où le souverain a insisté sur le fait que la protection d'Al-Qods contre les plans de judaïsation ne pouvait se réduire à des slogans creux, et précisé que cette cause était instrumentalisée dans le cadre de surenchères stériles, et le souverain d'ajouter dans son discours inaugural que la position palestinienne ne se renforcerait qu'à travers une sincère réconciliation inter-palestinienne sous la direction de l'autorité nationale. En effet, la question palestinienne peut se résumer par le statut de la ville sainte : «Il ne saurait y avoir de paix sans définition du statut définitif d'Al-Qods-Est en tant que capitale de l'Etat palestinien indépendant», a renchéri le souverain. Les questions liées à la situation interne d'Al-Qods, aux interférences avec le monde extérieur, ainsi que les positions des puissances mondiales, ont été toutes débattues durant ces deux jours à Marrakech. Les ministres des AE des Etats-membres du comité, le SG de l'Organisation de la coopération islamique, Iyad Amin Madani, le DG de l'agence Bayt Mal Al-Qods Acharif, Abdelkebir Alaoui Mdaghri, des observateurs et spécialistes de la question y ont pris part. C'est dire combien cette 20e session représente une étape cruciale dans le processus de lutte contre l'altération du cachet tolérant, cosmopolite, respectant la différence dans la compréhension mutuelle entre les religions monothéistes d'Al-Qods. «Al Qods, à la fois prélude et finalité, est la clé de la paix juste escomptée, réitérant notre attachement à l'option d'une paix équitable qui garantit la liberté, la souveraineté et l'indépendance totale de notre peuple et épargne à notre région les tourments de la violence et de la confrontation pour aller vers les horizons de la paix à laquelle aspirent nos peuples, afin qu'ils vivent dans la sécurité, la quiétude», a réaffirmé Mahmoud Abbas. Qu'en est-il des recommandations du Comité Al-Qods ? Avant d'y arriver, le communiqué final a mis le doigt sur le mal qui gangrène en ce moment les lieux saints. Le comité a rejeté les décisions des autorités d'occupation d'interdire aux fidèles d'accéder à la mosquée Al-Aqsa, tout en permettant aux extrémistes juifs de pénétrer dans son enceinte pour la profaner. Même condamnation de la poursuite des fouilles au sein et autour de la mosquée, l'introduction de toute modification sur la situation qui prévalait dans la mosquée Al-Aqsa avant l'occupation, y compris les tentatives illégales visant sa division, dans le temps et dans l'espace, entre musulmans et juifs, dans le but de s'en emparer et de le considérer comme faisant partie des lieux saints juifs. Le comité a, par ailleurs, confirmé son soutien à la position palestinienne au cours des négociations reprises, depuis juillet 2013, dont les Etats-Unis sont parrains. Surveiller les fouilles Parmi les 36 points figurant dans le communiqué final du Comité Al-Qods, l'on a mis l'accent sur le rôle de l'Unesco dans la préservation de l'héritage de la ville d'Al-Qods, en tant que patrimoine de l'humanité et symbole de la coexistence des cultures et des religions. Ce n'est pas tout. Le comité demande à Israël, autorité occupante, de faciliter la mise en œuvre de la résolution du Comité du patrimoine mondial, qui prévoit l'envoi d'une mission conjointe entre le Centre du patrimoine mondial et les organes consultatifs techniques de l'Unesco, pour contrôler et surveiller les fouilles israéliennes au sein et autour de la vieille ville d'Al-Qods et de ses remparts, considérés comme patrimoine universel en péril. Dans le même ordre d'idée, le comité a déploré la poursuite par Israël de la fermeture des institutions palestiniennes d'Al-Qods, en particulier de la Maison d'Orient. Bayt Mal Al-Qods: Un plan quinquennal de 30 MUSD Parallèlement aux travaux du Comité Al-Qods, l'Agence Bayt Mal Al-Qods a tenu la quatrième session de son comité de tutelle et la deuxième de son Conseil d'administration. Et comme l'a si bien exprimé, Salaheddine Mezouar, ministre des Affaires étrangères, l'événement a permis de mettre en valeur l'action de l'agence dans la mise en œuvre des programmes de développement au profit des Maqdessis. Toutefois, l'instrument opérationnel du Comité manque de ressources financières, comme cela a été relaté durant les travaux de la session. Le comité a lancé un appel pour revoir le principe de contribution des 57 pays de l'Organisation de la coopération islamique (OCI) dont relève le Comité Al-Qods. Il est à signaler que le Maroc participe à hauteur de 80% du budget de l'agence, qui a réalisé 130 projets dans la ville sainte, entre 2008 et 2012, pour un montant de 28 MUSD. Un plan quinquennal 2014-2018, profitera aussi d'un budget qui s'élève à 30 MUSD, encore faut-il que les Etats membres de l'OCI y participent. Fait nouveau, le comité a exhorté les Etats membres à examiner la possibilité de créer un Waqf et passer à des contributions réglementaires avec des taux déterminés par les Etats, en vue de soutenir le budget de l'agence Bayt Mal Al-Qods Acharif et ses projets. Il a appelé à l'organisation de campagnes populaires de collecte de dons au sein des Etats membres, à organiser des visites à Al-Qods et inciter les hommes d'affaires arabes et musulmans à contribuer de manière effective au soutien de la ville occupée. Il s'agit enfin de renforcer le réseautage entre les acteurs de la société civile au sein des Etats membres et les organisations internationales qui défendent la cause d'Al-Qods. Une stratégie d'information devrait être élaborée pour mettre à nu les stratagèmes et exactions israéliennes visant Al-Qods et les informations mensongères véhiculées à son sujet et sur son histoire dans certains milieux médiatiques. Il est temps, estiment les participants à la session de mieux sensibiliser l'opinion publique internationale sur la nécessité de préserver Al Qods en tant que patrimoine universel de l'humanité et comme symbole de paix et de coexistence. par m.b