Avec un sourire infaillible, Momo ou comme nommé sur sa CIN, Mohamed Merhari parle sans complexe de l'absence d'un des festivals phares de Casablanca et du Maroc. Le président de l'association L'Boulevard, qui organise le festival du même nom, ne se prend pas la tête et explique comment il arrive à faire un festival qui a marqué et continue de marquer une génération de jeunes. Interview. Les inspirations ECO : comment avez-vous vécu l'absence du festival l'année dernière ? Momo : Sincèrement, ce n'était pas trop grave que le festival saute une fois. C'est vrai que c'est important, mais ce n'est pas le plus important. Ce qui nous importe le plus, c'est le travail de fond que nous faisons au Boultek par exemple. Nous accompagnons les groupes. Nous leur donnons des formations. Nous mettons à la disposition des musiciens des espaces de répétitions. Il y a des concerts toute l'année. Bien sûr que nous aimons faire ce festival parce qu'il donne de la visibilité à l'association et aux artistes, mais il faut toujours penser à toutes ces choses que nous faisons sans beaucoup communiquer dessus. Nous ne sommes donc pas spécialement affectés de ne pas avoir fait de festival l'année dernière. Concrètement, pourquoi L'Boulevard n'a pas eu lieu l'année dernière ? C'était un peu notre faute. Nous étions tellement occupés avec le Boultek que nous nous y sommes pris un peu trop tard. Il y avait également la crise qui jouait un peu, mais nous assumons aussi notre part de responsabilité dans l'absence de ce festival. Cette année nous avons pris le temps de préparer nos dossiers de sponsoring, nos médias planning, ce sont des choses que nous savons faire, mais qui nécessitent du temps. Nous ne pouvons pas aller voir un sponsor à la dernière minute et demander 1 MDH. Ça ne se passe pas comme ça Quel a été votre argument majeur pour convaincre les sponsors cette année ? Le fait que L'Boulevard dure 10 jours. Il existe également énormément d'arguments en plus de la visibilité des sponsors. Je parle des spots télévisés, des partenariats presse, des affichages dans les stations de tramway, des panneaux publicitaires 4/3. Il faut savoir que c'est un échange de marchandises. Nous leur donnons de la visibilité et ils nous donnent l'argent pour faire notre festival. Et lorsque l'on peut garantir cette visibilité, les sponsors sont au rendez-vous. La programmation de cette année comporte un nombre d'artistes mondialement connus, mais beaucoup moins au Maroc. Comment faites-vous votre programmation artistique ? Nous avons une orientation claire: de la musique actuelle. Notre choix se porte sur l'élector, Dging, Rock Hardrock, qui sont des musiques marginalisées chez nous. La Fusion fait également partie de notre sélection avec une préférence pour les fusions qui comportent de la musique marocaine traditionnelle et une musique universelle. Pour la programmation à proprement dit, nous voyageons beaucoup. Nous avons des partenariats avec beaucoup de festivals qui nous invitent tout le temps et nous sommes à chaque fois étonnés de ne pas voir de festivals marocains faire de même pour leur promotion. À part Mawazine ou Timitar, nous ne rencontrons personne alors que c'est là que nous faisons l'essentiel de notre marché. Nous avons également un programmateur français, qui est l'un des plus importants programmateurs dans la région. Quand il négocie des contrats avec des groupes, il pense toujours à nous. S'il achète des dates à 10.000 euros, il nous achète une date à 5.000 euros. C'est comme cela que nous arrivons à avoir des prix pas chers du tout. Lorsqu'un groupe est programmé au Festival de Casablanca ou à Mawazine à 40.000 ou 60.000 euros, nous arrivons à l'avoir pour 6.000 euros. C'est ce qui fait que le budget du festival n'est pas super gros. Il tourne actuellement autour de 4MDH de budget. C'est le plus petit budget des festivals du Maroc, sachant que la technique toute seule nous coûte à peu près 1,5 MDH, l'aérien dans les 500.000 DH. L'artistique, l'hébergement, et les personnes qui travaillent avec nous en freelance, acceptent rien que pour nous, des cachets dérisoires. C'est un festival qui devrait normalement tourner autour des 10MDH. En sachant que nous ne prenons aucune agence. Nous faisons tout en interne. À part les agences qui travaillent bénévolement comme pour le spot télé ou l'affiche. Justement, pour l'affiche, nous avons ressenti une légère différence avec ce que vous faisiez avant ? Elle est l'œuvre d'un des graphistes et illustrateurs les plus talentueux de ce pays, qui la réalise gratuitement pour nous. Par contre, nous lui donnons la liberté totale pour sa création. Bien sûr, il y a un comité de graphistes qui développe le concept. En fait, nous avons toujours fait des affiches qui ont un rapport avec l'actualité. Au tremplin 2011, vous pouviez voir le 20 février (ndlr: cette année, il y a une allusion à l'affaire Daniel Gates). C'est aussi et surtout une œuvre d'art que chacun peut interpréter à sa guise. Bien entendu, il y a une idée derrière, mais finalement chacun peut l'interpréter comme il veut.