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Au cœur du business des salons
Publié dans Les ECO le 28 - 08 - 2013

Ces dernières années, les salons professionnels prospèrent si bien qu'aujourd'hui, ce secteur génère un chiffre d'affaires tournant autour des 2 MMDH, dont près de 80% sont réalisés à Casablanca. C'est une activité très rentable, donc, qui a le mérite d'accompagner les stratégies sectorielles nationales et d'assurer la promotion et la visibilité tant des opérateurs nationaux que du produit Maroc. C'est aussi un secteur ayant ses propres spécificités et contraintes. Qu'est-ce qu'un salon professionnel? En quoi consiste le rôle d'un organisateur de salon? Pour quelle raison est-ce si intéressant d'y investir? Immersion dans une sphère pas comme les autres...
Niche ou secteur?
«Un salon est une organisation, une qualité, une esthétique, une promotion... il y a une quote-part de rêve dans le salon professionnel, mais aussi une logistique». L'explication donnée par Aziz Alami Gouraftei, directeur général de l'Office des salons et expositions de Casablanca, résume à elle seule le défi de tout organisateur de salons. Il s'agit non seulement de mettre en relation des opérateurs, mais aussi de relever tout le potentiel que peut offrir un secteur donné. Une grande technicité est demandée, mais aussi des moyens importants, des compétences, une logistique, etc. Cette longue liste de critères permet à un professionnel de se targuer d'être «organisateur de salons». Seulement voilà, avec la profusion des salons depuis quelques années, l'activité en séduit plus d'un. Malgré cela, les professionnels de ce métier ne sont pas nombreux, et ils sont aujourd'hui 8% à s'accaparer 70 à 75% du marché, selon les chiffres avancés par l'OFEC. «Nous sommes en fait deux opérateurs et demi «organisateurs de salons professionnel», nuance pour sa part le PDG du groupe IEC Gael Pineau. Il explique que seulement deux opérateurs travaillent sur leurs propres évènements seulement sur le marché, couvrant des secteurs variés; le troisième privilégie la démarche de l'organisation déléguée pour le compte de fédérations professionnelles. «Il y a d'autres opérateurs, qui sont des organisateurs professionnels, mais qui n'organisent qu'un ou deux évènements, et exclusivement dans un secteur donné». Pourtant, la nécessité d'avoir des professionnels multi-secteurs en vue de nourrir le développement d'une activité qui s'apprête à se doter d'une stratégie ambitieuse est bien présente. La preuve en est que le chiffre d'affaires prévisionnel de l'activité devrait atteindre 9 à 10 MMDH d'ici à 2020. Actuellement, on distingue sur le marché ce qui peut être qualifié d'«activité d'appoint», lorsqu'un évènement est «mis en scène» par une fédération sectorielle qui gère l'organisation du salon en interne ou qui fait appel à un gestionnaire délégué (le plus souvent, une agence de communication). Ce schéma est «déconseillé», car «les fédérations n'ont pas la neutralité suffisante pour organiser des évènements de ce genre, étant dans un souci légitime de défendre leur marché», commente Gael Pineau, qui explique que, sous d'autres cieux, de plus en plus d'organisateurs prennent en charge ces missions avec le support moral des fédérations ou associations professionnelles. L'orientation voulue par le secteur des salons au Maroc rejoint cette tendance. En effet, le chantier de l'internationalisation des salons a été récemment mis en branle par le ministère de l'Industrie et du commerce pour assurer une visibilité aux opérateurs, aux produits, aux stratégies sectorielles et au potentiel permis par l'investissement et la colocalisation au Maroc.
Clés de réussite
Parallèlement, dans le quotidien des organisateurs de salons professionnels, beaucoup de contraintes restent à gérer. En première ligne, celle du manque d'espaces d'exposition est spécialement isoulevée par certains. Pourtant, «la tendance mondiale n'est plus spécialement dans les gros évènements mais dans des actions pointues, ciblées», souligne Pineau. Selon cet expert, en effet, le problème n'est pas autant dans la taille et l'esthétique des stands. À trop s'en préoccuper, Pineau estime que de nombreux professionnels ratent leur évènement car ils n'ont pas préparé l'amont et l'aval. «Lorsque les participants budgétisent généralement leur présence aux salons, ils prêtent avant tout attention au prix de la location d'espace et de l'aménagement du stand, alors que ces deux segments ne doivent pas dépasser 20 à 30% du budget total. Les 70% restants devront être investis dans la préparation et le suivi de l'évènement», recommande le professionnel.
Comment évalue-t-on justement la réussite ou l'échec d'un salon? À cette question, plusieurs critères nous ont été avancés par les différents professionnels sondés. La méthode la plus basique reste celle de l'analyse du taux de «rebooking». Un salon professionnel est raté lorsque l'année suivante, les organisateurs n'arrivent pas à commercialiser le concept ou si pendant l'édition en cours, aucune intention de retour n'est formulée. Ce qu'il faut savoir, c'est que dans ce secteur, ce n'est qu'après la troisième édition qu'un salon est jugé «installé». Une première édition sert, dans la pratique de ce métier, à marquer son entrée dans une industrie. Il faut donc se faire un nom et pour cela, soit il faut travailler d'arrache-pied pour ancrer un salon dans un secteur, soit reprendre un évènement connu dans le monde entier (on en licencie le titre et on le développe). Une autre méthode appliquée par les professionnels consiste à laisser les participants et les visiteurs faire office d'ambassadeurs de l'évènement. «On peut s'accorder une première année avec une centaine d'exposants et quelques milliers de visiteurs, et si ceux-ci ont fait de bonnes affaires, ils porteront la bonne parole. L'année suivante, on en aura d'autres, et au bout de la 3e année, on récupère ceux de la 1re et la 2e années», détaille ce professionnel. C'est là qu'intervient l'autre contrainte -qualitative cette fois- pour les organisateurs de salons, celle de l'innovation. Dans ce secteur, la course aux idées et aux concepts est rude. «Chaque fois, il faut y garantir aux participants un meilleur niveau, avec un nouveau programme d'invitation, un nouvel outil de communication, etc», explique Pineau.
Pour quelle rentabilité?
«Certains salons sont très rentables quand il y a suffisamment d'exposants, que la surface est importante, etc. En fait, il y a un rapport du diviseur», répond Naima Ouardane, directrice générale de Forum7, à cette question que d'autres opérateurs ont esquivé. La professionnelle, qui opère exclusivement dans des évènements conjoints avec les représentations sectorielles, explique qu'un évènement d'envergure, en dépit de toutes les dépenses pour donner au salon son ampleur, laisse une marge qualifiée d'«intéressante». Pour d'autres évènements, «nous avons l'obligation de les réussir, même s'ils ils coûtent un peu plus cher que nos marges, ou encore car nous n'en dégageons aucune marge», ajoute Ouardane, selon qui les marges ne sont pas toujours les plus importantes. Du côté d'IEC, un salon n'est vraiment rentable que si nous sommes capables d'intégrer l'ensemble des métiers. L'opérateur est en effet le seul sur le marché à offrir l'ensemble des services liés à l'organisation des salons via des filiales travaillant en synchronisation sur les évènements. De toute façon, estime la directrice générale de Forum7, il est difficile d'anticiper la rentabilité dans ce métier», à la différence d'une agence de communication qui travaille sur la base d'un budget accordé initialement par le client». Parallèlement à la rentabilité au profit des professionnels dans l'organisation des salons, des retombées positives sont aussi constatées auprès des opérateurs de plusieurs secteurs qui vivotent grâce à ces évènements. «Le secteur est très porteur en termes d'emplois et beaucoup de métiers sont en train de fleurir en relation avec cette dynamique (design et conception de stands, logistique de stands, certification, bases de données, organisation de BtoB et de conférences», souligne Aziz Alami Gouraftei. «Beaucoup de métiers se greffent aux évènements comme les hôtesses, le nettoyage, la sécurité, la sonorisation, la presse», ajoute Naima Ouardane. Même les branches de formation sont d'ailleurs appelées à surfer sur cette vague. «On commence à voir naître quelques formations. Le contrat-programme prévu annonce définit plusieurs actions dans ce sens, et pour cause: sur la seule période de montage, certains salons mobilisent 1.000 à 1.500 personnes voire même 2.500 qui travaillent jour et nuit. Il est très créateur d'emplois, et c'est pour cette qu'il mérite une grande attention, notamment en temps de crise», insiste le DG de l'OFEC.
Une stratégie pour commencer...
Un grand ménage de rentrée se prépare dans les salons. En effet, l'activité d'organisateur de salon pose les jalons de sa structuration de sorte à devenir un secteur à part entière. Pour cela, une stratégie est en cours de conception. Déjà, l'étude préalable, financée par le département du Commerce extérieur et élaborée avec l'Office des foires et expositions de Casablanca, a été finalisée. L'idée est de s'interroger sur l'avenir du secteur des foires et salons, son potentiel, les pistes de développement mais aussi sur le modèle de gouvernance adéquat et le positionnement des différentes structures existant sur le marché (OFEC, etc.). À terme, un contrat-programme devrait suivre, ainsi que des aménagements légaux devraient être opérés. L'activité est aujourd'hui très floue, et souvent les rôles s'y mélangent au point que quelques fois, un évènement est estampillé «salon international» sans pour autant remplir toutes les conditions nécessaires. Dans ce sens, un texte de loi est aujourd'hui en préparation au sein du ministère de l'Industrie, du commerce et des nouvelles technologies, et devrait notamment régler la problématique de définition d'un salon international, ainsi que celle de ses critères de base.
Le foncier problématique
D'emblée, l'étude stratégique élaborée confirme le potentiel du Maroc pour devenir un hub régional des salons sectoriels. La situation géographique, le positionnement en tant que hub aérien et logistique, la plateforme industrielle ouverte sur l'Afrique sont autant d'atouts jouant en faveur de l'essor d'une industrie du salon, dans un pays capable d'ouvrir un marché de 1,5 milliard de consommateurs. De plus, «nos stratégies sectorielles permettent d'ouvrir un certain nombre de marchés. Les Accords de libre-échange, souvent critiqués, représentent malgré tout pour nous un terrain à exploiter dans l'avenir», souligne Aziz Alami Gouraftei, directeur général de l'OFEC. Or, même avec ce potentiel national, Casablanca se distingue dans l'étude: elle est en effet la mieux positionnée en tant que plateforme pour accueillir foires et expositions. Pour cela, la métropole devrait d'abord remédier à un problème crucial, celui de l'espace. En effet, «le Maroc a besoin de développer l'espace d'exposition, et Casablanca ne peut continuer à ignorer cette nécessité», lance le DG de l'Office des expositions et des foires de Casablanca. La même source explique qu'à l'horizon 2020, Casablanca devrait avoir besoin de 80.000 m2 d'espaces d'exposition, sachant qu'actuellement, cet espace est réparti entre les 5.000m2 au sein du parc de l'Office des changes et les 20.000m2 de l'OFEC. Où trouver le foncier nécessaire? «Il est regrettable qu'un parc d'exposition n'ait pas été prévu à proximité de Casa finance city, car ce dernier est central», commente Alami Gouraftei. La solution de facilité reviendrait à développer l'aire d'exposition située à la périphérie de Casablanca, mais elle est tout de suite balayée du revers de la main par le DG de l'OFEC. Il met d'abord en avant les conclusions du benchmark à l'international, lesquelles ont prouvé qu'un parc d'exposition installé dans la périphérie échoue systématiquement. Ensuite, le parc en question devrait être construit à proximité des grands hôtels de la ville et intégrer une sorte de connectivité urbaine. «Les hommes d'affaires séjournent d'habitude dans les 4 et 5 étoiles. Ils ont besoin de lieux de shopping et de restauration dans le périmètre de leur séjour. C'est important pour l'activité touristique car un touriste d'affaires dépense 4 à 5 fois plus qu'un touriste normal». Cette donne pousse Aziz Alami Gouraftei à envisager l'élargissement de l'assiette foncière de l'OFEC et «à ce moment-là, nous pourrions développer 40.000m2 dans la périphérie qui seraient dédiés à certains salons et activités sportives indoor». Pour l'heure, ce projet est à l'étude au sein de l'Office, en partenariat avec les autorités de la ville, les différents ministères et la direction des Domaines. L'autre aspect phare de l'étude est lié à l'attractivité des salons. Un intérêt particulier est accordé aux moyens d'élargir l'assiette des entreprises exposantes. Ceci passe d'abord par la sensibilisation des opérateurs à intégrer la démarche d'exposition dans leurs stratégies. Notons qu'aux USA, la quote-part du budget d'exposition dans le budget de communication de l'entreprise dépasse les 8%. En Europe, elle tourne autour des 5% et elle est inférieure à 1% au Maroc. Cela passerait aussi par la mise en place de mécanismes de soutien des entreprises exposantes. «Il est anormal qu'une entreprise faisant le déplacement à l'étranger pour un salon international avec Maroc Export bénéficie d'une prise en charge de 80%, et que cela ne soit pas le cas quand elle est présente à un salon au Maroc pour lequel on fait venir des donneurs d'ordres», lance le DG de l'OFEC. Pour l'heure, des propositions de mécanismes de soutien ont été formulées dans le cadre de la conception de la stratégie. «Elles ne concerneront pas obligatoirement les finances de l'Etat, mais je ne peux en dire plus pour le moment», confie Alami Gouraftei.
Synergies
Tout ceci témoigne de la véritable mue qui devrait marquer cette activité. Une question se pose: qui mènera la barque de la structuration? Le DG de l'OFEC a déjà sa vision des choses: «celui qui tient la programmation, tient le métier», autrement dit, l'offre nationale encourrait un risque si la gestion venait à être confiée à l'international. C'est pour cette raison que l'Office semble s'inscrire sur la liste des prétendants. Brandissant la carte «marocaine», l'Office souhaite se positionner en tant qu'entité gestionnaire de rendement au profit du détenteur de l'actif, «ce qui est encore plus avantageux car cette activité est rentable, et les investisseurs pourront percevoir le retour sur leur investissement», commente le top management de l'Office. Dans le même contexte, la stratégie devrait définir les moyens d'assurer une synergie optimale entre les différents pôles de promotion de l'offre nationale. Il s'agit notamment de l'OFEC et de Maroc Export, puisqu'une forte complémentarité existe entre les deux organismes. Maroc Export peut ainsi devenir un recruteur de donneurs d'ordres pour l'OFEC, de même que celui-ci peut intégrer ces donneurs d'ordres à sa base de données dans le cadre de l'internationalisation des salons. Au bout de la chaîne arrive la question du rôle de l'OFEC. Dans cette dynamique, un rééquilibrage est recommandé au niveau du statut de l'établissement pour simplifier certaines mécanismes et mettre cet arsenal au goût du jour. «Certains réajustements seront opérés incessamment sur les textes législatifs de l'OFEC», annonce déjà le DG de l'office.
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