Le bras de fer entre les pétroliers et la Samir prend une nouvelle dimension. Quelques semaines après que le raffineur de Mohammedia ait officiellement lancé sa filiale dédiée à la distribution, les pétroliers montent au créneau pour dénoncer la légalité de cette société. «La Société de distribution de carburants et combustibles (SDCC), filiale de Samir, ne répond pas aux conditions réglementaires. Avant d'obtenir l'autorisation du ministère, la société doit avoir un minimum de 30 points de vente et justifier d'un dépôt de stockage en propre. Des conditions que la société ne remplit pas aujourd'hui», indique Adil Zyadi, président du Groupement des pétroliers du Maroc (GPM). La filiale de Samir s'en défend : «l'autorisation est délivrée par le ministère de tutelle qui a passé au peigne fin notre dossier. Toutes les conditions requises sont réunies et nous sommes prêts à se conformer aux exigences du ministère », indique Youssef Ouhilal, DG de SDCC. Et d'ajouter : «il faut arrêter de mettre les bâtons dans les roues des nouveaux investisseurs. Le marché est libre et toute initiative qui apporte de la valeur ajoutée en termes de croissance et d'emploi doit être la bienvenue ». En tout cas, la corporation des sociétés de distribution des hydrocarbures ne compte pas lâcher prise. Selon Adil Zyadi, une lettre a été envoyée au ministère de l'Energie et des mines pour rectifier le tir et enjoindre la société à se conformer à aux conditions réglementaires. Cette nouvelle action des pétroliers qui vise la société de distribution de la Samir n'est pas la première... et au vu des intérêts en jeu, elle ne sera pas la dernière. Attaque frontale Depuis que le raffineur de Mohammedia a obtenu l'accord de principe du ministère de l'Energie, des mines, de l'eau et de l'environnement pour opérer dans la distribution, les sociétés de distribution sont sur le qui-vive. L'entrée en jeu de la raffinerie n'est pas vue d'un bon œil par les sociétés de distribution: «avec cette action, Samir se met dans une situation paradoxale. Alors qu'elle est fournisseur des sociétés de distribution, celle-ci se positionne maintenant en concurrent direct par rapport à ses clients. Cela fausse les règles du jeu de la bonne concurrence», déplore un membre du groupement des pétroliers. Samir ne sera pas accueillie à bras ouverts sur le marché. Les deux protagonistes ne sont pas sur la même longueur d'onde sur plusieurs points. La nouvelle bataille est donc de nature à jeter de l'huile sur le feu. Les sociétés de distribution craignent pour leurs parts de marché. Néanmoins, la décision de la raffinerie pose plusieurs interrogations et selon les professionnels, sa mission ne sera pas de tout repos. Mission difficile Aussitôt le feu vert du ministère de tutelle obtenu, la Samir s'est mise en ordre de bataille pour attaquer le marché de la distribution. Son Conseil d'administration a décidé de doter sa filiale SDCC de moyens à la hauteur de ses ambitions. Une augmentation de capital de 150 MDH a été décidée au profit du nouveau «vaisseau de guerre». Son objectif est d'accélérer sa présence dans la distribution en gagnant rapidement des parts de marché. Sauf que la partie n'est pas gagnée d'avance, et le chemin risque d'être long. «Quelle que soit la société qui investit ce marché, cela lui prendra beaucoup de temps pour s'imposer et gagner des parts de marché honorables», indique un professionnel. Ce dernier argue dans ce sens : «en moyenne, une société ne peut pas créer ex nihilo plus de cinq stations par an. Au bas mot, il faut un hectare pour installer une station avec toutes les infrastructures nécessaires et avec la rareté du foncier dans les grandes villes, bonjour la galère», explique-t-il. Toutefois, la stratégie affichée par la SAMIR entend privilégier les petites localités aux grandes villes contournant ainsi la problématique du foncier qui y sévit. Autre point et non des moindres: le financement. On le sait, d'un point de vue pécunier, la Samir n'est pas dans une situation trés confortable, et la distribution est un secteur capitalistique qui nécessite des reins solides. «Il faut au minimum 10 MDH pour monter une station-service car, au-delà de la distribution des hydrocarbures, c'est ce qui va avec qui coûte cher: restaurants, cafés, aires de repos et la concurrence entre les sociétés se fait à ce niveau», explique le professionnel. Cela en dit long sur les embûches qui parsèment le chemin de la raffinerie de Mohammedia. Dans un secteur largement couvert par les sociétés de distribution existantes, Samir doit en effet mettre les bouchées doubles pour s'adjuger une place parmi les leaders du marché. «Le marché est pratiquement saturé. La seule possibilité pour la Samir est d'investir les sorties des villes pour installer ses stations-services, et même cette politique est déjà entamée par les sociétés de la place», indique ce professionnel. Pour ce dernier, commencer à zéro pour grignoter des parts de marché est un pari risqué.