C'est aujourd'hui que la Société de distribution de carburants et combustibles (SDCC) dévoile son concept de stations-services « SAMIR». Un événement à la fois décrié et attendu par le secteur depuis que la Samir a annoncé la création de sa filiale vers la fin de 2011. La réaction des opérateurs du secteur de la distribution ne s'est pas faite attendre. Ils ont même crié à «la concurrence déloyale». «La Samir se met dans une situation paradoxale car elle devient à la fois unique fournisseur national et concurrent des distributeurs qui sont ses clients», déplore Adil Ziadi, président du Groupement des pétroliers. Pour ce dernier, les règles de la concurrence saine sont bafouées. Plus encore, les opérateurs ne comprennent pas les raisons qui ont poussé l'actuel ministre de l'Energie, des mines, de l'eau et de l'environnement à donner son aval à la Samir. Contacté pour connaître sa position par rapport à cette polémique, le ministre de l'Energie, des mines, de l'eau et de l'environnement est resté injoignable. Par contre, le directeur général de la SDCC n'a pas manqué d'exposer ses arguments. «Nous avons présenté notre demande de dérogation «provisoire» appuyée par un business plan solide et d'importantes réalisations, en quelques mois : le démarrage de l'activité lubrifiants SAMIR, une trentaine de projets de création déposés auprès du ministère, plusieurs projets en construction et d'autres en cours d'acquisition», explique-t-il. En clair, le ministère n'avait pas de raison de refuser leur demande. Il ajoute : «l'étude de notre dossier d'investissement a pleinement convaincu l'autorité de tutelle de nous accorder cette dérogation «provisoire», sachant que nous prévoyons de boucler les 30 stations services requises très prochainement». En effet, selon la loi, pour qu'un investisseur puisse opérer dans le secteur de la distribution, il doit avoir au moins 30 stations ou présenter un business plan pour les atteindre dans un horizon de trois ans. Le top management de SDCC affirme que leur annonce de presse destinée aux porteurs de projets de stations a drainé plus d'un millier de demandes de partenariat : «Ce qui montre la confiance qu'ont les investisseurs dans l'enseigne «SAMIR» et leur attente de notre arrivée sur le marché», conclut Youssef Ouhilal. Les opérateurs devant le fait accompli Quoi qu'il en soit, tout le monde est aujourd'hui obligé de s'adapter à cette situation. La Samir lance en grande pompe, son concept de stations services de nouvelle génération «inscrites dans une logique de développement durable et offrant des produits et services de qualité supérieure», avance le management de la SDCC. La filiale de Samir ne s'intéresse pas au seul marché national, elle ambitionne de devenir un acteur important dans le développement des exportations de produits pétroliers marocains sur le marché africain. D'ailleurs, le vrai lancement des activités de la SDCC passera par la commercialisation, dès le 1er juillet 2013, de sa nouvelle gamme de lubrifiants couvrant les huiles moteurs, les huiles industrielles et les graisses. Selon le management de SDCC, l'unité de production de ces huiles finies est l'unique site de production au Maroc totalement intégré à la chaîne de production des huiles de base SAMIR. Cette unité d'une capacité annuelle de 50.000 tm/an est un atout considérable pour le développement des ventes aussi bien sur le marché local qu'à l'export. En ce qui concerne les stations-services, leur mise en exploitation se fera plus tard avec comme deadline décembre 2013. Il faut bien reconnaître à la Samir le courage d'investir dans un secteur où la concurrence bat déjà son plein et, qui plus est, affiche une ambition énorme. «Nous cherchons à être parmi le top 5 à l'horizon 2017 et dans le top 3 à l'horizon 2020», affirme Youssef Ouhilal, directeur général de la SDCC. Pour y arriver, SDCC a mis en place un plan d'investissement de base estimé à 600 MDH pour la période 2013-2017. Face à de tels objectifs, l'ordre établi du secteur pourra sans nul doute être chamboulé ! Un avis que ne partage pas le président du Groupement des pétroliers du Maroc : «Je ne pense pas qu'il y aura un chamboulement. Notre secteur demande beaucoup d'investissement et de professionnalisme pour y survivre», avance Adil Ziadi. La guerre des réseaux ! Autrement dit, une vingtaine de stations-services ne pourront pas menacer des opérateurs qui en comptent des centaines et qui continuent à étoffer leur réseau car l'arme la plus redoutable dans le secteur de la distribution est bien évidemment la taille du réseau et à ce niveau, c'est une véritable course qui est lancée entre les opérateurs, ceci bien avant l'arrivée de la Samir et sa filiale. En janvier 2013, le Maroc compte, selon les chiffres du ministère de l'Energie, des mines, de l'eau et de l'environnement un réseau de 2.370 stations-services, tous opérateurs confondus. Soit 24 stations-services en plus par rapport à fin 2011 où l'on comptait 2.346 stations au total. Les opérateurs ont donc multiplié les ouvertures en 2012 et ils ne comptent pas s'arrêter à ce niveau. Chaque opérateur dispose d'un plan d'investissement ambitieux. À commencer par Afriquia, dont le programme prévoit l'ouverture de 10 à 15 stations pas an. Le leader, dont le réseau compte plus de 460 stations, investit annuellement «400 MDH dans le renforcement du réseau, des capacités de stockage et de logistique», avance-t-on auprès d'Afriquia. Le challenger d'Afriquia qui n'est autre que Vivo Energy dispose également d'une stratégie bien ficelée pour grignoter plus de parts de marché. D'ailleurs, l'opérateur qui a repris Shell en 2011 assure la continuité de la présence de Shell au Maroc depuis plus de 90 ans. «Nos investisseurs et nous-mêmes croyons en l'avenir économique du Maroc et notre stratégie est de poursuivre nos efforts d'investissements importants», explique Mohammed Raihani, pdg de Vivo Energy Maroc, et de poursuivre, «en 2012, nous avons investi 180 MDH. De nombreux autres investissements sont en cours, notamment en matière de développement de réseaux». Le top management de Vivo Energy affirme que ses équipes travaillent d'arrache-pied à la recherche d'opportunités de croissance. En 2012, ce sont 9 nouvelles stations qui ont été ouvertes en plus de la rénovation de 6 autres. «Au cours de ces six premiers mois de 2013, nous avons ouvert 6 stations sans compter plusieurs autres ouvertures prévues d'ici la fin de l'année», confie Raihani, dont la société a bouclé l'année 2012 avec un chiffre d'affaires de 11,2 MMDH. Selon les chiffres du ministère de l'Energie, des mines, de l'eau et de l'environnement,Vivo Energy dispose actuellement de quelques 411 points de ventes. Le dernier du top trois du secteur, Total Maroc, quant à lui cache pour l'heure son jeu. Contacté pas nos soins pour connaître son avis sur la situation du secteur et avoir une idée sur sa stratégie actuelle, il a préféré garder le silence, en affirmant «qu'une annonce importante sera révélée la semaine prochaine». À l'heure où nous mettions sous presse, aucune information ne filtrait sur le nouveau programme que compte lancer l'opérateur. La Compagnie marocaines des hydrocarbures (CMH), de son côté prône la discrétion. L'opérateur prépare dans l'ombre son offensive. Il s'agit d'une stratégie qui comprend un vaste programme de création de 30 nouvelles stations-services, étalée sur trois ans. À l'occasion, elle changera de nom et d'identité visuelle. D'ailleurs, elle a déjà commencé dans ce sens. Une station pilote qui se trouve à Rabat a déjà été habillée avec la nouvelle identité. Il semblerait que le nouveau nom soit «Marocaine des hydrocarbure», selon un support de la place. Sur un autre registre, CMH compte construire à Sidi Moussa Ben Ali et Ain Sebaâ, un centre emplisseur de gaz de pétrole liquéfié (GPL). L'opérateur table sur une enveloppe d'investissement de 180 MDH Autant d'ouvertures prévues et de plans d'investissements déployés par les opérateurs déjà installés sur le marché nous poussent à penser que celui-ci est pratiquement saturé. Où la filiale de la Samir trouvera-t-elle ces emplacements face à des concurrents rodés à cet exercice ? «Notre réseau sera déployé sur tout le territoire national, avec un intérêt particulier porté aux zones rurales desservies dans une logique de développement régional», poursuit-on auprès de la SDCC. Youssef Ouhilal Directeur général de la Société de distribution carburants et combustibles (SDCC). «SDCC mise sur les zones rurales» Les ECO : La Samir met enfin le pied dans la distribution. Pourquoi avoir pris cette décision? Youssef Ouhilal : La Samir a toujours été présente dans le secteur aval à travers sa participation à différentes sociétés (gaz, stockage, transport et distribution). La SDCC est pour la SAMIR un relais de croissance stratégique. Elle répond à une logique d'intégration verticale visant à se rapprocher davantage du consommateur final, qui reste à la recherche de produits et services innovants, de qualité supérieure. Cette vision s'applique aussi bien au marché local qu'au marché africain, qui constitue pour nous un marché prometteur. Vous avancez que les stations de la SDCC auront un concept novateur. Pourrait-on avoir plus de précision à ce sujet ? Les nouvelles stations-services «Samir» offrent des produits et services de qualité supérieure, des stations nouvelle génération inscrites dans une logique de développement durable. Ce sont les premières stations à la conception et la réalisation sont 100% marocaines. En plus de l'architecture et du design modernes, ces stations offrent des produits de qualité supérieure issus directement de la raffinerie Samir de Mohammedia. Elles sont respectueuses de l'environnement grâce à la généralisation des citernes double paroi, protégeant la nappe phréatique de toute contamination. Enfin, ce seront des stations citoyennes intégrées localement avec une portée et une vision de développement local. À travers ces stations, la culture de solidarité de la Samir sera déployée sur tout le territoire national, par le biais d'actions de développement local. Avec combien de stations démarrerez-vous votre activité? En 2013, nous comptons démarrer notre activité avec une vingtaine de stations-services réparties sur le territoire national, avec un intérêt particulier pour les zones rurales desservies dans une logique de développement régional. Nous comptons démarrer l'activité de distribution réseau et B2B carburants et combustibles avant fin 2013. Quel nombre de stations prévoyez-vous d'atteindre dans votre plan de développement? Nous avons des projets propres et d'autres développés avec des tiers dans une logique Win Win. Tous les moyens nécessaires à la réalisation de nos projets d'investissement sont assurés par l'actionnaire unique de la SDCC. Ce dernier a procédé à l'augmentation de capital de 10 à 150 MDH et, bien évidemment, les banques sont prêtes à nous accompagner dans cet ambitieux projet. La bataille gagne aussi le terrain de la qualité ! La taille du réseau n'est pas le seul élément suscitant la concurrence entre les opérateurs: la bataille de la qualité est également engagée de part et d'autre. Tous les opérateurs cherchent à mettre en avant la qualité des carburants qu'ils proposent. Le processus qualitatif intègre en réalité un volet qui dépasse la seule volonté des entreprises. Tous les opérateurs doivent se conformer à des exigences réglementaires. En effet, la réglementation marocaine impose aux importateurs d'hydrocarbures la certification des produits avant le déchargement au niveau des ports. Cette réglementation est transformée en atout par les opérateurs. Total, à titre d'exemple, s'est fortement impliqué à ce niveau, obtenant en décembre 2012 la certification ISO 9001 : 2008 de son système de management de la qualité de ses carburants. L'opérateur se targue d'être le premier distributeur pétrolier au Maroc à se voir attribuer une telle distinction. Afriquia SDMC n'est pas en reste: cette dernière a mis en avant la qualité de ses produits lors d'une conférence de presse. La filiale du groupe Akwa a vanté son dispositif de contrôle de la qualité tout au long du processus, de l'approvisionnement dans les pays d'importation au ravitaillement des stations-services. Salub, autre filiale du groupe Akwa, affirme que toutes ses analyses sont réalisées selon la norme américaine ASTM et la norme française AFNOR.