Le silence quasi religieux qui règne souvent à la galerie Bab Rouah à Rabat est entrecoupé depuis vendredi dernier. Des photographies inédites y sont installées. Sting, BB King, Carlos Santana, Elton John, Myriam Fares, Mika... sont tous présents dans cet endroit mythique via les clichés de Fouad Maâzouz. On s'y promène entre des noirs et des blancs comme dans un film des années 1940. On ne s'attendait pas, de la part de ce jeune artiste pas du tout médiatisé, à des œuvres qui cultivent à ce point le plaisir de la vue. Il faut dire que ses photographies se regardent longuement, de près et de loin. Sollicité par l'association Maroc Cultures l'année dernière, Maâzouz a sillonné les neuf scènes mises en place en 2010 à l'occasion de la 9e édition de Mawazine, prenant des photos de la plupart des stars conviées à cette grand-messe artistique. Mais pourquoi le choix esthétique du noir et blanc ? Fouad répond très vite : «J'ai senti une nostalgie de l'école classique de la photographie qui est le reportage en noir et blanc. Je voulais m'éloigner de toute manipulation machinale et surtout de mise en scène ou influence de couleurs... Je me suis concentré alors sur la composition et la lumière. Mes deux outils essentiels étaient la lumière et les formes dessinées par cette dernière». L'exposition de Fouad Maâzouz, aussi bien choisie qu'accrochée, vient donc enrichir la programmation de cette dixième édition de Mawazine. Elle prouve, selon Maroc Cultures, que ce festival n'est pas seulement de la musique. Pourtant, on sent la présence des rythmes dans la totalité des photographies exposées. «Photographier veut dire écrire avec la lumière. La musique veut dire aussi écrire avec des notes. Les deux sont alors une sorte d'écriture artistique qui nourrit l'âme et le regard », nous explique le jeune artiste. Une démarche... artistique Maâzouz, qui affirme ne pas se baser sur des critères bien précis pour sélectionner les photographies actuellement exposées, a adopté une démarche artistique simple. Chaque soir, il se rendait aux différentes scènes du festival pour prendre en photo les artistes participants. «Ce n'est pas facile parce que durant les shootings, il fallait choisir soit de prendre les photos, soit d'écouter la musique», précise-t-il. Ce n'est pas tout, Maâzouz a fait appel à son instinct pour réussir à merveille cette tâche. Selon lui, l'émotion était très présente lors des shootings vu la qualité des artistes invités l'année dernière. Cette exposition dont le vernissage a eu lieu le 20 mai se veut une consécration pour ce jeune Casablancais qui expose depuis 2001 dans les différentes galeries européennes et américaines. Mieux, son travail est récompensé par de nombreux prix à travers le monde. Artiste permanent de la galerie parisienne Photos 4, ses œuvres ont été exposées dans des villes comme Paris, New York, Berlin, Barcelone, Bamako, Alexandrie, Santiago, Rome, Bruxelles, Casablanca... Un parcours passionnant d'un jeune artiste qui prouve que la photographie est en train de devenir un art à part entière au Maroc. «Je pense que la photographie a dépassé son stade exotique», affirme Maâzouz. Il faut dire que bon nombre de photographes marocains ont réussi, grâce notamment à leur talent, à «arracher» la confiance des galeristes européens et américains. «Vous savez, j'ai été invité il y a quelques semaines au Chili dans le cadre d'une rencontre maroco-chilienne. Je n'étais pas le seul puisque d'autres photographes faisant partie de l'AMAP (ndlr : Association marocaine d'art photographique) ont également été conviés à cette rencontre marquée par l'organisation de deux expositions à Coquimbo et Santiago en plus de débats sur la photographie au Maroc. Cela prouve que cet art est en train de gagner du terrain», souligne Maâzouz. En tout cas, l'exposition présentée jusqu'au 20 juin à la galerie Bab Rouah aura une longue vie et ne manquera pas de marquer les esprits. En effet, elle sera présentée dans d'autres galeries au Maroc et à l'étranger. Les ténors pris en photo par Maâzouz sont éternels !