Sept ans après le lancement du projet de télévision numérique terrestre (TNT), le chantier semble avancer à pas de tortue. Depuis l'ouverture de ce chantier en 2006, suite à la signature d'une convention avec l'Union internationale des télécommunications, le royaume a quasiment fait du surplace : seuls 5% des Marocains disposent aujourd'hui d'un récepteur numérique. Or, selon les termes de la convention, le royaume est engagé à switcher de la diffusion analogique à l'ère du numérique avant le 17 juin 2015, soit dans un délai de deux ans pour équiper tous foyers numériques. Une mission possible ? «Le projet a certes pris du retard parce qu'il n'y a avait pas de projet intégré, pas de cadre institutionnel et aucune visibilité financière, mais depuis mars dernier, suite à une réunion entre le ministère de tutelle et le département de l'Industrie, du commerce et des nouvelles technologies, nous avons décidé de réactiver le projet afin d'accélérer la cadence pour être dans les délais», explique-t-on auprès du département de Mustapha El Khalfi. Ce dernier a décidé de prendre les choses en main pour rattraper le temps perdu. Le département de la Communication vient en effet de finaliser un Plan national de la télévision numérique que le gouvernement devrait approuver le 17 juin prochain. Après quoi, une véritable course contre la montre sera lancée. Compte à rebours Selon le ministère de la Communication, un fonds dédié au projet de la TNT est dans le pipe. Il fera sans doute partie des ressources allouées au ministère dans le cadre du projet de la loi de finances 2014. Sa mission : assurer le financement des projets de transition vers le numérique. Le spectre de son intervention s'étendra à plusieurs volets : soutien aux prestataires de services afin d'améliorer la qualité de la diffusion, lancement de campagnes de sensibilisation et de promotion, financement pour l'acquisition de récepteurs au profit des familles à revenus limités. En outre, il faudra relever le défi du sous-équipement car si aujourd'hui, le territoire national est couvert par le bouquet des chaînes numériques à hauteur de 81%, l'on reste loin du compte en matière de réception. Du coup, près de 5 millions de familles devront être équipées d'ici 2015 de convertisseurs permettant de décrypter l'image numérique pour les anciens modèles de téléviseurs analogiques. Un appel d'offres international concernant ces convertisseurs sera lancé prochainement. Coût global de l'opération ? «D'après les estimations préliminaires, il devrait atteindre 1 MMDH au cas où le coût d'acquisition des récepteurs serait de 200 DH, mais nous travaillons actuellement pour réduire ce coût de moitié à travers la production locale des récepteurs», indique-t-on auprès du ministère de tutelle. La bonne nouvelle est qu'à terme, l'instrument de financement de ce projet sera alimenté par une partie des revenus de cession des fréquences analogiques aux opérateurs télécoms. Ces fréquences leur seront d'une grande aide dans le lancement de la 4G. À quelque chose malheur est bon... Défis majeurs Avant d'en arriver là, il reste du chemin à faire et surtout des défis de taille à relever. Selon le ministère de tutelle, il y a urgence sur quatre fronts. Primo, préserver la souveraineté du royaume. En clair, la TNT permettra de rompre avec la dépendance vis-à-vis des émetteurs par satellites et éviter les tracasseries qui en résultent. Le vent du «printemps arabe» a montré comment le contrôle des satellites peut être une arme politique (parasiter ou interdire des chaînes). Deuxièmement, réduire les coûts de la diffusion. Actuellement, avec l'émission terrestre, chaque chaîne doit disposer de sa propre fréquence. Une contrainte qui disparaîtra avec le passage au numérique qui donne la possibilité de regrouper plusieurs chaînes dans un même bouquet et sur une même fréquence. Tertio, l'accompagnement du développement technologique en relation avec les sociétés de production car aujourd'hui c'est la diffusion numérique qui détermine le modèle économique des chaînes. Quarto, enfin et c'est là l'épée de Damoclès qui se trouve au-dessus du royaume, le respect des engagements internationaux. Selon la convention signée avec l'Union internationale des télécommunications en 2006, le Maroc est tenu de passer au numérique avant la date butoir du 17 juin 2015. Autrement, il serait en porte-à-faux vis-à-vis de ses partenaires. Q/R Mustapha El Khalfi Ministre de la Communication Les ECO : À combien estimez-vous le coût du projet de la transition vers la TNT ? Mustapha El Khalfi : La transition vers la Télévision numérique terrestre (TNT) constitue un projet stratégique pour notre pays. Ce projet nécessite la mobilisation de ressources financières importantes. Ainsi, dans le cadre du projet de la loi de finances 2014, un fonds spécial sera prévu afin de financer ce projet. Le spectre de l'intervention de ce fonds devra englober le soutien aux prestataires de services afin d'améliorer la qualité de la diffusion, le lancement de campagnes de sensibilisation et de promotion ainsi que le financement pour l'acquisition des récepteurs au profit des familles à revenus limités. D'après des estimations préliminaires, le coût global de l'opération devrait atteindre 1 MMDH avec des récepteurs à 200 DH. Néanmoins, en assurant une production locale des récepteurs, ce coût pourrait être réduit de moitié. Pensez-vous que les citoyens prendront la peine d'acquérir les récepteurs de la TNT alors que nos chaînes nationales connaissent des taux d'audience très faibles ? D'abord, il faut savoir que la transition vers la TNT recèle des défis majeurs pour notre pays. De plus, l'échec de ce projet se traduira automatiquement par une détérioration encore plus importante des taux d'audience, en raison notamment de la concurrence acharnée. Du coup, la transition vers la TNT est une opportunité pour la promotion de la qualité et des services des médias publics. Quel est le rôle de la SNRT dans ce processus ? Le pôle public constitue un partenaire stratégique dans ce projet. Les promesses faites par la présidence du pôle public dans le cadre de cettetransition ont été, en partie, tenues. Le problème, c'est qu'avant il n'y avait pas de projet intégré, pas de cadre institutionnel et aucune visibilité financière. Pour rattraper le retard, la présidence, les ingénieurs de la SNRT ainsi que les responsables de l'ANRT et les membres de la Commission de la TNT ont effectué un travail considérable . Aussi, il faut noter que ce projet se fait en concertation avec la HACA qui a des prérogatives exclusives en tant qu'institution constitutionnelle, notamment en matière d'examen et d'octroi de licences. D'ailleurs, nous avons soumis une copie de ce projet à cette institution pour avis et nous attendons sa réponse.