Le secteur de la sidérurgie vit actuellement un tournant décisif sur fond d'accroissement qualifié de brutal et massif des importations de fil machine et de fer à béton. Le département du commerce extérieur a récemment diligenté une enquête portant sur la période de janvier à septembre 2012 en comparaison avec la même période en 2011. Toutefois, avant de prendre une quelconque décision de sauvegarde ou de défense commerciale, il a organisé hier une audition publique à laquelle ont pris part importateurs, exportateurs et producteurs locaux, dont Sonasid en tant que principal acteur sidérurgique au Maroc. Il fallait écouter les différents points de vue pour savoir si effectivement il y avait une importation massive ou non, ainsi que son impact sur l'industrie locale. Néanmoins et avant d'entrer dans le vif du sujet, il est nécessaire de planter le décor avec quelques chiffres et faits. Tout d'abord, il est à noter que le principal exportateur de fil machine et de fer à béton se trouve en Espagne. Le voisin ibérique dispose ainsi d'une capacité de production de 6 millions de tonnes, alors qu'il n'en consomme désormais qu'un million. Ceci sachant que la capacité du marché marocain est d'1,5 million de tonnes. Selon certains chiffres mis en avant par les importateurs, les importations ne représentent que 9% à 10% du marché local. Les importations de fer à béton, quant à elles, ont plus que doublé entre 2011 et 2012 et risquent de tripler à la fin de l'année en cours. Ceci étant, les trois importateurs ayant pris part à l'audition accusent Sonasid d'avoir, à un moment ou un autre, bloqué leurs commandes, les acculant à se tourner vers le fournisseur étranger. Plus encore, on reproche à Sonasid, seul producteur local, d'avoir diminué voire interrompu la production en 2011. Résultat, le recours massif à l'importation s'est imposé aux transformateurs afin d'honorer leurs engagements vis-à-vis de leurs clients. Le ton serein mais qui ne cache pas moins une grande inquiétude, d'Ayoub Azami, dg de Sonasid, sans démentir ces allégations, parle de perturbations que le marché a subies à cause des importations massives. Pour lui, la production ou la rupture sont aussi conditionnées par ces dérèglements et empêchent d'avoir de la visibilité par rapport aux besoins réels du marché. Les représentants d'Eurofer, qui regroupe les sidérurgistes européens et dont le QG est à Bruxelles, estiment que l'imposition est non justifiée dans la mesure où le trend de l'importation n'est pas structurel. Eurofer qui vit une crise sans précédent défend naturellement le droit d'accéder à des marchés non encore saturés comme en Europe. Face à cet appétit de reprise à l'étranger, l'industrie locale est également dans son droit de craindre le pire. Or, selon Adil Khayam, de l'Association des professionnels de l'acier, l'intérêt national doit être aussi considéré à l'aune des besoins du consommateur final et pas uniquement par le prisme de l'industrie. Rappelons qu'il n'y a pas longtemps, une trentaine d'importateurs de ronds à béton et de fil machine ont saisi le ministre de l'Industrie, du commerce et des nouvelles technologies, Abdelkader Aâmara, dénonçant la «surtaxation de leurs importations». Ils ont estimé exagérée la taxe de 420 DH sur la tonne importée. Le dg de Sonasid rétorque qu'avant 2008, il n'y a jamais eu de rupture ni d'indisponibilité. Ce qui conforte l'idée d'un phénomène brutal et imprévu, deux critères qui peuvent justifier le recours à une mesure de sauvegarde. En effet, entre 2008 et 2009, il n'y a pas eu d'importations significatives. Plus encore, entre 2009 et 2010, les prix locaux étaient moins chers qu'à l'international. En attendant l'issue de l'audition, chacun campe sur ses positions. Au ministère de trancher, ce qui n'est pas toujours une mince affaire dans la mesure où il y aura toujours un gagnant et un perdant...