Antonio Maceda, Président-directeur général de l'Université internationale de Casablanca Les ECO : De plus en plus d'établissements privés émergent. Comment appréhendez-vous l'évolution du secteur de l'enseignement privé ? Antonio Maceda : L'appui sur le secteur privé pour combler le déficit en matière d'enseignement supérieur est aujourd'hui une évidence. Tous les pays qui sont passés par le même processus de développement que celui du Maroc ont opté pour cette solution. L'importante évolution démographique que connaît le Maroc fait que toute une génération arrive au stade du post-bac et est demandeuse d'un enseignement supérieur de qualité. D'un autre côté, le développement économique et social demande une certaine qualification en matière d'enseignement supérieur. Face à tout cela, l'Etat n'a pas toujours les moyens de financer un système d'enseignement public gratuit et qualifié. Doit-on donc se diriger vers un système d'enseignement supérieur 100% privé ? Non, il est indispensable de maintenir le système d'enseignement public gratuit. Il doit toujours exister, mais il peut être accompagné par un système privé solide, fiable et de qualité qui contribue à réduire le besoin. L'enseignement privé actuel remplit-il justement ce rôle avec efficacité et qualité ? Le Maroc a pris un peu de temps pour établir les règles qui régissent le secteur. Je parle des critères et des exigences nécessaires pour avoir un niveau minimum de qualité qui garantisse l'accréditation et la reconnaissance des diplômes. C'est le seul point qui est arrivé un peu en retard, mais cela a permis, une fois instauré, d'enclencher un phénomène d'évolution dans le secteur privé. Il y a des établissements qui sont arrivés à atteindre les standards demandés et d'autres qui vont peut-être disparaître. C'est l'évolution normale de tout secteur. L'enseignement privé n'est pas une exception. Pour vous dire, le réseau Laureate avait le Maroc dans le collimateur depuis longtemps. L'absence de la condition d'accréditation bloquait, plus ou moins, la décision de créer l'université. Pour notre réseau, l'accréditation de nos diplômes par le ministère de tutelle est importante. C'est seulement quand le Maroc a décidé d'établir un système d'accréditation avec une reconnaissance des diplômes que nous sommes venus. Selon vous, le Maroc a atteint quelle phase dans ce processus d'évolution ? Nous en sommes encore à la première étape. C'est tout à fait normal. La construction d'un bon système d'enseignement privé peut prendre jusqu'à une décennie et même plus. Ça ne se fait pas du jour au lendemain ! L'un des problèmes de l'enseignement supérieur marocain est l'inadéquation entre les formations et le besoin du marché. Comment vous choisissez les filières à proposer ? Il suffit de tendre l'oreille vers les professionnels et de rester en contact avec eux. Identifier les différents domaines et les tendances en matière d'emploi surtout celles qui n'existent pas encore au Maroc, fait justement partie de nos missions. D'autant plus que, nous concernant, nous avons la référence de ce qui se passe dans d'autres pays qui sont peut-être un peu plus avancés que le Maroc. Il faut être attentif aux tendances incontournables dans l'évolution d'un pays. Si vous prenez par exemple, le système de santé. Plus le pays se développe, plus son système de santé évolue. Par conséquent, toutes les filières de la santé, que ce soit le médical ou le paramédical sont des filières émergentes où le besoin ne peut qu'être important dans les années à venir. Par ailleurs, le Maroc s'est doté de stratégies nationales dans plusieurs domaines qui évoquent toujours le volet emploi et affichent un besoin en formation. Par contre, le véritable enjeu n'est pas de lancer une filière, mais de la maintenir à jour et de l'adapter aux changements qui peuvent s'opérer ! La concurrence se multiplie, comment la gérez-vous ? C'est une émulation positive quel que soit le secteur d'activité. Dans l'enseignement supérieur privé, il y a une logique d'excellence qui régit le secteur. Cette excellence peut comprendre plusieurs formes. Il peut s'agir d'excellence académique, d'excellence opérationnelle, d'une excellence dans la recherche, dans l'employabilité des lauréats. Il y a plusieurs indicateurs qui permettent d'installer des points de différenciation entre les établissements qui se font concurrence et stimulent par conséquent une amélioration. Vouloir se construire, se dépasser et arriver à une excellence reconnue dans un domaine ou dans un autre fait partie de la culture du secteur. De notre côté, nous voulons être reconnus pour l'excellence opérationnelle de nos lauréats par exemple, mais pas seulement ! La part de l'enseignement privé s'est-elle améliorée depuis le lancement du plan d'urgence en 2009 ? Malgré les évolutions majeures enregistrées et l'ébullition qu'a connue le secteur, la part des établissements de l'enseignement privé reste très faible. Nous n'avons pas encore atteint les 20% initialement prévu dans le plan d'urgence. Le Maroc a tout intérêt à encourager des acteurs performants pour obtenir un secteur fort et mieux portant. Il est clair que le pays compte des établissements privés qui opèrent depuis longtemps et qui ont démontré leur excellence et la qualité des formations qu'ils offrent. Toutefois, l'enjeu est de structurer davantage le secteur pour qu'il soit plus performant et qu'il se développe dans un esprit de complémentarité avec le système public. Le partenariat public-privé prend donc tout son sens pour l'évolution du secteur ? En effet. D'ailleurs, l'Université internationale de Casablanca a signé depuis son lancement plusieurs partenariats avec des établissements publics. Les derniers en dates sont les deux conventions que nous venons de signer avec l'Institut national des postes et télécommunications (INPT) et l'Université Chouaib Doukkali El Jadida (UCD). Néanmoins, nous avons aussi d'autres partenariats comme par exemple l'accord avec les hôpitaux préfectoraux de la région du Grand Casablanca pour les stages de nos étudiants dans les filières de la santé. Il est important de dépasser le clivage public-privé pour aller vers un véritable partenariat de partage et d'échanges. Lire aussi : L'UIC entame sa phase de croissance