L'enseignement supérieur privé attire de plus en plus d'étudiants dans ces quelque 120 établissements. Les opérateurs du secteur sont unanimes à dire qu'un contrat programme est nécessaire pour mettre le secteur à niveau. L'Etat reste dans ses contradictions. Il compte former d'ici 2010 plus de 500.000 étudiants dans les établissements privés alors que la problématique de l'accréditation des diplômes reste entière. P,lus de 288.000 jeunes et moins jeunes candidats se sont présentés durant l'année académique 2005-2006 au baccalauréat. C'est une hausse de 8,4 % par rapport à l'année scolaire précédente. À la première session de juin, on annonce un taux d'admission de 38 %. Les résultats de la session normale et celle de rattrapage des examens du baccalauréat pour l'année scolaire 2004-2005 ont enregistré un taux de réussite de 47,34 %. Sur cette base, si à la deuxième session de 2005-2006, le taux cumulé des reçus à cet examen, véritable sésame, atteignait 50 %, on aurait plus de 140.000 étudiants potentiels qui vont frapper à la rentrée prochaine aux portes des universités et des écoles. L'Etat n'ayant pas les moyens d'assurer la formation de tous ces futurs cadres du Maroc, une grande partie des lauréats opteront pour l'enseignement supérieur privé. D'autres, une minorité, iront tenter leur chance dans les universités et les écoles publiques ou privées étrangères. Pour appâter ce potentiel, toutes les écoles privées développent aujourd'hui une offre de produits diversifiés. C'est notamment le cas des grands noms qui forment ce secteur. Il s'agit de Emsi, Esca, Esg, Heci, Hem, Iga, Ihees, Isg, Isiam et Sup de co Marrakech, Com'sup regroupées dans la Conférence des grandes écoles, une association que préside Abdelali Benamour, président de HEM. Ces établissements représentent 65 % des étudiants ayant choisi le privé. "Le souci de la quête de la performance au profit de nos étudiants a été et demeure le principal mobile de nos actions", souligne Ahmed Benmejdoub, directeur marketing de l'ESIG. Et de renchérir : "après avoir fait de l'approche par compétence une réalité, on innove par la mise en place d'un système de management par la qualité, certification ISO 9001 version 2000". Cette recherche de la performance semble être le lot de toutes les écoles aujourd'hui. C'est une démarche qui est la plupart de temps arc-boutée sur l'excellence d'un projet pédagogique que ces écoles cherchent à offrir à leurs étudiants. Ce projet repose pour les unes sur un cursus nord-américain sanctionné par un bachelor en administration des affaires, le master en gestion de projet (MGP) et le master en gestion des organisations (MGO.) Pour les autres, le partenariat se tisse avec les écoles ou les universités françaises ou belges. En privilégiant l'approche par compétence et les Technologies de l'information et de la communication, les écoles d'enseignement supérieur privé veulent montrer que leurs lauréats n'ont rien à envier à leurs camardes qui viennent de l'enseignement public. "L'ESIG a été la première école à développer ces solutions pédagogiques uniques. "Ce sont ces innovations qui ont permis à des milliers de jeunes de ces établissements de mériter leur place auprès des dirigeants d'entreprise. «Tous les ingrédients d'une formation de haut niveau en management sont une réalité aujourd'hui», avance un chef d'une PME spécialisée en informatique. Cette montée en altitude de ces écoles privées n'amène pas pourtant les pouvoirs publics à des meilleurs sentiments à leur égard. L'accréditation des diplômes reste entière En dépit de la qualité de l'enseignement que certaines de ces écoles privées dispensent à leurs étudiants, rares sont ces derniers qui arrivent à faire carrière dans les grands offices de l'Etat, dans les cabinets d'audit... La réponse à cette énigme a été donnée en partie par Saïd Benamar enseignant chercheur au sein du groupe HECI : "nous avons beaucoup d'étudiants qui opèrent dans les cabinets d'audit. Cependant pour travailler dans le secteur public, il est vrai que l'Etat exige des diplômes qu'elle reconnaît". Ce qui est complètement en déphasage avec la stratégie actuelle de ce même Etat qui compte former dans les écoles privées d'ici 2010 quelque 500.000 étudiants. Ce qui fera un accroissement de 20 % de l'effectif chaque année au lieu d'un peu plus de 6 à 7 % actuellement. Cependant, il faut bien préciser que dans ce schéma, toutes les étapes de la formation sont concernées. Cela va du préscolaire au primaire en passant par le secondaire, le supérieur et la formation professionnelle. "Le ministère de tutelle en collaboration avec les principaux opérateurs du secteur libre travaille sur un projet d'accréditation qui vise à résoudre cette problématique de reconnaissance", poursuit Saïd Benamar. Et d'ajouter : "car il faut reconnaître tout de même qu'il existe des écoles qui n'offre pas un produit de qualité". Si la messe est dite à ce niveau, la satisfaction de certaines de ces écoles viendrait de leur reconnaissance par les entreprises. À cet égard, un responsable de HECI estime à plus de 90 % le nombre de ses lauréats recrutés par les entreprises. "Le secteur public doit se rendre vite compte de cette évidence, lui qui a besoin des compétences pour améliorer sa productivité", dit-il. Cette course vers la reconnaissance des écoles privées pour amener les pouvoirs publics à plus d'égard, élève en même temps le niveau de concurrence entre ces établissements. Le secteur de l'enseignement supérieur privé ne cesse d'augmenter en nombre d'établissements. Des nouvelles filières, sciences de la santé, biotechnologies, distribution, logistique, etc, plus originales les unes que les autres voient le jour chaque année. Certaines études sont d'ailleurs entièrement dispensées en anglais. C'est le cas, en ce qui concerne le génie informatique. Le Maroc compte plus de 120 établissements privés d'enseignement supérieur aujourd'hui pouvant accueillir quelque 30.000 étudiants. L'écrasante majorité de ces écoles sont situées à Casablanca et à Rabat. En 2003, la capitale économique comptait 53 écoles et Rabat était à 48. Les autres villes se partageaient le reste. Les opérateurs du secteur ne dorment pas sur leur laurier. Chaque établissement essaie de mettre un plan stratégique clair en place. "Dans un contexte de mondialisation et d'ouverture grandissante de l'économie internationale. Il s'impose alors d'adopter un comportement ajusté aux nouvelles méthodes et aux pratiques managériales internationales. Nous entendons répondre aux attentes d'une clientèle intéressée par la pédagogie nord américaine d'où l'importance d'un investissement important tant en support bibliographique qu'en système d'information et en formation de ses enseignants pour la maîtrise de cette pédagogie", souligne le directeur marketing de l'ESIG. Plus de 150 professeurs canadiens se déplacent chaque année pour transmettre leur savoir et leur savoir-faire aux étudiants inscrits des quatre campus de cet établissement que sont ceux de Casablanca, Marrakech, Fès et Rabat aux normes internationales. Ceci dit, les opérateurs du secteur de l'enseignement supérieur privé sont unanimes à dire que l'avenir est prometteur. "En tout cas, le secteur s'est développé grâce à ses propres moyens et continuera à le faire. L'économie et les besoins du marché évoluent créant ainsi les conditions naturelles d'un tel développement", souligne Saïd Benamar. Arrivant à une phase de maturité, les grandes écoles qui ont plus de dix ans sur le marché seront obligées à innover et de se développer. En témoignent les projets d'universités privées et de campus de quelques groupes de l'enseignement privé. Le secteur a besoin d'un vrai contrat programme pour se mettre à niveau, à l'instar d'autres secteurs au Maroc. Ainsi, le gouvernement et le privé pourront assumer pleinement leurs engagements dans la promotion de l'enseignement et la recherche dans le pays et assurer l'accessibilité d'une large population jusque-là défavorisée faute de moyens à une formation de qualité dans l'enseignement supérieur privé. Homologation pour bientôt Le décret du Premier ministre est prêt Est-ce la fin de plusieurs décennie d'attente ? Depuis, l'indépendance, l'enseignement supérieur privé cherche à avoir la même notoriété que les universités. Le privé forme des ingénieurs et des managers de haut niveau, dont la compétence est avérée, mais qui restent marginalisés dans les administrations et même certaines entreprises privées. En effet, aujourd'hui encore, dans les banques les lauréats des établissements privés d'enseignement supérieur perçoivent des salaires inférieurs à leurs collègues issus des écoles de commerce publiques à savoir l'ISCAE et les ENCG. Les écarts de salaires peuvent être de 2000 dirhams pour des diplômés bac+4. Quant à l'administration publique, elle reste purement et simplement interdite aux diplômés du privé quelle que soit la compétence dont ils peuvent se prévaloir. Une telle situation n'est pas pour plaire aux écoles privées bien qu'elles évitent d'en parler. Elle dévalorise les formations qu'elles délivrent et donc crée une certaine réticence à l'embauche de leurs lauréats qui ne peuvent pas bénéficier des mêmes avantages que ceux du public. Pourtant, le changement d'une telle situation reste suspendu à un décret du Premier ministre. Heureusement, au cours de la semaine dernière, après plusieurs réunions depuis plusieurs mois, un accord est intervenu avec les établissements privés pour le contenu d'un décret. Par ce décret, les établissements qui désirent accréditer une de leur filière devront répondre à un cahier des charges qui leur impose un certain nombre de règles à suivre. Si une école fait accréditer toutes ses filières, elle aura désormais le même poids que n'importe qu'elle autre université publique, ce qui sera une révolution. Il s'agira d'un véritable argument commercial, puisque ce type de diplôme délivré par une filière accréditée ouvrira droit aux mêmes emplois que le diplômes publics correspondants, ce qui n'est pas encore le cas. Il faudra cependant plusieurs mois avant que le décret n'arrive à son stade final de publication dans le bulletin officiel. Désormais, le combat des écoles privées est ailleurs. Il leur faudra lutter avec certains établissements publics qui les concurrencent dans certaines formations. La plupart d'entre elles pointe du doigt l'Office national de la formation professionnelle et de la promotion du travail (OFPPT). Elles l'accusent de ne pas donner des formations pointues et recherchées, mais de venir sur leur chassée gardée avec des formations gratuites. Pour certains professionnels, il est urgent que l'Etat délimite les responsabilités de chaque acteur en mettant en place une sorte de carte géographique de la formation.