Une valse en dix temps, ou plus exactement en dix toiles. C'est l'essence du spectacle offert par les deux artistes chorégraphes Sidi Larbi Cherkaoui et Maria Pagés, mardi 25 mai sur la scène du Théâtre Mohammed V de Rabat. Des rythmes de flamenco, de musique andalouse et de chants araméens, à cette soirée du festival Mawazine rythmes du monde, qui auront fait danser les membres, les voiles, les ombres et les talons de ce duo hispano-marocain. Dunes, tel est le nom de cette œuvre chorégraphique qui aura fait lever d'applaudissements une salle comble. Une œuvre qui fait voyager dès ses premiers instants dans un univers de poésie romantique où le corps raconte au corps de son âme, son amour... pour la vie, pour l'autre. «Ce spectacle représente beaucoup de choses pour moi», confie Maria Pagès aux Echos quotidien en coulisses. «C'est beaucoup de travail, mais également beaucoup d'amour et de partage. Pour moi c'est l'amour des peuples, des Hommes... C'est un projet qui nous tient beaucoup à cœur, Larbi et moi», ajoute-t-elle. Jeux de mains, jeux de corps D'abord voilés sous une lumière tamisée, Pagès et Cherkaoui se rencontrent. Inconnus, anonymes, ils se croisent et se décroisent pour peindre une toile asymétriquement magnifique. Puis, la danseuse de flamenco devient une ombre sur le sable, un bras qui s'allonge à l'infini, un buste qui fait bouger les dunes ou un corps qui se mêle dans les grains de coquillages. Des tracés dessinés par Cherkaoui sur une planche de sable et projetés sur la scène. Et quand le corps disparaît, de nouveaux tableaux apparaissent. Un visage, un personnage, puis plusieurs, Adam et Eve, un schéma darwinien... et des questions que le chorégraphe d'origine marocaine partage avec l'assemblée : qu'est-ce que l'évolution? Qu'est-ce que l'identité ? De toile en toile, ces deux corps distincts, aux parcours totalement différents, qui s'exercent dans deux disciplines presque opposées, témoignent d'une rencontre des cultures à travers le dialogue... celui du corps en l'occurrence. Bien que certains professionnels présents ce soir-là avouent en avoir attendu plus de Sidi Larbi Cherkaoui, Dunes est un spectacle de danse qui aura, le temps d'une représentation tout du moins, fait sortir cette discipline de sa «minorité» (la danse fait partie des arts dits mineurs). Un spectacle donc majeur, qui donnera envie aux centaines de spectateurs présents d'en revoir et d'en redécouvrir de nombreux autres. Pour une première représentation publique au Maroc, Sidi Larbi Cherkaoui n'aura donc pas déçu le public qui l'attendait vivement ce soir-là.