L'Observatoire marocain des libertés publiques (OMLP) a présenté, hier à Rabat, son rapport annuel sur la situation des libertés publiques au Maroc pour l'année 2009. Le rapport, qui englobe la liberté d'association, la liberté de rassemblements public et la liberté de la presse, note une hausse des violations relatives à la liberté de la presse et de rassemblement qui demeurent, selon le rapport, les principales caractéristiques des violations des libertés pour l'année 2009. À titre d'exemple, plusieurs agents d'autorité continuent de demander une copie du casier judicaire pour toute personne désirant constituer une association, même si la loi 09 /07, datée du 18 février 2009, annule cette obligation. Dans sa présentation, l'OMLP demande au Premier ministre d'accélérer l'instauration d'une circulaire assurant l'application des amendements introduits au dahir sur les libertés publiques. Les associations en ligne de mire Concernant les violations, l'Observatoire marocain des libertés publiques a suivi de près quelque 114 dossiers durant l'année écoulée. Le document de l'observatoire précise que ces derniers concernent des associations travaillant pour la plupart dans les domaines des droits de l'homme, de l'enfance ou des droits économiques et sociaux. Pour l'OMLP, ces associations seraient victimes «de contrariétés infondées» de la part de l'administration territoriale, notamment en ce qui concerne la non remise du récépissé de constitution de l'association ou de renouvellement de son bureau. Lesdites contrariétés iraient aussi jusqu'à l'intrusion des autorités dans les locaux d'associations sans motif apparent. Pire encore, certaines associations auraient été interdites et dissoutes, même après la fin du délai de 60 jours imposé après dépôt de la déclaration de constitution de l'association. «Nous avons constaté une multiplication des associations depuis l'annonce de l'INDH. Notre regret est que l'Etat procède par la politique de deux poids et deux mesures, lorsqu'il envisage d'apporter son soutien aux associations locales ou nationales», affirme Kamal Lahbib, membre du secrétariat de l'OMLP. Liberté de rassemblement,la pomme de discorde Une des principales violations recensées par l'OMLP concerne la liberté de rassemblement et les interventions musclées des forces de l'ordre pour disperser un rassemblement ou une manifestation. En 2009, l'observatoire a recensé 137 dossiers, dont plus de la moitié ont été marqués par l'intervention musclée des forces de l'ordre, en violation des dispositions de la loi en vigueur. Pire encore, les autorités interpellent, puis poursuivent en justice les manifestants. Selon Kamal Lahbib, « il est inconcevable qu'un rassemblement pacifique soit dispersé par la force. Il faut ouvrir un débat au sein des mouvements de protestation pour garantir le droit de protestation pacifique». Concernant la liberté de la presse, le rapport note une régression en 2009 et aucun changement positif par rapport aux années précédentes. Les mêmes attitudes et dispositions de loi ont été utilisées par les pouvoirs publics pour résoudre les problèmes avec la presse. Selon le rapport, le principal souci des autorités reste le contrôle de la liberté de la presse et de l'information par le biais de la justice et l'orientation des médias publics. Le rapport note aussi le dynamisme du paysage médiatique marocain, dont les journalistes jouent un rôle majeur avec le soutien de la société civile et le rôle de la presse dans la consolidation de la démocratie. Garantir l'Etat de droit L'OMLP appelle le gouvernement à amender la loi concernant les associations pour que les autorités soient obligées de justifier les cas où elles interdisent la constitution d'une association. L'observatoire appelle aussi à la suppression des peines privatives de liberté du code de la presse, de la loi des associations et de rassemblement par l'instauration de peines alternatives et la diminution des amendes dans les délits de presse. Sur le registre de la liberté d'association, l'OMLP tient à ce que les jugements administratifs en faveur des associations soient appliqués et à ce qu'une bonne gouvernance sécuritaire, basée sur la responsabilité politique, pénale et civile dans toutes violations enregistrées par les services de sécurité, soit instaurée. Dans leur rapport, les membres de l'OMLP n'ont pas omis de rappeler au gouvernement son obligation de garantir le droit d'accès à l'information et la liberté d'expression et d'opinion. «Nous sommes dans un processus de mise en place d'un Etat de droit»Kamal Lahbib, : Membre du secrétariat de l'OMLP* Les Echos quotidien : Quelle est la valeur ajoutée d'un rapport sur les libertés publiques au Maroc ? Kamal Lahbib : Le Maroc a besoin de plus d'un rapport et d'un observatoire des libertés publiques, d'autant plus qu'il y a plusieurs lectures des événements qui se produisent. Sa valeur ajoutée est que même si la presse a un syndicat qui produit un rapport de manière régulière, dans le domaine de la liberté de rassemblement et d'association, il n' y a que l'observatoire qui continue à produire un état sur la situation des atteintes aux droits d'association et aux statistiques sur les rassemblements publics. Le rapport note-t-il une hausse des violations concernant la liberté d'associations ? Ce qui revient d'une façon systématique, c'est la non application de la loi par les agents d'autorité qui sont en charge de remettre un récépissé au moment de la réception du dossier. Lorsqu'un dossier est complet, il y a obligation de remettre immédiatement un récépissé ou au moins un papier provisoire, cela ne se fait pas dans la plupart des cas, ce qui est une violation grave de la loi. Nous n'avons pas la possibilité d'exercer un recours. Je pense que nous allons appeler à ce que les associations qui ne reçoivent pas le récépissé puissent entamer une procédure contre l'agent qui n'a pas respecté la loi. Qu'est ce que vous recommandez au gouvernement ? Nous lui recommandons de faire appliquer la loi et d'expliquer aux agents d'autorité qu'il y a tout intérêt pour le pays aujourd'hui à faciliter la procédure de création d'association. Si les autorités ont des choses particulières à reprocher, ils n'ont qu'à entamer une procédure judicaire. Nous sommes dans un processus de mise en place d'un Etat de droit. * L'Observatoire marocain des libertés publiques.