* Malgré les amendements apportés par la loi de 2002, la constitution dune association relève du parcours du combattant du fait que cette loi nest pas respectée par lAdministration. * Des associations attendent leur récépissé depuis des mois, voire des années en toute violation de la loi. * Il est prévu dans cette loi la possibilité de confier à un huissier de Justice la mission de déposer la déclaration de constitution de lassociation. La liberté dassociation et dadhésion à une association syndicale et politique est garantie dans larticle 9 de la Constitution marocaine. Mais entre les textes juridiques et la pratique, cette liberté est souvent «asservie» par des pratiques ambiguës de lAdministration. Ainsi, sagissant de la procédure de constitution dune association, bien que celle-ci ne soit pas soumise à une autorisation mais à une simple déclaration, lAdministration refuse régulièrement, malgré les dispositions de la loi, de délivrer le récépissé de cette déclaration à certaines associations. Et là, les exemples sont légion à travers le Maroc. Citons à titre dexemple lAssociation Anti-Harcenic qui attend depuis plusieurs mois déjà un récépissé provisoire pour démarrer son activité qui vise la sensibilisation à limpact du harcèlement moral. Autre exemples, lAssociation nationale des diplômés chômeurs au Maroc, lOrganisation Justice et Charité (Al Adl Wa Al Ihsan), le Mouvement pour la nation ou lInstance nationale pour lindépendance de la Justice, nont pas obtenu leurs récépissés. Ainsi, si sur le papier la loi simplifie les formalités de déclaration des associations, apporte quelques modifications concernant la procédure de reconnaissance dutilité publique et accorde la reconnaissance aux associations, le droit de bénéficier des aides dune partie étrangère, publique ou privée ainsi que du secteur privé en pratique, nest pas toujours respectée comme le souligne clairement le Rapport de suivi réalisé par le réseau euro-méditerranéen des Droits de lHomme. Pourtant, le texte amendé en 2002 exige de lAdministration quelle délivre un récépissé provisoire constatant le dépôt des documents requis par la loi, dans lattente dun récépissé définitif qui doit être remis aux intéressés dans un délai de soixante jours après la déclaration ; en cas de non-réponse de lAdministration, lAssociation acquiert la personnalité juridique et peut exercer ses activités prévues dans ses statuts. De plus, la loi de 2002 a autorise les responsables de lassociation à confier à un huissier de Justice la mission de déposer la déclaration de constitution de lassociation. Les associations ne sont pas au bout de leur peine car dans certains cas, les autorités ne demandent pas seulement les pièces prévues par la législation, mais exigent en outre dautres documents (carte nationale, photos des membres du bureau...), qui ne sont pourtant pas prévus par la législation. LAdministration refuse ou diffère la délivrance du récépissé à certaines associations sur la base de motifs de sécurité publique, de lutte contre le terrorisme ou encore de respect de lintégrité territoriale. Ces motifs restent tout de même très vagues. Idem pour la dissolution dune association. Bien que la loi prévoie que cest une prérogative du judiciaire, le réseau euro-méditerranéen des Droits de lHomme déplore que, dans ces conditions, toute la difficulté réside dans les multiples interprétations et lambiguïtés qui peuvent être données à «latteinte» à la religion islamique, à lintégrité du territoire national, ou au régime monarchique qui justifie la dissolution dune association. Dans la mesure où la Justice ne dispose pas encore de sa pleine indépendance et souffre encore de plusieurs dysfonctionnements, cette notion peut être utilisée par les autorités pour limiter les activités de certaines associations. 2008, une année très difficile Au cours de lannée 2008, la police a recouru à la force contre les manifestations organisées par les associations de diplômés chômeurs devant le Parlement à Rabat, qui revendiquent le droit au travail et surtout laccès à la fonction publique. Le président de lAssociation Nationale des Diplômés Chômeurs a été arrêté le 1er mai. Il a été libéré puis arrêté de nouveau le 3 mai, avec quatre autres militants. Les cinq militants ont été reconnus coupables «datteinte aux valeurs sacrées» suite à la manifestation. Le 22 mai, ils ont été accusés d«insulte à la monarchie» et condamnés à trois ans de prison et soumis à une amende de 10.000 dirhams. Le 7 juin 2008, les forces de lordre ont violemment dispersé une manifestation de plusieurs associations à Sidi Ifni. Le responsable dune organisation des droits de lHomme à Sidi Ifni, Ibrahim Sebaa El Layl, a été arrêté, quelques heures après une conférence de presse organisée par le Centre marocain des droits humains, sur les violences à Sidi Ifni. Le 13 juin 2008, Sebaa El Layl a été accusé avec le Directeur du bureau de Rabat de la chaîne TV Al Jazeera, Hassan Rachidi, de «diffusion dune fausse information et complicité». Suite aux manifestations du 14 mai 2008, en lien avec des cas dintoxication au restaurant de la cité universitaire de Marrakech, les forces de lordre sont intervenues brutalement pour disperser les manifestants, membres de lUNEM. Plusieurs étudiants ont été incarcérés pour atteinte à lordre public, dégradation de biens publics et constitution dune bande criminelle. En août, ils étaient en grève de la faim dans la prison de Marrakech en attendant leur procès. Plusieurs procès ont été intentés contre les défenseurs des droits humains et des syndicalistes au cours de ces deux dernières années. Le dernier en date concerne Chakib Khyari, le président de lAssociation Rif pour les Droits de lHomme, ce qui a incité, lAssociation à transférer son activité de Nador à Madrid. Une initiative inédite qui, espérons-le, mettra en évidence labus de pouvoir dont peuvent user certaines administrations en toute violation de la législation.