En dépit de la crise de la dette en Europe et du resserrement du contrôle monétaire en Chine qui secouent les marchés, les banques chinoises restent déterminées à lever de coquettes sommes dans les mois qui viennent. Sommés de regarnir leurs coffres après avoir massivement prêté l'an dernier, les instituts bancaires espèrent attirer des dizaines de milliards de dollars. Et devraient y parvenir, selon les experts. «On considère souvent que parier sur les banques chinoises revient à parier sur la croissance chinoise, et essentiellement, cette histoire de croissance ne fait pas de doute», dit Tom Orlik, analyste chez Stone and McCarthy Research Associates. L'opération la plus attendue est l'introduction en Bourse, potentiellement la plus importante au monde, d'Agricultural Bank of China (ABC), qui projette de lever jusqu'à 30 milliards de dollars, selon l'institut de données économiques Dealogic. D'autres banques déjà introduites cherchent aussi à attirer des dizaines de milliards de dollars au total, et notamment les trois grandes : Bank of China (BOC), China Construction Bank (CCB), et Industrial and Commercial Bank of China (ICBC). Ces buts peuvent sembler ambitieux alors que les places de Shanghai et Hong Kong ont perdu respectivement presque 15% et 9% depuis un mois, refroidies par la crise de la zone euro et les mesures chinoises pour réfréner le crédit par peur d'une surchauffe de l'économie et d'une hausse des prêts non performants. L'Etat, plus important souscripteur Mais l'appétit de la Chine à la formidable croissance reste intact, quitte à reléguer au second plan les questions en suspens, par exemple sur le mode de développement des banques, reposant trop sur le crédit et pas assez sur d'autres sources de revenus, note Orlik. En outre, l'Etat chinois qui possède 60-70% de ces banques, devrait tirer la demande en devenant un important souscripteur de ces offres de titres et de bons, souligne un banquier de Hong Kong sous couvert de l'anonymat. Central Huijin, l'agence d'investissement en Chine du fonds souverain CIC, co-actionnaire majoritaire avec le ministère des finances des banques publiques, a annoncé le mois dernier qu'elle participerait aux plans de financement de BOC, CCB et ICBC «de la plus haute importance pour la stabilité des marchés de capitaux et le développement sain des banques», selon elle. Une fois le gouvernement servi, resteraient de «13 à 15 milliards de dollars devant être absorbés par les investisseurs de Shanghai et Hong Kong», estime le banquier de Hong Kong. «La demande devrait être suffisante», escompte-t-il. Guo Tianyong de l'Université Centrale de Finance et d'Economie, souligne que les banques auront besoin de cet apport alors que le crédit devrait rester «raisonnable» dans les prochaines années «pour soutenir l'expansion économique» dans un contexte mondial incertain. «C'est un choix pragmatique», assure-t-il. Pour lui, les fondamentaux des établissements chinois restent assez solides, avec «une forte rentabilité», d'autant que leurs titres sont probablement sous-évalués après la récente chute de la Bourse et prêts à rebondir. Mais des analystes estiment que la super-introduction d'ABC, dernière des quatre grandes banques encore non cotée et aussi la plus faible, ne devrait pas être mieux valorisée que celles de ses pairs, en raison de la morosité du marché. Elle pourrait intervenir dès l'été, prenant la préséance sur les autres émissions. Une autre introduction attendue est celle d'Everbright Bank, un institut de taille moyenne, qui pourrait chercher, à terme, à lever un milliard de dollars.